R. c. Grandisson, 2018 QCCQ 566

La poursuite a-t-elle prouvé hors de tout doute raisonnable la conduite avec capacité affaiblie?

[19]        L’article 253 (1) a) C.cr. interdit à quiconque de conduire un véhicule lorsque sa capacité est affaiblie par l’effet de l’alcool.

[20]        Les tribunaux ont depuis longtemps interprété cette disposition.

[21]        En 1993, la Cour d’appel de l’Ontario, dans R. c. Stellato[1], jugement confirmé par la Cour suprême[2], énonce que : « If the evidence of impairment establishes any degree of impairment ranging from slight to great, the offence has been made out ». Il s’agit du critère du « moindre degré ».

[22]        Tel qu’énoncé par la Cour d’appel dans Leblanc c. R.[3], le juge, dans sa démarche analytique, ne doit pas morceler la preuve pour analyser chaque symptôme isolément. Il faut plutôt considérer l’effet cumulatif de tous les éléments mis en preuve.

[23]        Toutefois, comme le rappelle la juge Manon Lavoie de la Cour supérieure dans Fortin c. R.[4], « le législateur n’a jamais voulu criminaliser toute conduite d’un véhicule suite à une consommation d’alcool ».

[24]        Qu’en est-il dans le présent cas?

[25]        La preuve ne révèle rien de problématique concernant la conduite du véhicule. À cet égard, tous conviennent que le dérapage ne peut être retenu contre l’accusé. D’ailleurs, le véhicule patrouille a lui-même subi une perte de contrôle. Cette situation est reliée à la température et au mauvais état du chemin.

[26]        Quant à la conduite générale, le témoin policier reconnaît que l’accusé a collaboré et répondu aux questions sans être confus. Tout s’est déroulé normalement. Il s’agit de facteurs favorables à l’accusé retenus par la Cour d’appel dans Dumont c. R.[5]

[27]        La cause de la poursuite repose sur certains symptômes rapportés par le témoin civil et le policier : bouche pâteuse, difficulté à parler, perte d’équilibre.

[28]        À cet égard, l’accusé apporte une explication crédible : il y a quelques années, les médecins lui ont diagnostiqué un cancer qui entraine un déficit hormonal. Pour contrer cet état, il reçoit des injections mais, après quelques jours, il devient en déficit d’énergie. Le fait d’avoir pelleté durant une quinzaine de minutes a accentué le problème. Bref, il ne se sent pas bien lorsqu’il croise le citoyen et que les policiers interviennent. Il ressent la soif et vacille en mettant ses souliers.

[29]        L’accusé explique également les autres symptômes :

▪  Il reconnaît avoir chanté « Hawaïenne » et précise que la chanson jouait à la radio.

▪  Il était volubile mais cela correspond à sa personnalité enjouée.

[30]        Par ailleurs, l’odeur d’alcool, prise isolément, ne peut être retenue pour conclure à la culpabilité.

[31]        Le fait d’avoir pensé à Nez Rouge au bar ne peut lui être reproché. Bien au contraire, avec toutes les campagnes de sensibilisation, ce réflexe démontre de la lucidité.

[32]        Les policiers témoignent que l’accusé aurait déclaré avoir cessé de consommer à 2 h 30 et non à 1 h 30. Le Tribunal retient la version de l’accusé qu’il s’agit d’un malentendu. Ainsi, selon son témoignage crédible, il a cessé de consommer à 1 h 30 et quitté le bar à 2 h 30.

[33]        Finalement, quelle portée donner aux propos de la mère de l’accusé? Cette dernière aurait dit aux policiers que son fils n’a pas conduit. Le Tribunal ne peut tirer une inférence négative sur la crédibilité de l’accusé à l’égard d’une déclaration qui ne provient pas de lui. D’une façon ou d’une autre, la mère n’a pas témoigné.

[34]        Pour toutes ces raisons, il existe un doute raisonnable à l’égard de la commission de l’infraction.

CONCLUSION

[35]        PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[36]        ACQUITTE l’accusé.