R. c. Bouchalian, 2020 QCCQ 1925

L’accusée allègue que son arrestation est illégale. Plus spécifiquement, elle prétend que le policier n’a pas manipulé l’appareil de détection approuvé (« ADA ») selon les règles de l’art et que l’appareil n’avait pas la fiabilité requise pour que le résultat « Fail » obtenu puisse constituer des motifs raisonnables de croire à la commission d’une infraction à l’article 253 du C.cr.

[80]      Pour les motifs suivants, le Tribunal conclut que le policier Gagnon pouvait se fier sur le résultat « Fail » de l’ADA pour obtenir ses motifs raisonnables de croire que l’accusée avait commis une infraction à l’article 253 C.cr.

[81]      Premièrement, le Tribunal croit et retient le témoignage de l’agent Gagnon. Celui-ci a témoigné d’une manière franche et honnête. Le Tribunal a été à même de constater qu’il essayait toujours de répondre de la façon la plus précise possible aux questions qui lui étaient posées, et ce, sans aucune hésitation et en reconnaissant immédiatement les limites de sa mémoire ou de ses qualifications.

[82]      Deuxièmement, son interrogatoire et son contre-interrogatoire ont démontré que l’agent Gagnon connaissait l’importance d’observer la suspecte avant et pendant le test. Par ailleurs, l’agent Gagnon possède une bonne connaissance de l’appareil Alco-Sensor FST, notamment, de sa manipulation, de sa température opérationnelle, de ses codes de diagnostic et de leur signification.

[83]      Troisièmement, M. Denis Hubert est venu corroborer en grande partie le témoignage de l’agent Gagnon, notamment, sur les éléments suivants:

➢  La formation de quatre heures donnée dans les postes de police pour les nouveaux utilisateurs[117];

➢  Il existe des agents qualifiés (Moniteurs) qui donnent le cours, dont trois ou quatre à Laval;

➢  Chaque organisation policière possède un technicien en étalonnage, spécifiquement attitré à la calibration des ADA;

➢  L’inspection manuelle préalable de l’ADA existe, mais elle est optionnelle;

➢  La période d’attente de quinze minutes, pour l’alcool résiduel, n’est pas automatique, mais dépend plutôt des observations policières pouvant laisser croire à une consommation récente;

➢  L’ADA se ferme tout seul après trois tentatives;

➢  L’ADA possède un code diagnostic lorsqu’un suspect aspire de l’air provenant de l’appareil;

➢  Les explications des codes « Flo Lo » et « Flo Ins », données par l’agent Gagnon, correspondent à ceux enseignés par l’ÉNPQ;

➢  La fonction « Recall » permet de voir le dernier résultat.

[84]      Quatrièmement, l’accusée met beaucoup d’emphase sur le fait que l’agent Gagnon ne se rappelle pas avoir reçu un précis de cours lors de sa formation; qu’il a indiqué que la fonction « Recall » lui permettait de maintenir ouvert l’ADA; qu’il ne pouvait pas indiquer avec certitude le temps d’ouverture exact de l’ADA lui permettant d’effectuer un prélèvement d’échantillon d’haleine; ou encore qu’il a changé la pièce buccale de l’ADA, alors qu’on n’enseigne pas cela à l’ÉNPQ. Or, de l’avis du Tribunal, tous ces éléments n’affectent en rien la force probante du témoignage de l’agent Gagnon ni la fiabilité de l’ADA.

[85]      Par ailleurs, l’agent Gagnon n’avait aucune raison de douter de la fiabilité du résultat obtenu à l’aide de l’ADA et du bon fonctionnement de celui-ci[118]. Le Tribunal souligne que l’étalonnage a été vérifié par les agents Auclair et Gagnon. De plus, l’agent Gagnon s’est assuré que l’ADA n’avait aucun bris et qu’il affichait une température. Il a également vu que l’appareil affichait les codes de diagnostic conformes à ce qui était attendu par rapport à la façon de souffler de l’accusée, et que l’appareil affichait le code « Blow », démontrant ainsi que l’ADA était prêt à recevoir un échantillon. Il a aussi constaté que lors du dernier test, les trois petites barres sont apparues et qu’un clic sonore s’est fait entendre, démontrant que l’appareil a reçu et analysait l’échantillon d’haleine de l’accusée.

[86]      Également, aucun des codes de diagnostic affichés durant l’évènement ne correspondait avec l’un de ceux exigeant que l’ADA soit retourné dans un centre de service[119].

[87]      En fait, rien dans la preuve ne permet de conclure objectivement à une défectuosité ni à une mauvaise manipulation de l’ADA. Conclure autrement ne serait que pure spéculation.

[88]      Cinquièmement, il n’existe aucune preuve scientifique ou déterminante à l’effet contraire, indiquant qu’une quelconque manipulation de l’appareil par l’agent Gagnon ait pu affecter la fiabilité de l’ADA ou le résultat « Fail » obtenu.

[89]      Sixièmement, concernant la possibilité d’alcool résiduel, l’agent Gagnon a clairement exposé les facteurs lui permettant de croire que l’accusée était apte à souffler dans l’ADA, sans qu’il y ait nécessité d’attendre quinze minutes. Or, les explications de l’agent Gagnon sont raisonnables et convaincantes.

[90]      Par ailleurs, bien qu’il ne s’écoule que quatorze minutes entre l’interception et la première tentative de test, rien dans la preuve n’indique que l’accusée ait pu consommer de l’alcool récemment. En effet, l’accusée ne venait pas de quitter un établissement licencié, mais bien une station d’essence, et ce, à 2 h 24[120]. De plus, aucune information transmise aux policiers n’indiquait qu’elle avait acheté de l’alcool. En outre, il n’y a aucune preuve qu’il y avait présence de bouteilles d’alcool ou de bières ouvertes près du siège du conducteur lors de son interception.

[91]      Aussi, l’agent Gagnon témoigne avoir ré-ouvert l’ADA après la troisième tentative infructueuse[121], mis une nouvelle pièce buccale dans l’embout de l’appareil et constaté la température de l’ADA[122], avant d’effectuer le quatrième essai avec l’accusée.

[92]      Septièmement, la jurisprudence soumise par l’accusée ne trouve pas application en l’espèce ou se doit d’être distinguée, notamment, parce qu’il s’agit de décisions où les policiers impliqués avaient une connaissance déficiente de l’ADA[123] ou impliquant des appareils non calibrés ou il s’agissait de cas comportant des violations multiples de la Charte[124].

[93]      Cela dit, vu l’absence de violation des droits garantis par la Charte, il n’y a pas lieu de procéder à un examen conjectural des critères d’exclusion de la preuve.