Blanchard c. R., 2025 QCCA 3

Tout comme les motifs des juges doivent être révisés « en fonction de ce qu’ils ont écrit et non en fonction de l’imagination conjecturale des cours de révision »[10], une cour d’appel doit évaluer le message tel qu’il a été communiqué dans l’exposé au jury, et ce, même si on sait pertinemment ce que le juge voulait vraisemblablement exprimer.

[59]      Il est important de ne pas perdre de vue que le jury n’a aucune formation en droit[8] et que, malgré la sagesse qu’on lui reconnaît, les erreurs relevées doivent être évaluées selon « le message général que les termes utilisés ont transmis au jury, selon toutes probabilités »[9].

[65]      En effet, si comme l’explique le juge dans la première partie du passage contesté, le jury croyait le témoignage de l’appelant selon lequel il n’avait pas l’intention de tuer la victime ou que ce témoignage soulevait un doute raisonnable, il n’avait pas à déterminer si « le reste de la preuve » établissait sa culpabilité hors de tout doute raisonnable, car il devait acquitter l’appelant de l’infraction de meurtre au deuxième degré à l’une ou l’autre des deux premières étapes de la démarche décrite dans W.(D.). J’y vois une directive erronée qui s’ajoute à la première erreur pointée par l’appelant au sujet de l’évaluation de son témoignage.

[66]      Vraisemblablement, l’intention du juge était de dire ce qui suit : « Si vous ne le croyez pas ou si son témoignage ne soulève pas de doute raisonnable dans votre esprit, vous devez néanmoins examiner l’ensemble de la preuve ». En effet, la directive n’a de sens que si le jury ne croyait pas l’appelant ou que son témoignage ne soulevait pas de doute raisonnable quant à l’intention de tuer, car il devait alors examiner l’ensemble de la preuve pour déterminer s’il était convaincu de la culpabilité de l’appelant hors de tout doute raisonnable de meurtre au deuxième degré. Une telle directive n’aurait posé aucun problème.

[67]      Mais ce n’est pas ce qu’il a dit. Les mots utilisés par le juge intiment au jury de poursuivre ses délibérations même s’il croit l’appelant ou même si son témoignage soulève un doute raisonnable.

[68]      Tout comme les motifs des juges doivent être révisés « en fonction de ce qu’ils ont écrit et non en fonction de l’imagination conjecturale des cours de révision »[10], une cour d’appel doit évaluer le message tel qu’il a été communiqué dans l’exposé au jury, et ce, même si on sait pertinemment ce que le juge voulait vraisemblablement exprimer.

[69]      L’utilisation dans une directive d’une formulation positive lorsque la négative est requise, ou vice versa, de même que la présence ou l’absence des adverbes « ne » et « pas » à une occasion dans une directive ne pose pas nécessairement de problème. Toutefois, ce problème (énoncé inapproprié, positif/négatif) se révèle plus épineux et susceptible d’accroître la confusion dans l’esprit du jury lorsque cette mention se répète à plusieurs reprises d’une manière incompatible avec la présomption d’innocence, le fardeau de la preuve, le doute raisonnable et la teneur de la directive W.(D.). Je suis d’avis que c’est le cas en l’espèce.

[70]      Par ailleurs, après ces passages critiqués par l’appelant, l’exposé se poursuit avec une série de questions rhétoriques suggérées par le juge que j’examine plus loin (celles-ci font l’objet d’un moyen distinct d’appel) et le juge conclut alors cette portion de ses directives en affirmant ce qui suit :

Il vous appartient de décider, d’évaluer plutôt le témoignage de l’accusé et de décider si vous le croyez ou encore son témoignage à l’effet qu’il ne voulait pas tuer Jacques Choquette mais plutôt que le coup de feu est parti par réflexe ou accident à la vue du flash du téléphone de Jacques Choquette, si cette version soulève un doute dans votre esprit auquel cas vous devez l’accuser de meurtre et le déclarer coupable d’homicide involontaire.

Mais même si vous ne croyez pas la version de l’accusé ou encore que cette version ne soulève pas de doute dans votre esprit, vous devez continuer vos délibérations afin de déterminer si la Poursuite a démontré, hors de tout doute raisonnable, que le fait de causer la mort de Jacques Choquette était intentionnel, autrement dit, la Poursuite a-t-elle démontré, hors de tout doute raisonnable, d’éléments intentionnels du fait de causer la mort d’un être humain.

