L’on ne saurait inférer du seul silence d’un accusé ou de l’absence d’arguments sur tel ou tel point qu’il renonce à exiger que la poursuite établisse tous les éléments essentiels de l’infraction portée contre lui. Une admission, pour être valable, doit être claire, précise et non équivoque.
[11] La question en litige est ni plus ni moins celle de décider si l’appelante a effectivement admis la preuve des résultats de l’éthylomètre – auquel cas, elle ne peut être autorisée à rétracter son admission en appel – ou si, dans les faits elle s’est simplement abstenue de formuler des arguments pour faire valoir l’insuffisance de la preuve à charge – ce qui ne relèverait pas le ministère public de son fardeau d’établir hors de tout doute raisonnable tous les éléments constitutifs de l’infraction.
[12] Le dossier illustre l’importance de consigner par écrit et de façon claire toute admission formulée lors d’un procès criminel. L’on ne saurait inférer du seul silence d’un accusé ou de l’absence d’arguments sur tel ou tel point qu’il renonce à exiger que la poursuite établisse tous les éléments essentiels de l’infraction portée contre lui. Une admission, pour être valable, doit être claire, précise et non équivoque. Et si elle l’est, elle devrait être consignée dans le procès-verbal de l’audience, pour éviter tout malentendu ou ambiguïté. Nul doute que si l’on avait fait cela en l’espèce, le débat en appel aurait pu être évité.
La déclaration que le sort de la requête emporte l’issue du procès
[13] Néanmoins, une lecture de l’ensemble des procédures et des transcriptions mène à la conclusion inéluctable que la position de l’appelante dès le 9 mars 2021 – lorsque fut fixée la date du procès – était de présenter une requête en vertu de la Charte et, si celle-ci était rejetée, de ne pas contester la suffisance de la preuve contre elle. Telle est l’essence de la déclaration que le sort de la requête emporte l’issue du procès.
[14] Cette position, consignée au formulaire de fixation de procès en mars 2021[6], a été réitérée au début du procès[7] et de nouveau pendant le voir-dire[8]. De plus, en réponse à la question de la juge (lors du voir-dire) qui demande s’il y aurait contestation des certificats d’analyse, l’intimé confirme qu’il n’y a aucune contestation quelconque[9], et l’avocat de l’appelante répond par un « non, non » indiquant son acquiescement[10].
[15] Rien ne permet de croire que l’appelante a décidé de revenir sur l’admission de la preuve de son alcoolémie à un quelconque moment durant le procès. Au contraire, lorsque l’intimé dépose les certificats du technicien qualifié et de l’analyste en énonçant qu’ils démontrent « le taux de 160 »[11], l’avocat de l’appelante ne fait valoir aucune contestation, puis termine ses observations en affirmant très simplement : « Au niveau du deuxième chef, je pense bien que je n’ai pas d’argument à vous soumettre là‑dessus »[12].
[16] En appel, il est trop tard pour l’appelante de tenter de modifier sa stratégie ou de rétracter ses admissions. Tout comme la Cour le reconnaissait dans Laguerre c R.[13], « [l]e dossier d’appel contredit nettement la position que l’appelant adopte maintenant en appel »[14]et « [c]e moyen d’appel fait peu de cas du franc-jeu qui doit exister entre les avocats et de leur rôle d’officier de justice. »[15].