Gagné c. R., 2018 QCCS 4858

 

M. Gagné plaide que la juge du procès a erré en rejetant sa requête en exclusion de preuve fondée sur l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés qui confère à chacun le droit d’être protégé contre la détention arbitraire. Il soutient que la juge a mal apprécié la preuve présentée sur voir-dire et qu’elle aurait dû conclure qu’il a été détenu puis arrêté sans motifs suffisants.

[13]      L’article 9 de la Charte prévoit ceci : Chacun a droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires. Une détention illégale est nécessairement une détention arbitraire au sens de l’article 9 de la Charte. Une détention n’est pas arbitraire si elle est autorisée par la loi et si cette loi n’est pas elle-même arbitraire (R. c. Grant, 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 RCS 353, par. 54-56). De même, une détention est arbitraire lorsqu’elle n’est pas justifiée par un pouvoir légal minimalement défini par un critère ou une norme exprès ou tacite (R. c. Ladouceur, 1990 CanLII 108 (CSC), [1990] 1 RCS 1257; R. c. Hufsky, 1988 CanLII 72 (CSC), [1988] 1 RCS 621). Un pouvoir légal de détention conforme à la Charte, du moins un pouvoir émanant de la common law, « (…) exige de l’État qu’il justifie l’entrave à la liberté en établissant essentiellement qu’elle était nécessaire vu l’étendue du risque et la liberté en jeu et qu’elle n’était attentatoire que dans la mesure raisonnablement nécessaire pour faire face au risque. La norme de justification doit être proportionnée aux droits fondamentaux en cause » (R. c. Clayton, 2007 CSC 32 (CanLII), [2007] 2 RCS 725, par. 21; R. c. Aucoin, 2012 CSC 66 (CanLII), [2012] 3 RCS 408).

[14]      Dans la présente affaire, le policier Côté pouvait légalement détenir l’appelant en vertu du pouvoir de common law de détention pour fins d’enquête. Le policier avait des motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction était en cours et qu’une détention était raisonnablement nécessaire (R. c. Mann, 2004 CSC 52 (CanLII), [2004] 3 RCS 59).

[15]      La norme des soupçons raisonnables correspond à une possibilité (plutôt qu’à une probabilité) fondée sur des indicateurs objectivement discernables compte tenu de l’ensemble des circonstances (R. c. Chehil, 2013 CSC 49 (CanLII), [2013] 3 RCS 220; R. c. MacKenzie2013 CSC 50 (CanLII), [2013] 3 RCS 250). Sur la base des renseignements qu’il avait recueillis et de ses propres observations, le policier pouvait raisonnablement soupçonner (ou même croire) que l’automobiliste observé – arrivant au domicile de M. Gagné au volant d’un véhicule appartenant vraisemblablement à la conjointe de M. Gagné – était M. Gagné lui-même et que celui-ci contrevenait à une interdiction de conduire en vigueur.

[16]      Il vaut de mentionner, au passage, que l’on n’a pas invoqué le pouvoir policier d’interception et de contrôle des automobilistes pour des motifs relatifs à la sécurité routière notamment la vérification du permis de conduire, des assurances et de la sobriété du conducteur ainsi que de l’état mécanique du véhicule (article 636 du Code de la sécurité routière, RLRQ c C-24.2; R. c. Nolet, 2010 CSC 24 (CanLII), [2010] 1 RCS 851, par. 25; R. c. Orbanski; R. c. Elias, 2005 CSC 37 (CanLII), [2005] 2 RCS 3, par. 41).

[17]      Ensuite, le policier Côté a constaté des éléments additionnels qui lui ont permis de conforter ses motifs et ainsi former des motifs raisonnables de croire lui permettant de procéder à une arrestation (article 495 du Code criminel; R. c. Storrey, 1990 CanLII 125 (CSC), [1990] 1 RCS 241). La description physique de l’automobiliste correspondait généralement à celle de M. Gagné. L’automobiliste a tenté de tromper le policier en sortant du véhicule du côté passager. Il a apparemment cherché à s’esquiver. Même en tenant pour acquis, sans le décider, que l’automobiliste pouvait refuser de s’identifier en vertu de son droit au silence et que l’exercice de ce droit n’est pas un facteur qui pouvait justifier l’arrestation (Chehil, par. 44), il appert que le policier avait des motifs amplement suffisants. La réaction et les mouvements de l’individu à l’arrivée du policier étaient des facteurs pertinents qui s’ajoutaient aux éléments déjà constatés (R. c. Plummer, 2011 ONCA 350 (CanLII), par. 22-23).

[18]      En somme, le rejet de la requête en exclusion de preuve était bien fondé.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[19]      REJETTE l’appel;

[20]      SANS FRAIS.