[71]      Ce passage compense-t-il les directives erronées que j’ai examinées antérieurement et l’incertitude qui en découle?

[72]      Je ne le crois pas, car je suis incapable de déterminer quelles directives le jury a suivies. Toute conclusion de ma part dans un sens ou dans l’autre ne pourrait être que conjecturale[11]. Considérer l’exposé au jury dans son ensemble ne consiste pas à soigneusement rassembler les passages qui exposent correctement le droit et à faire abstraction de ceux qui sont de toute évidence erronés dans le but de conclure que le jury a été convenablement outillé[12] et qu’il « a reçu des directives à la fois exactes et suffisantes »[13]. Ce n’est pas le cas dans la présente affaire.

Les directives écrites permettent aux parties de les commenter et de déceler à l’avance toute erreur dans leur formulation. Il est nettement plus difficile de déceler une erreur dans un exposé oral, car les parties n’ont généralement pas l’ébauche écrite de l’exposé en main

[73]      L’exposé oral qui ne s’accompagne pas de directives écrites comporte des écueils qui se sont manifestés ici à plus d’une reprise et qui doivent être constatés. Les directives écrites permettent aux parties de les commenter et de déceler à l’avance toute erreur dans leur formulation, tel que je l’expliquais dans l’arrêt Tshilumba[14] :

[155]   Par ailleurs, un avantage manifeste découle de la tenue de conférences prédirectives et de la préparation d’un projet écrit de directives : celui-ci pourra être révisé par le juge à la lumière des observations des parties avant que l’exposé au jury n’ait lieu. La préparation d’un projet écrit de directives assure le respect du droit des parties d’être entendues sur la teneur de l’exposé qui sera communiqué au jury. Ce processus minimise le risque d’erreurs.

[74]      Bien entendu, les directives ne doivent pas être « disséquées ligne par ligne »[15] et « il se peut bien que des directives demeurent globalement correctes malgré quelques maladresses qui n’empêcheront pas le jury de statuer conformément au droit et à la preuve »[16].

[75]      Cependant, dans la présente affaire, les inexactitudes, même si on considère qu’elles résultent d’un lapsus ou d’une erreur dans l’expression orale, se révèlent trop nombreuses et elles ne peuvent être compensées par les passages où le droit est correctement expliqué. Il est également crucial de souligner que les erreurs sont contenues dans la directive générale portant sur l’évaluation du témoignage de l’appelant de même que dans celle qui concerne l’élément intentionnel du meurtre, soit l’intention de tuer, la question névralgique au cœur du témoignage de l’appelant et du procès.

[76]      Pour ces raisons, l’absence d’objection formelle à l’exposé oral du juge n’est pas déterminante, car je n’y vois rien de stratégique[17]. De plus, il existe un facteur non négligeable dont il faut aussi tenir compte : il est nettement plus difficile de déceler une erreur dans un exposé oral, car les parties n’ont généralement pas l’ébauche écrite de l’exposé en main[18]. Dans ce contexte, il s’avère plus difficile de reprocher à l’avocat de l’appelant de n’avoir pas soulevé d’objection formelle.

Outre le concept théorique de doute raisonnable tel que défini par l’arrêt Lifchus, les clarifications sollicitées par le jury au sujet du doute raisonnable pouvaient aussi exiger d’expliquer le lien entre le doute raisonnable et les éléments essentiels de l’infraction, le lien entre le doute raisonnable et la crédibilité des témoins, l’évaluation du témoignage de l’appelant y compris la conséquence découlant du rejet de son témoignage sur l’existence d’un doute raisonnable et la nécessité d’une directive de type MacKenzie.

[78]      Le jury a posé trois questions dont une au sujet du doute raisonnable :

Nous voudrions des précisions sur :

–      Le doute raisonnable

–      À quel moment un complot devient un complot (Laps de temps)

–      Complot sous pression est-ce que c’est valide (en anglais under deresse[19])

[79]      Au sujet de la question concernant le doute raisonnable, le juge a suggéré de reprendre essentiellement la directive issue de l’arrêt Lifchus qu’il avait déjà donnée, ce qu’il fit en la répétant[20].

