Séquestration :
Il n’est pas nécessaire que la personne soit confinée dans un endroit particulier ou qu’elle subisse une contrainte physique. La contrainte peut être exercée par la violence, la peur, l’intimidation ou encore par des moyens psychologiques ou autres.
[21] Pour établir l’infraction de séquestration illégale prévue au par. 279(2) du Code criminel, la Couronne doit prouver (1) que l’accusé a séquestré une autre personne; et (2) qu’il s’agissait d’une séquestration illégale (R. c. Magoon, 2018 CSC 14, [2018] 1 R.C.S. 309, par. 64). Séquestrer illégalement une personne consiste fondamentalement à priver cette personne de sa liberté (R. c. Bottineau, [2006] O.J. No. 1864 (QL), 2006 CarswellOnt 8510 (WL) (C.S.J.), par. 117, le juge Watt (plus tard juge de la Cour d’appel de l’Ontario), conf. par 2011 ONCA 194, 269 C.C.C. (3d) 227). Il y a séquestration illégale si, pendant un laps de temps assez long, une personne est soumise à la coercition ou forcée d’agir contre sa volonté, de telle sorte qu’elle n’est pas libre de ses mouvements (R. c. Luxton, 1990 CanLII 83 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 711, p. 723; R. c. Pritchard, 2008 CSC 59, [2008] 3 R.C.S. 195, par. 24; Magoon, par. 64). Il n’est pas nécessaire que la personne soit confinée dans un endroit particulier ou qu’elle subisse une contrainte physique (Magoon, par. 64; R. c. Gratton (1985), 18 C.C.C. (3d) 462 (C.A. Ont.), p. 473 et 475, le juge Cory (plus tard juge de notre Cour); R. c. Lemaigre (1987), 1987 CanLII 4896 (SK CA), 56 Sask. R. 300 (C.A.), par. 3; M. Manning et P. Sankoff, Manning, Mewett & Sankoff : Criminal Law (5e éd. 2015), p. 1037). La contrainte peut être exercée par la violence, la peur, l’intimidation ou encore par des moyens psychologiques ou autres (Magoon, par. 64). L’objet de la séquestration n’est pas pertinent (Pritchard, par. 31; R. c.Kimberley (2001), 2001 CanLII 24120 (ON CA), 56 O.R. (3d) 18 (C.A.), par. 107; R. c.Johnstone, 2014 ONCA 504, 313 C.C.C. (3d) 34, par. 45; R. c. Parris, 2013 ONCA 515, 300 C.C.C. (3d) 41, par. 47).
[22] Par exemple, une personne peut être séquestrée illégalement si les actes violents de l’accusé amènent cette personne à s’enfermer dans une pièce pour éviter d’être agressée (Johnstone, par. 47; K. Roach, Criminal Law (7e éd. 2018), p. 442, note 83), ou si on empêche la personne de s’échapper d’un appartement par la porte avant (R. c. Newman, 2016 CSC 7, [2016] 1 R.C.S. 27, par. 1; Roach, p. 442, note 81).
Le paragraphe 231(5) s’applique uniquement lorsque le délinquant concerné a été reconnu coupable de meurtre hors de tout doute raisonnable.
[25] Le paragraphe 231(5) ne crée pas une infraction substantielle. Il s’agit essentiellement d’une disposition en matière de détermination de la peine qui témoigne de la décision du Parlement de considérer que les meurtres liés aux infractions énumérées comportent un degré élevé culpabilité morale ou une circonstance aggravante justifiant une peine plus lourde. Le paragraphe 231(5) s’applique uniquement lorsque le délinquant concerné a été reconnu coupable de meurtre hors de tout doute raisonnable (R. c. Harbottle, 1993 CanLII 71 (CSC), [1993] 3 R.C.S. 306, p. 323; Arkell, p. 702‑703; Luxton, p. 720; Paré, p. 625; Russell, par. 24; Pritchard, par. 19).
[26] Notre Cour a statué que le par. 231(5) n’est ni arbitraire ni irrationnel et ne contrevient pas aux art. 7, 9 ou 12 de la Charte canadienne des droits et libertés (Arkell, p. 704; Luxton, p. 719‑725; D. Stuart, Canadian Criminal Law : A Treatise (8e éd. 2020), p. 234; Manning et Sankoff, p. 958).
Le principe directeur des infractions énumérées au par. 231(5) — ce qu’elles ont en commun — est que ces infractions sont toutes des crimes impliquant la domination illégale de victimes.
