R. c. Ismail, 2017 QCCQ 10293

 

Premièrement, de l’examen de l’ensemble de la preuve présentée et à la lumière des enseignements du Comité des analyses d’alcool de la Société canadienne des sciences judiciaires, y a-t-il eu certaines irrégularités au cours de la période d’observation de l’accusé qui a précédé le prélèvement des échantillons d’haleine?

Deuxièmement, si tel est le cas, ces irrégularités sont-elles « objectivement identifiables et suffisamment sérieuses pour mettre en doute la fiabilité des résultats de l’alcootest »? (R. c. Cyr-Langlois2017 QCCA 1033 (CanLII), par. 60, j. Chamberland).

 

ANALYSE

[37]        Le paragraphe 258 (1) c) C.cr. prévoit trois conditions qui doivent être prouvées hors de tout doute raisonnable par la poursuite afin de pouvoir bénéficier des présomptions prévues, soit des raccourcis de preuve tel que décrit par la Cour suprême dans la décision de R. c. Alex(2017 CSC 37 (CanLII), par. 27).

[38]        La Cour d’appel dans Cyr-Langlois n’a pas créé une condition d’application supplémentaire à celles prévues au paragraphe 258 (1) c) C.cr.  Elle a tout simplement précisé, à la majorité,  le fardeau qui appartient à l’accusé pour repousser les présomptions :  « une preuve tendant à démontrer un problème de fonctionnement ou d’utilisation de l’alcootest susceptible d’en influencer le résultat » (R. c. Cyr-Langlois, par. 38).

[39]        Ces problèmes doivent être « objectivement identifiables et suffisamment sérieux » (R. c. Cyr-Langlois, par. 60).

[40]        Cette preuve peut « être offerte par le biais d’un expert retenu par l’accusé » ou être tirée du témoignage des policiers ou du technicien qualifié (R. c. Cyr-Langlois, par. 42).

[41]        L’accusé n’a pas à démontrer en plus que le résultat des analyses résulte du mauvais fonctionnement ou de l’utilisation incorrecte de l’appareil (R. c. Cyr-Langlois, par. 61).

[42]        À la question de savoir si certaines irrégularités sont survenues pendant la période d’observation, le Tribunal répond non pour les motifs suivants.

[43]        D’abord, l’expert Phaneuf n’a basé son expertise que sur ce qu’il a vu sur les caméras, deux caméras statiques qui ne permettent pas de voir toutes les pièces et l’ensemble des intervenants en même temps, soit les deux policiers, le technicien qualifié et l’accusé.  Elles permettent de ne voir que deux pièces de façon constante.  Au surplus, monsieur Phaneuf ne connaît pas les lieux.

[44]        Il admet qu’une pièce munie d’un miroir qui permet une observation constante est appropriée.

[45]        À ce sujet, le technicien qualifié Champoux est formel sur l’existence d’une telle pièce et il confirme que c’est l’agent Martel qui se trouvait là, exclusivement pour l’observation (notes sténographiques, p. 106, lignes 15 à 21).

[46]        Toujours selon le technicien qualifié, il y a toujours un des deux policiers en mesure d’observer la personne détenue et si un problème survient, il en est aussitôt informé.  Il n’a pas été avisé de quoi que ce soit d’anormal dans le présent dossier.

[47]        Curieusement, l’agent Martel, dont on a admis le témoignage lors de la preuve au procès, a témoigné lors de la présentation d’une requête en exclusion de la preuve.  L’avocat de l’accusé avait tout le loisir de lui poser des questions sur la période d’observation qui a précédé les tests.  Il ne l’a pas fait.  Une preuve sérieuse susceptible de soulever un doute raisonnable ne peut être basée sur « une simple supputation ou hypothèse » (R. c. Cyr-Langlois, par. 75 in fineR. c. Morrissey1995 CanLII 3498 (ON CA), [1995] O.J. No. 639, C.A. Ont., par. 52, R. c. Tremble2017 ONCA 671 (CanLII), par. 84 et R. c. Lacroix2012 QCCA 1839 (CanLII), par. 32).

[48]        Les policiers entendus affirment que la période d’observation a été respectée et faite dans les règles de l’art conformément aux recommandations de la Société canadienne des sciences judiciaires (voir p. 37 de la pièce D-4).

[49]        Monsieur Phaneuf dit lui-même n’avoir rien vu d’anormal dans le comportement de l’accusé ni de signe de malaises physiques de vomissement ou d’éructation.

[50]        La poursuite soutient que la qualité des échantillons prélevés est établie par l’absence de message d’erreur, par les résultats conformes des deux tests ainsi que par les graphiques révélés lors des tests.  Le Tribunal est du même avis.

[51]        Au sujet des graphiques, les explications du technicien qualifié et les réponses de l’expert Phaneuf permettent de conclure à l’absence d’alcool résiduel dans la bouche de l’accusé et à la bonne qualité des prélèvements.  La preuve présentée diffère grandement de celle qui avait été présentée dans le dossier Cyr-Langlois.

[52]        En somme, rien dans la preuve (vidéo, observation des policiers, graphique des prélèvements) ne permet de prétendre qu’il se serait produit quelque chose chez l’accusé qui aurait été susceptible de corrompre les échantillons prélevés.

[53]        Dans les circonstances, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

[54]        La preuve présentée ne soulève aucun doute raisonnable susceptible de repousser les présomptions d’identité et d’exactitude prévues au paragraphe 258 (1) c) Ccr.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[55]        DÉCLARE Karim Ismail coupable du premier chef d’accusation.