[80]      Après l’avoir répétée, le juge demande aux avocats s’ils ont des commentaires, ce à quoi l’avocat de l’appelant répond qu’une précision aurait pu être faite pour expliquer que le doute raisonnable s’applique à chaque élément essentiel de l’infraction. Le juge répond alors qu’il l’avait déjà dit et que la Cour suprême suggère de répondre uniquement aux questions posées et de ne pas déborder la teneur de celles-ci.

[81]      À mon avis, il incombait au juge de s’enquérir auprès du jury de la nature des précisions recherchées[21], car il existait un risque de répondre à la question d’une manière réductrice. En effet, dans le présent dossier, la notion de doute raisonnable ne pouvait pas être limitée à la seule définition théorique issue de l’arrêt Lifchus[22], car elle avait des ramifications multiples en raison de la version présentée par l’appelant durant son témoignage.

[82]      Outre le concept théorique de doute raisonnable tel que défini par l’arrêt Lifchus, les clarifications sollicitées par le jury au sujet du doute raisonnable pouvaient aussi exiger d’expliquer le lien entre le doute raisonnable et les éléments essentiels de l’infraction (comme l’a suggéré l’avocat de l’appelant), le lien entre le doute raisonnable et la crédibilité des témoins (dont l’appelant), l’évaluation du témoignage de l’appelant (directive fondée sur l’arrêt W.(D.)) y compris la conséquence découlant du rejet de son témoignage sur l’existence d’un doute raisonnable (arrêt J.H.S.[23]) et la nécessité d’une directive de type MacKenzie[24] (en raison de la répudiation de sa déclaration aux policiers).

[83]      Compte tenu de la dynamique du dossier mettant en opposition les déclarations antérieures de l’appelant aux policiers et son témoignage lors du procès au sujet de son intention envers la victime : lui faire peur ou le tuer, la réponse du juge devait être plus complète.

Il est généralement souhaitable que le juge du procès n’exprime aucune opinion au sujet des faits.

[106]   Par ailleurs, à l’instar d’autres cours d’appel[34], la Cour considère que l’exposé au jury doit respecter une saine neutralité. Ainsi, il est généralement souhaitable que le juge du procès n’exprime aucune opinion au sujet des faits. Le juge Hilton décrit l’approche qui s’avère préférable dans l’arrêt Caron[35] :

[104]   Un accusé qui subit un procès devant jury doit pouvoir avoir un procès équitable qui lui permette de répondre aux arguments du ministère public et de se défendre. Il ne peut par ailleurs répondre aux opinions du juge puisqu’une fois les directives données, il n’a pas le droit de s’adresser à nouveau au jury. Dans ces circonstances, il est généralement souhaitable pour l’administration de la justice que les juges s’abstiennent de donner leur opinion personnelle à l’égard de la preuve. Leur rôle se limite à signaler au jury les aspects de la preuve qu’il devrait prendre en compte pour en arriver à un verdict et les principes juridiques applicables à cette preuve. Pourquoi le juge donnerait‑il aux jurés son interprétation de la preuve pour ensuite leur dire qu’ils ne sont pas obligés d’en tenir compte? Malgré qu’un juge puisse en avoir le droit en certaines circonstances, il demeure néanmoins préférable qu’il se limite à faire une narration indépendante et neutre de la preuve sans se prononcer sur sa valeur ou d’exprimer directement son opinion, ce qui d’ailleurs les aide peu dans leur évaluation personnelle. À cet égard, rappelons ces propos de la juge Charron dans Gunning :

31 Ainsi, dans un procès avec jury, il n’appartient jamais au juge d’apprécier la preuve et de décider si le ministère public a prouvé l’un ou plusieurs éléments essentiels de l’infraction, pour ensuite donner des directives en conséquence au jury. Il n’importe pas de savoir jusqu’à quel point la réponse peut paraître évidente au juge. Il est également sans importance que le juge puisse être d’avis que toute autre conclusion serait contraire à la preuve. Le juge du procès peut exprimer une opinion sur la question lorsque cela est justifié, mais il ne peut jamais donner des directives à cet égard.

[Les soulignements sont ajoutés et le renvoi est omis]

[107]   Même si la tolérance[36] du droit canadien au sujet du droit du juge d’exprimer son opinion sur les faits de l’affaire ne résiste pas à une analyse du coût et des bénéfices de cette règle, j’évalue le moyen d’appel de l’appelant selon le droit actuel et non en fonction de ce qu’il devrait être à mon avis. J’y reviendrai plus loin.

