Deramchi c. R., 2021 QCCA 203

*Voir au même effet Grenier c. R., 2020 QCCA 1711 ; Dallaire c. R., 2021 QCCA 785

Il faut garder à l’esprit qu’une personne qui se défend elle-même est bien souvent désavantagée.

Lorsqu’un accusé désire être représenté par un avocat et qu’on ne peut lui reprocher son inaction ou sa négligence dans ses tentatives de mandater un nouveau procureur pour agir au procès, celui-ci devrait bénéficier d’un délai pour ce faire.

[11] Il va de soi qu’une cour d’appel doit faire preuve de déférence à l’endroit de la décision d’un juge de refuser un ajournement. En revanche, elle interviendra si l’équité du procès est en cause : Grenier c. R., 2020 QCCA 171. Dans cet arrêt, la Cour rappelle les principes décrits dans Moynan c. R., 2007 QCCA 1093 :

[36] En principe, un ajournement doit être accordé s’il existe des motifs valables au soutien de la demande et qu’il ne s’agit pas d’un moyen détourné pour retarder le procès.

[37] Comme le mentionne l’auteur E.G. Ewaschuk, deux droits s’affrontent lors d’une demande d’ajournement :

Where a trial is scheduled to start or continue and the accused does not have, but requests, the assistance of counsel, two rights are at stake: the accused’s constitutional “right to be represented by counsel” and the trial judge’s “right to control the trial process”.

[38] Avant de nier à un accusé le droit d’être représenté par un avocat lors de son procès, le juge doit s’assurer que le refus d’ajourner ne privera pas ce dernier de son droit à une défense pleine et entière non plus que de son droit à un procès équitable.

[39] Par ailleurs, le droit d’un accusé d’être représenté par un avocat au procès n’est pas absolu; ce droit peut être limité lorsque la conduite de l’accusé révèle qu’il tente indûment de retarder le déroulement des procédures judiciaires.

[40] De plus, bien que les tribunaux doivent s’assurer que les procès se déroulent de façon équitable, ce droit n’exige pas nécessairement la présence d’un avocat dans tout procès pénal : R. c. Sechon (1996), 1995 CanLII 4978 (QC CA), 104 C.C.C. (3d) 554 (C.A.Q.). Un accusé peut choisir de se représenter seul sans l’assistance d’un avocat : R. c. Fabrikant (1995), 1995 CanLII 5384 (QC CA), 97 C.C.C. (3d) 544 (C.A.Q.).

[41] En revanche, il faut garder à l’esprit qu’une personne qui se défend elle-même est bien souvent désavantagée. D’ailleurs, ce dossier illustre bien les difficultés auxquelles peut être confronté un accusé qui se représente seul.

[42] Cela dit, lorsqu’un accusé demande un ajournement pour pouvoir retenir les services d’un avocat, il faut s’assurer qu’il comprend bien que tout délai lui sera alors imputable, constituant de ce fait une renonciation à son droit constitutionnel d’avoir un procès dans un délai raisonnable.

[43] Quant aux critères d’octroi ou de refus d’une demande d’ajournement, ils ont été énoncés et repris plus récemment par la Cour d’appel du Manitoba dans l’arrêt R. c. Tavares [(2001), 2001 MBCA 62 (CanLII), 154 C.C.C. (3d) 133 (C.A. Man.)] dans une affaire où un accusé avait remercié son avocat peu avant la date fixée pour subir son procès :

1. The seriousness of the charges the accused was facing, and the likelihood that on conviction a term of incarceration would be imposed.

2. The accused’s assertion that he would be unable to represent himself properly at the difficult trial.

3. The fact that this case did not involve deteriorating evidence, or witnesses who might not later be available to testify.

4. The fact that the accused had acted reasonably during the two-week adjournment in his attempts to retain and instruct counsel.

5. The fact that in all of the circumstances it did not appear that the accused was attempting to delay or frustrate the trial process.

6. The fact that the accused was prepared to waive his Askov rights.

[44] Ainsi, lorsqu’un accusé désire être représenté par un avocat et qu’on ne peut lui reprocher son inaction ou sa négligence dans ses tentatives de mandater un nouveau procureur pour agir au procès, celui-ci devrait bénéficier d’un délai pour ce faire : R. c. Smith (1989), 1989 CanLII 7222 (ON CA), 52 C.C.C. (3d) 90 (C.A. Ont.).