R. c. Mousseau, 2017 QCCM 141

 

Dans le cadre d’un voir-dire ne portant que sur les circonstances de l’arrestation du défendeur, le Tribunal est saisi d’une requête en exclusion de la preuve, en vertu des articles 89 et 24(2) de la Charte Canadienne des droits et libertés. Le procureur du requérant prétend l’arrestation du défendeur n’a pas été faite dans le respect des droits constitutionnels du défendeur.  Il demande donc d’exclure les éléments de preuves ainsi obtenus.

 

  1.     ANALYSE ET DISCUSSION

[36]  L’article 254(3) du Code criminel prévoit que l’agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire qu’une personne est en train de commettre, ou a commis au cours des trois (3) heures précédentes, une infraction prévue à l’article 253 du Code criminel par suite d’absorption d’alcool, peut lui ordonner de fournir les échantillons d’haleine permettant de déterminer son alcoolémie. En l’absence de tels motifs, la demande du policier constitue une fouille abusive (R. c. Bernshaw 1995 CanLII 150 (CSC), [1995] 1 R.C.S. 254)

[37]  Les policiers peuvent acquérir les motifs raisonnables fondés sur une preuve de ouï-dire :

[38]   Dans le cas où les policiers agissent suite à des renseignements obtenus d’un informateur, ces renseignements doivent être convaincants, dignes de foi et corroborés par l’enquête des policiers :

[39]   Dans l’arrêt R. c. Clayton 2007 CSC 32 (CanLII), [2007] 2 R.C.S. 725, la Cour suprême a statué «que le fonctionnement du service 9-1-1 suppose que les policiers donne suite sans délai aux renseignements communiqués et qu’ils les considèrent fiables».

[40]   Dans la présente cause, le témoin Besner a fourni plusieurs détails quant à la conduite erratique du défendeur et il a fourni une bonne description physique ainsi qu’une description de la démarche du défendeur.

[41]   Il n’y a aucun motif qui me permettrait de rejeter son témoignage. Le fait que le témoin ait des antécédents judiciaires n’altère d’aucune façon sa crédibilité et la force probante de son témoignage surtout que les informations fournies par le témoin ont été observées et corroborées par les policiers lors de leur intervention.

[42]   Ces informations leur permettaient de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme du défendeur et, après l’avoir rencontré, ces soupçons se sont rapidement transformés en des motifs raisonnables et probables de croire que le défendeur avait conduit un véhicule à moteur alors que ses facultés étaient affaiblies par l’alcool.

[43]   Les policiers étaient-ils justifiés de pénétrer dans le domicile du défendeur ?

[44]  Dans la cause de R, c. Branco-Tavares 2016 QCCQ 9097 (CanLII), le juge Pierre Bélisle a été confronté à une situation semblable à la présente affaire et il a conclu, en référence à l’arrêt de la Cour d’appel  R. c. Hallé 2010 QCCA 2229 (CanLII) que l’intervention des policiers était justifiée :

[20] Dans R. c. Hallé, 2010 QCCA 2229 (CanLII), les agents de la paix ont pénétré sur la propriété de l’accusé afin d’examiner son véhicule lequel était un modèle similaire à celui qui venait d’échapper à une poursuite policière pour excès de vitesse. La Cour d’appel du Québec statue que « même si l’appelant n’a pas été l’objet d’une véritable prise en chasse (R. c. Macooh1993 CanLII 107 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 802)rien n’empêchait les agents d’enquêter sur les infractions qu’ils venaient tout juste de constater » (paragr. 17).

[21] La Cour d’appel considère qu’il n’y a pas eu atteinte illégale au droit de propriété de l’appelant et encore moins une atteinte à sa liberté (paragr. 24). En l’occurrence, il y avait suffisamment d’indices sérieux qui autorisaient les agents à intervenir sur la propriété de l’appelant afin de mener leur enquête de manière raisonnable (paragr. 28). Dans ces circonstances, les agents pouvaient présumer avoir le droit de se rendre sur le terrain, de frapper à la porte de la résidence et de demander des informations pour identifier le conducteur du véhicule (paragr. 29) qui circulait à 178 km/h dans une zone de 100 km/h, à 4 h 5 (paragr. 6).

[23]   Comme dans l’affaire Hallé précitée, la preuve révèle que « les agents de la paix n’ont pas abusé de leur pouvoir et que leur intervention n’est pas allée “au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il y ait communication convenable avec l’occupant de la maison ” (paragr. 29, in fine) ».

[24]   Au paragr. 34, la Cour d’appel conclut que l’accusé n’était pas l’objet d’une contrainte physique ou psychologique et qu’à cette étape de la chronologie des événements, il n’était ni détenu et encore moins en état d’arrestation. Il faut une contrainte physique ou psychologique appréciable pour que les articles 9 et 10 entrent en jeu. Aussi, il est impossible que la police détienne au sens des articles 9 et 10 de la Charte, tout suspect qu’elle intercepte aux fins d’identification ou même d’interrogation. Le seul fait d’être retenu ou retardé ne suffit pas. Il ne fait pas de doute, comme l’illustre l’affaire Grant, que les policiers peuvent aborder un individu suspect avec des questions générales sans qu’il ne résulte nécessairement une détention : voir Béliveau et Vauclair, 2015, 22e éd., p.  594, no 1302. 

[25]  Comme le rappelle le juge Boucher de la Cour supérieure du Québec, dans R. c. Pelland, 2015 QCCS 3477 (CanLII), au paragr. 26, « [U]n contact entre un policier et une personne n’implique pas nécessairement une détention au sens de la Charte, même lorsque cette personne fait l’objet d’une enquête pour une activité criminelle : R. c. Suberu, 2009 CSC 33 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 460, par. 23. 

[27]  Par conséquent, je conclus que les informations fournies par le citoyen Beaulieu combinées aux indices observés par les policiers lors de leur intervention étaient suffisants pour constituer des motifs raisonnables de croire à la commission de l’infraction prévue par l’article 253 du Code criminel : R. c. Proulx, 2014 QCCA 678 (CanLII).

[45]   En appliquant ces principes à la présente affaire, je conclus que les policiers étaient justifiés d’intervenir, de pénétrer dans le domicile du défendeur pour  enquêter la conduite du défendeur et de le mettre en état d’arrestation pour avoir conduit un véhicule à moteur alors que ses capacités étaient affaiblies par l’alcool.

  1. DISPOSITIF

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[46]    REJETTE la requête en exclusion de la preuve.