[108]   L’état actuel du droit canadien a été résumé par le juge Doyon dans l’arrêt Mailhot[37], dont l’opinion a été confirmée par la Cour suprême[38], et dont je reproduis certains extraits :

[186]   Le juge du procès peut certes exprimer son opinion sur une question de fait, à la condition toutefois de rappeler clairement au jury qu’il ne s’agit pas d’une directive, mais uniquement d’un conseil : R. c. Gunning, 2005 CSC 27 (CanLII), [2005] 1 R.C.S. 627, paragr. 27.

[187]   Certains ont cru percevoir dans cet arrêt une licence autorisant dans tous les cas le juge du procès a donné son opinion, à la condition d’y ajouter la mise en garde. À mon avis, ce n’est pas le cas.

[188]   Cette faculté n’est pas absolue et j’estime qu’elle est soumise à deux exigences : 1) le juge peut donner son opinion lorsque cela est justifié, et 2) s’il décide de le faire, il doit agir de manière équitable. […].

[109]   Après avoir cité les paragraphes 27 et 31 de l’arrêt Gunning, le juge Doyon apporte les nuances qui suivent :

[190]   Ces précisions ne sont pas anodines. Le juge peut donner son opinion lorsque cela est justifié, en exprimant son point de vue à hauteur de ce que les circonstances permettent. En d’autres mots, il peut s’exprimer aussi fermement que les circonstances le permettent, mais pas plus.

[…]

[192]   Quand le juge est-il justifié d’exprimer son avis sur les faits ? La pratique canadienne veut que le juge puisse généralement le faire, mais cela ne peut aller jusqu’à exprimer une opinion, de manière directe ou indirecte, pour influencer le jury sur le verdict à rendre. Une opinion sur les faits ne peut se transformer en une opinion sur le verdict.

[…]

[194]   En d’autres termes, le pouvoir discrétionnaire n’est pas sans limites et il peut arriver que le juge insiste indûment au point où, malgré la mise en garde, il est vraisemblable que le jury ne pourra se dissocier de l’opinion exprimée trop fermement. Cela équivaudrait à une opinion sur le verdict à rendre, sinon à une directive sur la question.

[Les soulignements sont dans l’original]

[110]   Dans l’affaire Mailhot, le juge du procès avait suggéré au jury de s’interroger sur la vraisemblance de la défense de désordre mental présentée par l’accusé[39]. Le juge Doyon admettait la pertinence des questions soulevées[40] et ce « même si le juge y laisse clairement transparaître son opinion »[41]. Cela n’aurait pas suffi à justifier la tenue d’un nouveau procès, mais le juge a démoli la position de la défense en la résumant.

[111]   Il est nécessaire de reproduire la description complète des observations du juge Doyon au sujet du résumé de la position de la défense présenté par le juge du procès au jury :

[206]   Un peu plus tard, le juge annonce :

Alors, je dois vous exposer maintenant la position des parties et je dirais, bizarrement, parce que ça n’arrive pas souvent ça, bizarrement, pour vous exposer correctement la position des parties, il me faut commencer par vous expliquer la thèse de la défense. […] Et, dans l’évaluation de la position de l’accusé, vous avez, il me semble, une question à vous poser. Est-ce vraisemblable?

[207]   C’est à compter de ce moment que le bât blesse. Le juge ne se limite pas à exposer la thèse de la défense. Il la démolit, en mettant systématiquement en doute ses principaux éléments. C’est d’ailleurs le grief que soulève l’appelant en ce que, sous le prétexte de résumer au jury la thèse de la défense, le juge n’aurait pas fait autre chose que de tenter d’en démontrer l’invraisemblance.

[208]   C’est ce qui se dégage de la lecture des directives, alors que le juge entame pourtant un chapitre qui devrait normalement résumer la défense et les points faibles de la thèse de la poursuite et indiquer ce qui, selon la défense, est de nature à susciter un doute raisonnable. Il n’en sera rien.

