Côté c. R., 2018 QCCA 1430

Les conclusions de fait dans un jugement donné ne peuvent avoir la force de la chose jugée dans une autre affaire, même s’il y a un chevauchement important dans les faits entre les deux dossiers. Ces conclusions de fait dans le premier jugement n’ont aucune force probante dans le deuxième dossier parce qu’un jugement ne fait pas preuve des faits qui sont énoncés dans les motifs

[25]        Devant cette Cour, l’appelant s’appuie sur un jugement de la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec, rendu bien avant les déclarations de culpabilité dans le présent dossier, qui rejette en grande partie le témoignage de la plaignante au sujet des mêmes allégations concernant l’appelant. Son procureur en première instance et en appel et lui-même en avaient connaissance avant le procès criminel. L’appelant prétend que, face à cette contradiction apparente, la juge dans le présent dossier a accordé à ce témoignage une valeur probante qu’il ne méritait pas. Cette prétention est étonnante à plusieurs égards.

[26]        Au procès, la défense n’a fait aucune mention du jugement de la Chambre de la jeunesse. La juge en était complètement ignorante. Si la défense avait voulu mettre la plaignante en contradiction avec son témoignage antérieur, elle devait le faire lors de cette audition. Elle ne l’a pas fait. Autrement, il n’est pas permis de se servir du jugement de la Chambre de la jeunesse pour mettre la plaignante en contradiction. L’exploitation du jugement à cette fin serait une utilisation inadmissible de ouï-dire et d’opinion en référence aux propos de la juge de la Chambre de la jeunesse. Et même si la défense avait réussi à produire des éléments de preuve quelconques pour mettre la plaignante en contradiction, elle aurait été tenue par les principes de l’arrêt Browne v. Dunn[5] de le faire en contre-interrogatoire. Or, l’appelant tente pour la première fois devant cette Cour de produire le jugement de la Chambre de jeunesse comme un élément de preuve à l’appui de l’appel contre les déclarations de culpabilité.

[27]        Quelques jours avant l’audition de ce pourvoi, l’appelant a déposé une requête pour permission de produire le jugement de la Chambre de la jeunesse comme un élément de nouvelle preuve. Cette requête est rejetée pour deux motifs. Premièrement, les conclusions de fait dans un jugement donné ne peuvent avoir la force de la chose jugée dans une autre affaire, même s’il y a un chevauchement important dans les faits entre les deux dossiers. Ces conclusions de fait dans le premier jugement n’ont aucune force probante dans le deuxième dossier parce qu’un jugement ne fait pas preuve des faits qui sont énoncés dans les motifs. Si tel était le cas, une partie pourrait déposer dans un deuxième dossier une preuve inadmissible de ouï-dire et opinion découlant du jugement dans le premier dossier.

[28]        Deuxièmement, même si les conclusions de fait dans le jugement de la Chambre de la jeunesse avaient pu être qualifiées d’éléments de preuve, il est évident que l’appelant ne satisfait pas les critères établis pour la réception d’une nouvelle preuve en appel, et notamment le critère de la diligence raisonnable[6]. Le jugement de la Cour du Québec est antérieur au jugement dont appel et n’est donc pas nouveau.

[29]        Ce volet de l’appel contre les déclarations de culpabilité est à sa face même mal fondé et doit être rejeté.


***Voir aussi : R. c. J.-L.L., 1994 CanLII 6228 (QC CA)