[27] Le principe directeur des infractions énumérées au par. 231(5) — ce qu’elles ont en commun — est que ces infractions sont toutes des crimes impliquant la domination illégale de victimes. Le Parlement a jugé qu’un meurtre commis en lien avec ces crimes comportant domination est particulièrement grave et justifie la peine exceptionnelle prévue pour le meurtre au premier degré (Paré, p. 633; Luxton, p. 722; R. c. Nette, 2001 CSC 78, [2001] 3 R.C.S. 488, par. 62; Pritchard, par. 19‑20; Magoon, par. 61). La domination illégale est non pas un élément essentiel qu’il faut établir pour l’application du par. 231(5), mais un principe qui aide les tribunaux à appliquer la disposition de manière téléologique, pour que le droit évolue de façon raisonnée (Russell, par. 43; Kimberley, par. 104; R. c. Niemi, 2017 ONCA 720, 355 C.C.C. (3d) 344, par. 62; R. c. Imona‑Russell, 2018 ONCA 590, par. 13 (CanLII); R. c. McGregor, 2019 ONCA 307, 145 O.R. (3d) 641, par. 58, 67 et 69‑74).
La jurisprudence de notre Cour n’indique pas que le test de la « seule affaire » formulé dans l’arrêt Stevens et l’approche fondée sur le lien temporel‑causal impliquent des analyses différentes. Il s’agit simplement de deux façons différentes de traiter l’élément « même opération ».
Lorsque le tribunal conclut à l’existence d’une seule affaire, il y a nécessairement un lien temporel‑causal. Pareillement, lorsque le tribunal conclut à l’existence d’un lien temporel‑causal, il y a nécessairement une seule affaire.
[35] À mon avis, la jurisprudence de notre Cour n’indique pas que le test de la « seule affaire » formulé dans l’arrêt Stevens et l’approche fondée sur le lien temporel‑causal impliquent des analyses différentes. Il s’agit simplement de deux façons différentes de traiter l’élément « même opération ». Ces deux approches ont été utilisées de manière interchangeable dans notre jurisprudence.
[36] Par exemple, dans l’arrêt Paré, à la p. 634, la juge Wilson a conclu qu’« il existait entre le meurtre et l’infraction sous‑jacente un lien temporel et causal. Le meurtre faisait partie d’une suite ininterrompue d’événements. Il faisait partie d’une seule et même affaire. »
[37] De même, au par. 46 de l’arrêt Russell, la juge en chef McLachlin a mentionné le test de la seule affaire et l’approche fondée sur le lien temporel‑causal de façon interchangeable :
Les arrêts de notre Cour relativement au par. 231(5) indiquent clairement que l’accusé commet un meurtre « en commettant ou tentant de commettre » une infraction énumérée seulement s’il existe un lien temporel et causal étroit entre le meurtre et l’infraction énumérée : voir, p. ex., Paré, précité, p. 632 (où l’on dit qu’une personne commet un meurtre « en commettant » une infraction énumérée uniquement « lorsque l’acte causant la mort et les actes constituant [l’infraction énumérée] font tous partie d’une suite ininterrompue d’événements qui constituent une seule affaire »); R. c. Kirkness, 1990 CanLII 57 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 74, p. 86. [Je souligne.]
[38] Enfin, dans Pritchard, le juge Binnie a affirmé que l’existence d’un « étroit lien temporel et causal » est requise pour que le par. 231(5) s’applique (par. 33, citant Paré, p. 629). Il a expliqué, dans le même paragraphe, qu’on commet le meurtre « en commettant » une infraction énumérée lorsque les deux crimes surviennent ensemble pendant une « seule affaire ».
[39] En conséquence, appliqués correctement, le test de la seule affaire et l’approche fondée sur le lien temporel‑causal impliquent la même analyse et mènent à la même conclusion. Lorsque le tribunal conclut à l’existence d’une seule affaire, il y a nécessairement un lien temporel‑causal. Pareillement, lorsque le tribunal conclut à l’existence d’un lien temporel‑causal, il y a nécessairement une seule affaire.
L’infraction sous‑jacente ne peut se « dissou[dre] dans l’acte même du meurtre »; en d’autres termes, l’infraction sous‑jacente et le meurtre ne doivent pas faire qu’un.
[40] Enfin, notre Cour a jugé que l’infraction sous‑jacente comportant domination et le meurtre doivent impliquer deux actes criminels distincts (Pritchard, par. 27, citant Kimberley, par. 108, le juge d’appel Doherty; Magoon, par. 74; voir aussi Manning et Sankoff, p. 961‑962). L’infraction sous‑jacente ne peut se « dissou[dre] dans l’acte même du meurtre »; en d’autres termes, l’infraction sous‑jacente et le meurtre ne doivent pas faire qu’un (Pritchard, par. 27). S’il n’y a qu’un seul acte criminel, on ne saurait dire que le délinquant a exploité la situation de domination inhérente à l’infraction sous‑jacente en commettant le meurtre (par. 29). En pareil cas, la culpabilité morale élevée requise à l’égard du meurtre au premier degré est absente.