Zamiara c. R., 2020 QCCA 841

Une fois prouvée sa méconnaissance d’une conséquence indirecte, mais juridiquement pertinente, méconnaissance qui entache le caractère éclairé du plaidoyer, l’accusé doit donc également démontrer l’existence d’un préjudice en établissant la « possibilité raisonnable qu’il aurait soit (1) opté pour un procès et plaidé non coupable, soit (2) plaidé coupable, mais à d’autres conditions ». Et, ajoutent les juges majoritaires dans Wong, « pour évaluer la véracité de cette prétention, les cours peuvent examiner des éléments de preuve concomitants et objectifs. L’analyse est donc subjective vis‑à‑vis de l’accusé, mais permet d’évaluer objectivement la crédibilité de la prétention subjective avancée par l’accusé »

[51] Dans Wong, les juges Moldaver, Gascon, Brown et Rowe, sous la plume des trois premiers, décrivent ainsi le premier volet du test applicable en matière de retrait d’un plaidoyer de culpabilité :

[9] Nous reconnaissons que l’accusé doit tout d’abord établir qu’il n’était pas au courant d’une conséquence indirecte juridiquement pertinente au moment de plaider coupable et nous souscrivons à une méthode générale d’évaluation de la pertinence d’une conséquence indirecte pour juger si un plaidoyer de culpabilité était suffisamment éclairé. Nous convenons également qu’une conséquence indirecte juridiquement pertinente est habituellement imposée par l’État, découle de la déclaration de culpabilité ou de la peine et touche des intérêts sérieux de l’accusé. Et, tout comme notre collègue, nous n’estimons pas nécessaire de définir la portée exacte de ces conséquences ou leurs caractéristiques pour les besoins du présent pourvoi. Toutefois, à notre avis, la formulation du deuxième volet par notre collègue pose problème sous deux rapports.

[Je souligne]

[52] Quant au second volet, ils l’exposent en ces termes :

[19] À notre avis, l’accusé qui souhaite retirer son plaidoyer de culpabilité doit prouver l’existence d’un préjudice au moyen d’un affidavit établissant la possibilité raisonnable qu’il aurait (1) enregistré un plaidoyer différent ou (2) plaidé coupable, mais à d’autres conditions. Cette façon de faire atteint ce que nous considérons être le juste équilibre entre le caractère définitif des plaidoyers de culpabilité et l’équité envers l’accusé.

[20] S’agissant du premier type de préjudice — lorsque l’accusé aurait opté pour un procès et plaidé non coupable — il se présentera évidemment des situations où l’accusé n’aura que peu ou pas de chances d’avoir gain de cause à son procès, et que choisir de subir son procès n’est pour lui qu’une tentative de dernier recours. Mais de faibles chances d’avoir gain de cause au procès ne signifient pas forcément que l’accusé n’est pas sincère lorsqu’il affirme qu’il aurait enregistré un plaidoyer différent. Pour certains accusés, comme celui dans l’affaire Lee, la conséquence certaine, quoiqu’auparavant inconnue, d’une déclaration de culpabilité rendait intéressantes même de faibles chances d’avoir gain de cause à l’issue d’un procès. Dans un tel cas, et si la cour reconnaît la véracité de ses propos, l’accusé aura su prouver l’existence d’un préjudice et devrait être autorisé à retirer son plaidoyer.

[21] Ce qui nous laisse le second type de préjudice — lorsque l’accusé aurait plaidé coupable, mais à d’autres conditions. Le fait qu’un accusé aurait plaidé coupable, mais à d’autres conditions, suffira à établir l’existence d’un préjudice si la cour arrive à la conclusion que l’accusé aurait insisté pour que son plaidoyer de culpabilité soit assorti de ces conditions et si celles‑ci auraient dissipé la totalité ou une partie des effets négatifs de la conséquence juridiquement pertinente. Nous n’avons pas la prétention d’énumérer toutes les conditions susceptibles de donner lieu à un préjudice si elles sont soulevées par l’accusé. Celles‑ci comprennent par contre à tout le moins le consentement à plaider coupable à une accusation réduite relativement à une infraction moindre et incluse, le retrait d’autres accusations, l’engagement du ministère public à ne pas donner suite à d’autres accusations ou la présentation d’une recommandation conjointe relative à la peine.

[…]

[23] Nous notons incidemment que l’accusé n’est pas tenu de prouver un moyen de défense valable à l’égard de l’accusation dont il fait l’objet en vue de retirer un plaidoyer pour des motifs d’ordre procédural. [traduction] « [L]e préjudice réside dans le fait qu’en plaidant coupable, l’accusé a renoncé à son droit à un procès » (R. c. Rulli, 2011 ONCA 18, par. 2 (CanLII)). Exiger de l’accusé qu’il fasse état de la voie menant à son acquittement va à l’encontre de la présomption d’innocence et de la nature subjective de la décision de plaider coupable. L’accusé a parfaitement le droit de garder le silence, de ne présenter aucune défense et d’obliger le ministère public à s’acquitter de son fardeau de prouver sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Il serait insensé de permettre à un accusé de subir un procès en première instance sans avoir à présenter une quelconque défense tout en insistant sur une telle défense dans le cas du retrait d’un plaidoyer non éclairé qui renverrait l’affaire à procès. Même si la décision de subir un procès pourrait s’avérer malavisée ou même téméraire, nous ne cherchons pas à protéger l’accusé contre lui‑même. Nous cherchons plutôt à protéger le droit de l’accusé d’enregistrer un plaidoyer éclairé.

