Poitras-Dallaire c. R., 2022 QCCA 401

Il n’existe aucune présomption à l’encontre de l’admissibilité des antécédents judiciaires d’un accusé lorsque celui-ci choisit de témoigner.

La Cour suprême a cependant précisé que l’article 12 L.p. ne permet l’interrogatoire de l’accusé « que sur le fait de la condamnation elle-même et non pas sur la conduite qui a amené cette condamnation ».

[9]         L’article 12 (1) de la Loi sur la preuve au Canada[10] (« L.p. ») établit le principe qu’un témoin peut être contre-interrogé sur ses antécédents judiciaires :

12 (1) Un témoin peut être interrogé sur la question de savoir s’il a déjà été déclaré coupable d’une infraction autre qu’une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions, mais incluant une telle infraction si elle aboutit à une déclaration de culpabilité par mise en accusation.

 

12 (1) A witness may be questioned as to whether the witness has been convicted of any offence, excluding any offence designated as a contravention under the Contraventions Act, but including such an offence where the conviction was entered after a trial on an indictment.

[10]      Le contre-interrogatoire d’un accusé sur ses antécédents judiciaires est donc en principe permis et la limitation de la divulgation de ceux-ci constitue l’exception plutôt que la règle[11]. De même, il n’existe aucune présomption à l’encontre de l’admissibilité des antécédents judiciaires d’un accusé lorsque celui-ci choisit de témoigner[12]. La Cour suprême a cependant précisé que l’article 12 L.p. ne permet l’interrogatoire de l’accusé « que sur le fait de la condamnation elle-même et non pas sur la conduite qui a amené cette condamnation »[13].

Les tribunaux ont réitéré à plusieurs reprises que les antécédents judiciaires d’un accusé ne peuvent être utilisés que pour apprécier sa crédibilité.

[11]      L’utilisation pouvant être faite des antécédents judiciaires de l’accusé a été expliquée par la Cour suprême dans l’arrêt Corbett. Dans cette affaire, le plus haut tribunal au pays devait décider si l’article 12 L.p. viole la présomption d’innocence prévue à l’article 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés[14]. La Cour a alors expliqué que l’article 12 L.p. permet la production en preuve des antécédents judiciaires de l’accusé uniquement aux fins d’apprécier sa crédibilité et qu’il n’emporte aucune violation de la présomption d’innocence :

[22]      […] Au Canada, il est permis de contre‑interroger un accusé relativement à ses condamnations antérieures depuis que les accusés ont été habilités pour la première fois à témoigner pour leur propre compte en 1893: R. v. D’Aoust (1902), 1902 CanLII 99 (ON CA), 5 C.C.C. 407 (C.A. Ont.) L’article 12 traduit l’opinion du législateur que les condamnations antérieures influent réellement sur la crédibilité d’un témoin. En décidant s’il croira un témoin donné, le jury, tout naturellement, prendra en considération divers éléments. Les jurés observeront le comportement du témoin pendant qu’il dépose, son apparence, le ton sur lequel il s’exprime et son attitude générale. De même, le jury tiendra compte de tous renseignements qu’il possède concernant les habitudes ou le mode de vie du témoin. Certes, on ne saurait nier que le casier judiciaire d’un témoin influe, du moins jusqu’à un certain point, sur sa crédibilité. Il est toutefois évident que ce n’est pas simplement parce qu’un témoin a déjà été déclaré coupable d’une infraction qu’on doit nécessairement le considérer comme indigne de foi, mais c’est là un fait dont un jury pourrait tenir compte en appréciant sa crédibilité.

[…]

[28]      L’article 12 de la Loi sur la preuve au Canada viole‑t‑il la garantie énoncée à l’al. 11d) de la Charte? De toute évidence, l’art. 12 ne crée aucune présomption de culpabilité ni ne porte atteinte au droit de l’accusé “d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable”. L’article a pour seul effet de permettre au ministère public de produire en preuve les condamnations antérieures dans la mesure où celles‑ci se rapportent à la crédibilité. La charge de la preuve incombe toujours au ministère public et la production en preuve des condamnations antérieures ne fait naître aucune présomption de culpabilité ni aucune présomption que l’accusé est indigne de foi. Les condamnations antérieures constituent simplement un élément de preuve que le jury pourra prendre en considération, avec tout le reste, pour déterminer la crédibilité de l’accusé.[15]

[Soulignements ajoutés]

[12]      Les tribunaux ont réitéré à plusieurs reprises que les antécédents judiciaires d’un accusé ne peuvent être utilisés que pour apprécier sa crédibilité. Par exemple, dans Charrette, cette Cour a écrit :

[28]           Par ailleurs, le mépris persistant des lois est pertinent dans l’évaluation de la crédibilité d’un témoin. On peut certes inférer qu’un individu qui enfreint sans cesse la loi a peu de respect pour la vérité et est donc plus susceptible de mentir : R. c. Gibson, 2001 BCCA 297 (CanLII), 153 C.C.C. (3d) 465 (B.C.C.A.), paragr. 30.[16]

[Soulignement ajouté]

Le juge dispose par ailleurs d’un pouvoir discrétionnaire pour écarter la preuve des antécédents judiciaires d’un accusé lorsque l’effet préjudiciable de cette preuve surpasse sa valeur probante.

[13]      Le juge dispose par ailleurs d’un pouvoir discrétionnaire pour écarter la preuve des antécédents judiciaires d’un accusé lorsque l’effet préjudiciable de cette preuve surpasse sa valeur probante[17]. Par exemple, dans Tremblay, cette Cour a expliqué :

[20]      Lorsqu’il s’agit de déterminer si une condamnation antérieure doit être exclue, le juge doit se demander si l’accusé a démontré, selon le poids des probabilités, que l’admissibilité de cette condamnation antérieure entraînerait pour lui un préjudice supérieur à la valeur probante de cette preuve. Il n’y a pas de règle absolue et cet exercice s’effectue en tenant compte de plusieurs facteurs et critères.  Chaque décision constitue un cas d’espèce et dépendra des faits particuliers d’une affaire. [18]

[Soulignements ajoutés]

[14]      Cela étant, il demeure impératif de fournir au jury des directives adéquates afin de s’assurer que celui-ci fasse un usage approprié de la preuve des condamnations antérieures :

Pourvu que le jury reçoive des directives claires quant à la façon dont il peut se servir ou ne pas se servir de la preuve de condamnations antérieures produite au cours du contre-interrogatoire de l’accusé, on peut prétendre que le risque de mauvais usage cède le pas devant le risque beaucoup plus grave d’erreur qui surgirait si le jury était obligé de se prononcer à l’aveuglette sur la question en litige.[19]

[Soulignements ajoutés]

[15]      Enfin, en cas de doute quant à l’admissibilité de la preuve des antécédents judiciaires d’un accusé, il y a lieu de conclure à l’admissibilité de celle-ci :

[51]      […] La valeur probante d’un élément de preuve peut être forte, faible ou nulle. En cas de doute, il vaut mieux pécher par inclusion que par exclusion et, à mon avis, conformément à la transparence de plus en plus grande de notre société, nous devrions nous efforcer de favoriser l’admissibilité, à moins qu’il n’existe une raison très claire de politique générale ou de droit qui commande l’exclusion.[20]

[Soulignements ajoutés]