[209]   Sans le déclarer explicitement, le juge laissera clairement entendre, par ses questions, que ces éléments de défense n’ont pas de valeur. Or, non seulement le moment d’exposer la thèse d’une partie n’est pas le moment approprié pour en démontrer les faiblesses, mais en plus, le juge ne répète pas la mise en garde au regard de sa propre opinion, qu’il avait faite au préalable lors de ses directives générales. Or, vu la facture de ses directives au moment de résumer la thèse de la défense, il se devait, pour être équitable, de la répéter. Je m’explique.

[210]   Les directives, qui se veulent un résumé de la thèse de la défense, prennent ici la forme suivante. Le juge résume d’abord un argument de la défense, pour immédiatement enchaîner en faisant état d’éléments de preuve qui le contredisent. Et cela se répète pour d’autres éléments de la défense. Quitte à le redire, cela ne devrait pas faire partie du résumé de la thèse de la défense.

[Les soulignements sont ajoutés]

[112]   Les propos qui précèdent s’avèrent extrêmement utiles pour évaluer les critiques formulées par l’appelant en l’espèce.

La Cour d’appel de l’Ontario réprouve l’utilisation des questions rhétoriques, car celles-ci peuvent donner l’impression que le juge prend parti pour le poursuivant.

[113]   Je poursuis néanmoins mon analyse en puisant dans la jurisprudence de la Cour d’appel de l’Ontario qui concerne l’utilisation de questions rhétoriques dans un exposé au jury.

[114]   Dans l’arrêt Baltovich[42], la Cour d’appel de l’Ontario réprouve l’utilisation des questions rhétoriques, car celles-ci peuvent donner l’impression que le juge prend parti pour le poursuivant :

[146]   Rhetorical questions […] may have a place in the Crown’s closing address. They should be avoided in the jury charge, lest the trial judge be seen as taking up the Crown’s cause and casting off the mantle of objectivity.

[115]   Dans l’arrêt Lawes[43] (auquel renvoie le juge Doyon dans Mailhot), le juge Rouleau analyse une situation où le juge du procès avait utilisé des questions rhétoriques. Il insiste sur la nécessité de considérer les directives dans leur ensemble afin de déterminer si l’utilisation des questions rhétoriques a eu pour effet de dénigrer inéquitablement la position de la défense :

[59]      The trial judge in this case ought not to have used rhetorical questions such as the one I have quoted and ought not to have made comments that could be taken as unfairly denigrating the defence position. This said, however, I need to assess whether the trial judge’s unfortunate comments, considered in the context of the charge as a whole, were made in such a forceful way so as to overwhelm the jury or usurp its fact finding function, and whether they deprived the appellant of a fair presentation of his case to the jury […] such that the charge was unfair and unbalanced. Several factors militate against such findings.

[60]      First, in the charge as a whole and in this section in particular, the trial judge did not take the defence off the table. Indeed, at the end of this 13-page section, the trial judge devoted more than a page to remind the jury of the defence position and of the evidence in support. This was the last thing the trial judge said before dealing with the standard closing instructions. It is also worth noting that earlier in the charge the trial judge had spent 12 pages outlining the defence position in considerable detail.

[61]      Second, as part of the standard closing instruction as well as in several earlier parts of the charge, the trial judge made it clear to the jury that if he had consciously or unconsciously expressed any view or opinion and they disagreed with it, it was their duty to disregard it and follow their own view.

[62]      Third, in fairness to the trial judge, the evidence showing that the appellant was a party far exceeded the evidence that he was not. A balanced charge does not require the trial judge to ignore evidence that is damaging to the accused and, in this case, the evidence against the appellant position was quite strong, if not overwhelming.

[63]      Fourth, where the trial judge expressed an opinion, it was one that the jurors would almost certainly have reached themselves. The trial judge, however, never directed the jury to make any particular finding, nor did he express any opinion as to the guilt of the appellant.

[64]      Clearly rhetorical questions and comments that might be taken to unfairly denigrate the defence position ought to be avoided. They make a trial judge’s charge vulnerable and may result in the charge not being fair and balanced. Taking the factors I have outlined into account and bearing in mind that the charge must be read as a whole, I conclude, however, that in all of the circumstances the trial judge did not run afoul of the common law rule so as to usurp the fact finding function of the jury, nor did he unfairly denigrate the position of the defence. Further, the jurors “would adequately understand the issues involved, the law relating to the charge the accused is facing, and the evidence they should consider in resolving the issues”. […] The appellant was not deprived of a fair trial.

