Le 20 octobre dernier, François Paradis de l’émission tva en direct.com a abordé les nouvelles dispositions récentes du Code criminel à propos de ce qu’on appelle « les biens infractionnels ». Pour les fins du sujet, nous aborderons spécifiquement la saisie du véhicule à titre de bien infractionnel en matière de conduite avec les facultés affaiblies.
En vertu de l’article 2 du Code criminel, la notion de bien infractionnel se définit comme suit : « Bien situé au Canada qui sert ou donne lieu à la perpétration d’un acte criminel prévu par la présente loi ou par la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers, ou qui est utilisé de quelque manière dans la perpétration d’un tel acte, ou encore qui est destinée à servir à une telle fin. »
Dans certaines circonstances, les policiers ont le pouvoir en vertu du Code criminel de saisir un véhicule à titre de bien infractionnel lors de l’arrestation d’un individu qui a conduit son véhicule avec les facultés affaiblies dans le cas où celui-ci a plusieurs antécédents en semblable matière. Le pouvoir discrétionnaire du policier de saisir le véhicule ou pas va également dépendre de la gravité de l’infraction commise par l’individu. La gravité de l’infraction peut se traduire par le délit de fuite, taux d’alcoolémie élevé, accident causant des blessés, refus de fournir un échantillion d’alcool suite à un ordre donné par l’agent de la paix au poste de police, etc. Donc en matière de conduite avec les facultés affaiblies, le policier avant de saisir tout véhicule à titre de bien infractionnel doit s’interroger sur les antécédents judiciaires en semblable matière du prévenu et de la gravité de l’infraction qui a été commise.
Au moment où les accusations criminelles seront portées contre l’individu et lorsqu’une déclaration de culpabilité sera enregistré, celui-ci pourra s’adresser à la Cour pour faire rejeter la confiscation de son véhicule à titre de bien infractionnel effectué par le policier. Advenant le cas où le profane décide de ne pas s’adresser à la Cour, le véhicule pourra être vendu en justice aux mains de l’état. Par conséquent tout citoyen se doit de connaître et de lire la disposition suivante :
«Art. 490.41(3) sous réserve d’une ordonnance rendue en vertu du paragraphe 490.4(3), le tribunal peut ne pas ordonner la confiscation de tout ou partie de biens infractionnels confiscables en vertu des paragraphes 490.1(1) ou 490.2(2) et annuler toute ordonnance de blocage à l’égard de tout ou partie des biens, s’il est convaincu que la confiscation serait démesurée par rapport à la nature et à la gravité de l’infraction, aux circonstances de sa perpétration et, s’il y a lieu, au casier judiciaire de la personne accusée ou reconnue coupable de l’infraction, selon le cas.»
À la lumière de ce qui précède, tout citoyen s’adressant à la Cour pour faire rejeter la saisie de son véhicule devra argumenter que la confiscation de son véhicule à titre de bien infractionnel est démesurée et non proportionnelle par rapport à la nature et à la gravité de l’infraction, et aux circonstances de sa perpétration et au casier judiciaire de la personne accusée de l’infraction.
En mars 2011, la Cour d’appel dans l’affaire -R c. Neault–[1]a rendu un jugement clé concernant la saisie d’un véhicule à titre de bien infractionnel en matière de facultés affaiblies. Dans cette affaire, monsieur Neault a été arrêté par les policiers alors qu’il conduisait son camion avec les facultés affaiblies. Compte tenu de 2 antécédents judiciaires de même nature, en 2000 et en 2004, le policier a décidé de saisir son véhicule à titre de bien infractionnel lors de l’infraction. Monsieur Neault a été condamné par la suite à 120 jours d’emprisonnement et s’est vu imposer une interdiction de conduire pendant 3 ans. Par la suite, celui-ci s’est adressé à la Cour afin de retrouver possession de son véhicule en argumentant que la confiscation de son camion à titre de bien infractionnel était démesurée et non proportionnelle par rapport à nature et la gravité de l’infraction. Le juge de première instance a donné raison à monsieur Neault et la Cour a rejeté la confiscation du véhicule et a remis le véhicule à celui-ci au motif que cette sanction était démesurée dans le cas, compte tenu notamment du fait que son alcoolémie, soit 112 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang, n’était pas très élevée et qu’il n’y avait pas eu d’accident ni de conduite imprudente. Il a retenu que l’accusé était un jeune homme aux prises avec des problèmes de consommation qui cherchait à se réhabiliter, qu’il avait un emploi stable et avait besoin du véhicule pour exploiter son commerce, que sa détention devrait avoir un effet dissuasif suffisant et que, de plus, il ne pourrait conduire pendant trois ans, ce qui représentait pour lui beaucoup de tracas, car il n’y a aucun transport en commun dans sa région. Le ministère public a décidé d’en appeler de cette décision et la Cour d’appel a rejeté l’appel et a établi des critères visant à déterminer la notion de démesure et de proportionnalité que le juge doit prendre en considération afin d’établir si la confiscation du véhicule est valide ou pas.
(1) Les antécédents judiciaires :
Quant au critère vis-à-vis les antécédents judiciaires quant à la confiscation d’un bien à titre infractionnel. Le juge écrit :
Les antécédents judiciaires d’une personne ne sont qu’un des éléments dont le Tribunal doit tenir compte pour rendre sa décision.
Il ajoute :
le procureur m’informe qu’on leur demande d’envisager la possibilité d’une demande de confiscation dans les cas suivants : a) si une personne en est à sa troisième condamnation et a déjà été trouvé coupable de conduites pendant l’interdiction; b) si une personne est trouvée coupable de conduites en état d’ébriété pour une quatrième fois.
Dans l’affaire -R c. Manning- [2] affaire semblable à monsieur Neault, l’intimé a eu gain de cause par rapport à la non-confiscation de son automobile, et ce malgré le fait qu’il possédait déjà des antécédents judiciaires en semblable matière remontant à 1989, 1982 et 1975.
(2) Les circonstances de la perpétration de l’infraction :
Quant aux circonstances de la perpétration de l’infraction, le juge a tenu compte des circonstances propres de monsieur Neault à savoir qu’il avait besoin de son véhicule pour se déplacer pour le cours de son travail. De plus, le camion avait été acquis de façon légale et monsieur Neault n’avait pas de lien avec le crime organisé. En effet, le véhicule automobile détenu par monsieur Neault était sans rapport avec le gangstérisme et ne servait pas au crime organisé. Par conséquent, cela militait vers la non-confiscation du véhicule par les policiers. De plus, la confiscation de son camion aurait engendré de graves conséquences économiques au niveau de son entreprise, car le véhicule de monsieur Neault servait à son entreprise. Enfin, l’aspect familial a été pris en considération, car le véhicule servait aux fins familiales de monsieur Neault.
(3) La nature et la gravité de l’infraction :
Lors de la commission de l’infraction, monsieur Neault n’a pas fait de délit de fuite ni de conduite imprudente, n’a causé aucun accident, a collaboré avec les policiers et son taux d’alcoolémie était faible.
Pour conclure, malgré que la Cour du Québec et la Cour d’appel aient rejeté la confiscation du véhicule de Monsieur Neault, le ministère public a fait une requête pour permission d’en appeler à la Cour Suprême du Canada, mais celle-ci a refusé d’entendre la cause. Monsieur Neault pourra donc récupérer son véhicule.
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