Drummond c. R., 2023 QCCA 1387

C’est donc au procureur général du Québec que renvoie le paragraphe 7(4.3) C.cr. et, comme nous l’avons vu, la définition de ce terme englobe son substitut légitime. Comme l’a décidé la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Harrison, cette expression s’applique à toute personne désignée pour agir au nom du procureur général.

[16]         Cette définition générale s’applique au Code criminel tout entier, sauf si un élément vient limiter son sens[80]. Par conséquent, si le texte n’exige pas le consentement personnel du procureur général ou ne limite pas expressément les pouvoirs de ses substituts, cette définition générale trouve application[81]. Par exemple, l’art. 577 C.cr.exige le « consentement personnel écrit du procureur général ou du sous-procureur général » pour la présentation d’un acte d’accusation, tout comme l’art. 485.1 C.cr. pour la présentation d’une nouvelle accusation. Cette interprétation est celle adoptée par la Cour dans l’arrêt R. c. T.E.S. en 2003[82].

[17]         Le « procureur général » dont il est question au paragraphe 7(4.3) renvoie donc au procureur général du Québec et comprend son « substitut légitime / lawful deputy ». Comme l’a indiqué l’avocat de l’intimé, lorsque le législateur fédéral veut parler du procureur général du Canada dans le Code criminel, il le nomme ainsi expressément. À titre d’exemple, le paragraphe 7(2.33) C.cr. prévoit que le consentement du « procureur général du Canada » doit être obtenu pour intenter une poursuite relativement à une infraction perpétrée sur une station spatiale.

[18]         C’est donc au procureur général du Québec que renvoie le paragraphe 7(4.3) C.cr. et, comme nous l’avons vu, la définition de ce terme englobe son substitut légitime. Comme l’a décidé la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Harrison, cette expression s’applique à toute personne désignée pour agir au nom du procureur général :

Je ne trouve rien dans le Code criminel qui s’oppose à la proposition que les fonctions conférées aux procureurs généraux doivent être exercées sous leur autorité par des fonctionnaires compétents de leur ministère. En vertu d’une modification à l’art. 2 du Code adoptée en 1968-69, « procureur général » signifie « le substitut légitime » ou dans le texte anglais « the lawful deputy ». Je n’interprète pas « substitut légitime » comme signifiant seulement le « substitut du procureur général ». Cette expression s’applique à toutes les personnes désignées pour agir au nom du procureur général lorsqu’elles le font dans les limites de leur mandat.[83]

Pour déterminer qui est un substitut légitime, il faut se reporter à la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales[84], dont l’article premier indique que le directeur des poursuites criminelles et pénales est le substitut légitime du procureur général du Québec, ainsi que les poursuivants sous son autorité.

[21]         L’article 16 de la Loi sur le DPCP[85] autorise le directeur à déléguer une ou plusieurs de ses fonctions, tout en soulignant que les attributions réservées au sous- procureur général par le Code criminelne peuvent être déléguées qu’à un directeur adjoint. Si on lit ensemble les articles 16 et 25 de la Loi sur le DPCP, comme il convient de le faire[86], on s’aperçoit que les deux dispositions sont conciliables : tandis que l’article 16 circonscrit le pouvoir discrétionnaire de délégation du directeur, ce dernier est représenté, pour l’exercice de ses fonctions, par les procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Cette lecture est confirmée par l’article premier de la Loi sur le DPCP, selon lequel chaque poursuivant sous l’autorité du directeur est le « substitut légitime du procureur général du Québec au sens du Code criminel ».

[22]         En outre, ce sont les « attributions réservées au sous-procureur général par le Code criminel » que le directeur ne peut déléguer. Les attributions dont il est question aux présentes en vertu duparagraphe 7(4.3) C.cr. sont celles du « procureur général ». Donc, l’article 16 de la Loi sur le DPCP ne contredit pas son article premier, selon lequel les poursuivants sont les substituts légitimes du procureur général du Québec.

[23]         Par conséquent, lorsque le directeur – ou tout poursuivant autorisé à agir en son nom – autorise une poursuite aux termes de l’article 13 de la Loi sur le DPCP[87], il va de soi qu’il consent à cette poursuite. Il serait redondant d’interpréter le paragraphe 7(4.3) C.cr.comme exigeant du directeur ou du poursuivant autorisé à agir en son nom qu’il consente à une poursuite qu’il a déjà autorisée. Ce consentement implicite vaut également pour chacun des procureurs aux poursuites criminelles et pénales du bureau du directeur qui, selon les articles 1 et 25 de la Loi sur le DPCP, sont aussi les substituts légitimes du procureur général.

[24]         Le consentement direct ou explicite d’un procureur général provincial ou de son substitut légitime pourrait être exigé dans les provinces (autres que le Québec) où ce sont habituellement les corps policiers qui déposent les accusations de façon indépendante du représentant du procureur général. On pourrait en dire autant des poursuites privées.

[25]         Puisque, comme cela est déjà indiqué, il ressort clairement d’une lecture de la Loi sur le DPCP que chacun des poursuivants sous l’autorité du directeur est un substitut légitime du procureur général, le directeur n’a pas à consentir personnellement et expressément aux procédures.

[26]         Bien évidemment, le directeur, dans la gestion de son organisme, peut exiger des poursuivants qui y travaillent qu’ils obtiennent son consentement personnel ou celui d’un procureur chefrelativement à certaines questions ou dispositions du C.cr. qui requièrent le consentement du procureur général. Il s’agit d’une question interne de nature administrative qui ne change rien à l’interprétation du C.cr. ou de la Loi sur le DPCP.

Ce consentement doit-il être constaté par écrit? Le paragraphe 7(4.3) C.cr. ne l’exige pas?

[27]         Ce consentement doit-il être constaté par écrit? Le paragraphe 7(4.3) C.cr. ne l’exige pas. De plus, si l’on considère le Code criminel dans son ensemble, il appert que, lorsque le législateur exige un consentement écrit, il l’énonce clairement. Par exemple, tel que déjà mentionné, l’article 485.1 C.cr. précise que « le consentement personnel écrit du procureur général » est nécessaire dans toute poursuite où un acte d’accusation a été rejeté en raison d’un défaut de poursuite. De façon analogue, l’article 577 C.cr. exige « le consentement personnel écrit [du procureur général] » pour la présentation d’un acte d’accusation. Le consentement dont il est question au paragraphe 7(4.3) n’a donc pas à être écrit.

[28]         L’appelant ne remet pas en cause la validité, constitutionnelle ou autre, des dispositions de la Loi sur le DPCP dont il est question ici. Puisque le texte de ces dispositions ne comporte aucune ambiguïté, le rôle des tribunaux consiste à les appliquer[88].