[Les soulignements sont ajoutés]

[116]   Quelques années plus tard, le juge Rosenberg apporte certaines nuances dans l’arrêt Ferrari[44]. Il distingue entre les questions rhétoriques et les questions qui émergent naturellement de la preuve :

[46]      Thus, the danger of a trial judge using rhetorical questions in relation to an accused’s evidence is that they become simply a device to denigrate the defence; questions with obvious answers suggest that the trial judge does not believe the accused’s evidence: see R. v. Dunham(1986), 11 O.A.C. 374 (C.A.); R. v. Baltovich (2004), 2004 CanLII 45031 (ON CA), 73 O.R. (3d) 481 (C.A.), at paras. 146-47. However, rhetorical questions are to be distinguished from simply posing questions that naturally arise on the evidence and are a way to analyze and understand the evidence: see R. v. Wristen (1999), 1999 CanLII 3824 (ON CA), 47 O.R. (3d) 66 (C.A.), at para. 29. In my view, for the most part, the trial judge’s comments on the evidence fell in the latter category. He asked several questions that inevitably arose from the evidence; if they sounded like rhetorical questions, this was only because the appellant Zingariello’s testimony, when considered with the other objective evidence, was extremely fragile. Zingariello was entitled to have his position put fairly but he was not entitled to have it considered divorced from all the other evidence in the case: see Lawes, at paras. 62-63.

[Les soulignements sont ajoutés]

[117]   Dans cette affaire mettant en cause les défenses traîtresses (« cut-throat defence ») de deux coaccusés, le juge avait dressé la nomenclature des contradictions entre les témoignages des deux coaccusés, ce qui lui était autorisé de faire.

[118]   Il incombe donc au juge d’agir de manière judicieuse afin de ne pas porter atteinte à l’équité du procès[45] et de ne pas déprécier la défense présentée. Il doit se garder de « remettre systématiquement en doute la vraisemblance de ses éléments constitutifs, soit en laissant entendre qu’ils sont invraisemblables, soit en insistant sur d’autres éléments de preuve qui les contredisent »[46]. Comme l’exprime le juge Proulx dans l’arrêt Aflalo :

Je ne connais pas de précédent jurisprudentiel où l’on ait approuvé cette méthode qui consiste, pour un juge, après la plaidoirie de la défense, à critiquer en quelque sorte chacun des arguments de la défense. Cela me paraît incompatible avec le caractère équitable que doit revêtir l’exposé du juge[47].

[Le soulignement est dans l’original]

On ne peut à la fois célébrer l’intelligence du jury et exprimer sa confiance envers cette institution tout en permettant au juge du procès d’exprimer son opinion sur les faits.

[129]   Je me dois de formuler un dernier commentaire. Le juge Proulx de notre Cour a remis en question dans l’arrêt Aflalo la règle de notre droit qui tolère que le juge du procès exprime son opinion sur les faits de la cause[51]. À mon avis, il en va de même des questions rhétoriques comme celles utilisées dans la présente affaire.

[130]   Néanmoins, je suis parfaitement conscient que dans l’arrêt Gunning, la Cour suprême écrit que le juge a « le droit d’exprimer une opinion sur une question de fait et de le faire aussi fermement que le permettent les circonstances, à la condition de dire clairement au jury qu’il s’agit seulement d’un conseil et non d’une directive »[52].

[131]   Cette règle est désuète et n’a plus sa raison d’être. Elle est source de moyens d’appel inutiles qui peuvent être tout simplement évités en l’abolissant. Elle exige que les cours d’appel se livrent à des contorsions intellectuelles pour déterminer si le juge du procès a exprimé son opinion d’une manière plus ferme que ne le permettent les circonstances.

[132]   On ne peut à la fois célébrer l’intelligence du jury et exprimer sa confiance envers cette institution tout en permettant au juge du procès d’exprimer son opinion sur les faits.

[133]   Comme le rappelait récemment la Cour suprême : « Le jury est le seul juge des faits »[53]. Avec égards, la voie à suivre est celle tracée par le juge Hilton dans l’arrêt Caron : « il est souhaitable […] que les juges s’abstiennent de donner leur opinion personnelle à l’égard de la preuve »[54]. Le juge doit se limiter « à faire une narration indépendante et neutre de la preuve sans se prononcer sur sa valeur ou [exprimer] directement son opinion »[55].