La simple référence à une sommation, sans plus, ne saurait être probante quant au profil, caractère ou risque de récidive du délinquant.
[9] Dans cette même veine, la Cour ne peut retenir le reproche fait à la juge de ne pas avoir tenu compte, dans son évaluation du risque de récidive, de dénonciations de violence conjugale subséquentes et déposées par l’appelant lors des observations sur la peine. D’abord, comme le souligne la juge, l’intimé jouit toujours de la présomption d’innocence relativement à ces dénonciations survenues postérieurement aux gestes reprochés dans le présent dossier. Ensuite, le rapport présententiel a aussi été rédigé après la survenance de ces dénonciations, lesquelles, on peut le présumer, ont été prises en considération dans l’évaluation générale du caractère de l’intimé et de son degré de dangerosité.
[10] La Cour, dans l’affaire Sylvain-Bourgelas, sous la plume de la juge Weitzman, a récemment réitéré que dans un contexte où aucune des situations prévues à l’article 725(1) C.cr. ne s’applique, le simple dépôt de dénonciations ne fournit aucun indice probant sur le risque de récidive d’un délinquant ou ne peut être introduit comme un facteur aggravant susceptible d’influer sur la détermination de la peine[18] :
[51] Il ne fait aucun doute que des faits sous-jacents à une infraction qui n’a jamais fait l’objet d’une accusation criminelle peuvent être pertinents à la détermination de la peine afin de « faire la lumière sur la situation et le caractère du délinquant ». Il en est également ainsi pour des faits sous-jacents à une cause pendante pour laquelle le délinquant n’a pas encore eu son procès. Néanmoins, il est inexact de conclure que le juge infligeant la peine peut automatiquement tenir compte de toute cause pendante, sans considérer le but de l’admission de cette preuve. Dans la mesure où une cause pendante constitue un facteur aggravant, la règle de l’arrêt Gardiner codifiée à l’al. 724(3)e) C.cr. demeure applicable, laquelle exige que tout fait aggravant soit prouvé hors de tout doute raisonnable. Si la cause pendante est introduite uniquement pour réfuter une preuve de réhabilitation du délinquant, et non pas comme un facteur aggravant, elle n’aura pas à être prouvée hors de tout doute raisonnable, mais la question de sa valeur probante demeure. Or, la simple référence à une sommation, sans plus, ne saurait être probante quant au profil, caractère ou risque de récidive du délinquant.
[52] Dans Angelillo, la nouvelle preuve que la poursuite voulait introduire (deux nouvelles accusations pour fraude déposées pendant que l’appelant attendait le prononcé de sa peine) était jugée inadmissible en appel, faute de preuve de diligence raisonnable de la part de la poursuite. La majorité de la Cour suprême reconnaissait cependant que si la preuve de la cause pendante avait été obtenue en première instance, elle aurait pu être utilisée pour demander une mise à jour du rapport présententiel qui concluait à un faible risque de récidive et qui soulignait l’« impact dissuasif majeur » du passage de l’appelant devant la cour, ou encore « pour apprécier le danger que représent[ait] pour la communauté sa mise en liberté ». Ainsi, ce n’est pas tant l’existence d’une cause pendante qui était considérée dans Angelillo, mais un complément de preuve qui aurait pu éclairer le tribunal sur le portrait du délinquant.
[53] En l’espèce, la simple référence à une sommation alléguant la commission d’une fraude pour laquelle l’appelant Roy est présumé innocent est insuffisamment probante pour influer sur la détermination de la peine.
[Références omises; soulignements ajoutés]
[11] L’appelant échoue par conséquent à démontrer que la juge a manifestement erré en ne considérant pas les nouvelles dénonciations déposées contre l’appelant en semblable matière. Cette détermination de la juge est conforme aux enseignements de la Cour suprême[19] et de notre Cour.
L’emprisonnement avec sursis peut avoir un effet dénonciateur, notamment si l’ordonnance de sursis présente des conditions rigoureuses et que sa durée d’application est plus longue que la peine d’incarcération qui aurait pu être infligée.
[14] Après avoir soupesé l’ensemble des facteurs aggravants et atténuants, la juge conclut que l’imposition d’une peine d’emprisonnement avec sursis est conforme aux objectifs et principes de la détermination de la peine. En cette matière, la juge jouit d’un large pouvoir discrétionnaire dans la mise en balance des objectifs considérés et le fait d’accorder plus d’importance à un objectif plutôt qu’à un autre ne constitue pas une erreur de principe justifiant l’intervention de la Cour, à moins d’une mise en balance déraisonnable de ces objectifs[21].
[15] En l’espèce, la juge reconnaît que les objectifs de dénonciation et de dissuasion sont particulièrement sollicités dans le contexte, considérant les facteurs aggravants de violence conjugale et d’invasion de domicile. Elle affirme cependant que l’emprisonnement ferme dans un milieu carcéral n’est pas la seule peine qui permettrait de répondre à ces deux objectifs. Ces constats sont conformes aux enseignements de notre jurisprudence sur l’emprisonnement avec sursis[22]. Cette peine, il importe de le rappeler, constitue une sanction sévère et répressive, surtout lorsque comme en l’espèce, elle est assortie de diverses conditions. Comme l’enseigne la Cour suprême dans l’arrêt Proulx, l’emprisonnement avec sursis peut avoir un effet dénonciateur, notamment si l’ordonnance de sursis présente des conditions rigoureuses et que sa durée d’application est plus longue que la peine d’incarcération qui aurait pu être infligée[23]. Malgré ce que semble plaider l’appelant devant la Cour, les conditions imposées sont restrictives, bien que, et l’intimé le concède, la juge semble avoir omis d’imposer à l’intimé l’obligation de poursuivre sa thérapie. Les parties s’entendent toutefois pour que cette condition soit ajoutée à celles déjà imposées.
En matière d’effraction de domicile conjugué à des voies de fait, il existe un large éventail de sanctions possibles, leur imposition étant tributaire des facteurs aggravants et atténuants retenus.
[16] Finalement, l’appelant ne démontre pas que la peine infligée est manifestement non indiquée. En matière d’effraction de domicile conjugué à des voies de fait, il existe un large éventail de sanctions possibles, leur imposition étant tributaire des facteurs aggravants et atténuants retenus[24]. La juge s’est prêtée à un exercice d’individualisation de la peine et n’a pas erré en s’écartant des peines infligées dans les arrêts Davidson et Lemieux[25] rendus par cette Cour, puisque les faits et circonstances entourant la commission des infractions n’étaient pas semblables et ne pouvaient simplement être appliqués sans autres nuances. L’appelant a ainsi tort d’affirmer que la juge n’a pas mis en application le principe d’harmonisation des peines, qui revêt par ailleurs une importance secondaire vis-à-vis l’objectif primordial de la proportionnalité[26].