[…]

[26] Même si son analyse porte principalement sur le choix subjectif de l’accusé, le tribunal n’a pas à accepter automatiquement la prétention de celui‑ci. Comme c’est le cas pour toutes les conclusions sur la crédibilité, la prétention de l’accusé quant à savoir quel aurait été son choix subjectif et pleinement éclairé est appréciée en fonction de circonstances objectives. Le tribunal doit donc examiner attentivement la prétention de l’accusé et se pencher sur la preuve circonstancielle et objective permettant de mettre à l’épreuve la véracité de cette prétention au regard d’une norme de possibilité raisonnable. Figurent au nombre de ces facteurs la solidité du dossier du ministère public, les concessions ou déclarations faites par le ministère public au sujet de son dossier (notamment s’il s’est montré disposé à présenter une recommandation conjointe ou à réduire l’accusation à celle d’une infraction moindre et incluse) et tout moyen de défense pertinent que l’accusé pourrait faire valoir. Le tribunal pourrait aussi évaluer la solidité du lien de causalité entre le plaidoyer de culpabilité et la conséquence indirecte, c’est‑à‑dire examiner si l’élément déclencheur de la conséquence indirecte est la déclaration de culpabilité comme telle et non la durée de la peine. Plus précisément, lorsque la conséquence indirecte dépend de la durée de la peine — sans oublier qu’un plaidoyer de culpabilité atténue généralement la peine imposée —, le tribunal pourrait avoir des raisons de douter de la véracité de la prétention avancée par l’accusé.

[…]

[28] Bien entendu, l’examen judiciaire de la prétention d’un accusé ne se fonde pas uniquement sur les circonstances objectives concomitantes au plaidoyer initial, puisque ces circonstances pourraient ne pas témoigner des préférences propres à l’accusé. Par conséquent, le tribunal de révision doit en outre mettre à l’épreuve la véracité des affirmations de l’accusé comme telles. Un tribunal pourrait conclure à juste titre que les préférences exprimées par un accusé sont crédibles et qu’elles établissent une possibilité raisonnable de préjudice en s’appuyant exclusivement sur le contenu de l’affidavit de l’accusé et sur le fait que ce dernier ne s’est pas compromis lors de son contre‑interrogatoire.

[29] Cependant, tout au long de la mise à l’épreuve de la prétention de l’accusé, il faut s’attacher à ce que l’accusé en cause — et seulement lui — aurait fait. Cette analyse subjective repose sur le caractère subjectif de la décision initiale d’enregistrer un plaidoyer. Puisque le plaidoyer de culpabilité initial exprime le jugement subjectif de l’accusé, il s’ensuit logiquement que le test permettant le retrait du plaidoyer porte lui aussi sur ce même jugement. Cette approche établit un juste équilibre entre l’intérêt qu’a la société dans le caractère définitif des plaidoyers de culpabilité et l’équité envers l’accusé en annulant son plaidoyer uniquement s’il avait procédé différemment.

[…]

[33] Rappelons que le cadre d’analyse pour l’annulation d’un plaidoyer de culpabilité non éclairé comporte deux volets distincts : (1) l’accusé a été mal informé au sujet de renseignements pouvant avoir des conséquences suffisamment graves; (2) ce manque de renseignements donne lieu à un préjudice (motifs du juge Wagner, par. 44). Bien que cette distinction entre les deux volets se confonde parfois dans les motifs du juge LeBel dans Taillefer, à notre avis, l’interprétation la plus juste de ses motifs devrait conserver cette distinction.[29]

[53] Notons que lorsque la méconnaissance alléguée par l’accusé provient de l’assistance inadéquate de son avocat, la Cour suprême estime que :

[24] Pour cette même raison, nous sommes d’accord avec notre collègue que le cadre d’analyse de l’assistance inefficace de l’avocat n’est pas pertinent en l’espèce (motifs du juge Wagner, par. 60). Ce cadre d’analyse porte essentiellement sur la source de l’information erronée (ou incomplète) plutôt que sur l’information erronée elle‑même. La source d’une information erronée n’entre pas en ligne de compte lorsque vient le temps d’examiner si cette information a donné lieu à un préjudice. Comme la juge Saunders l’a expliqué en Cour d’appel, l’erreur judiciaire survenue en l’espèce résulte de l’invalidité du plaidoyer de M. Wong (2016 BCCA 416, 342 C.C.C. (3d) 435, par. 24).[30]

[54] Bref, une fois prouvée sa méconnaissance d’une conséquence indirecte, mais juridiquement pertinente, méconnaissance qui entache le caractère éclairé du plaidoyer, l’accusé doit donc également démontrer l’existence d’un préjudice en établissant la « possibilité raisonnable qu’[il aurait] soit (1) opté pour un procès et plaidé non coupable, soit (2) plaidé coupable, mais à d’autres conditions »[31]. Et, ajoutent les juges majoritaires dans Wong, « [p]our évaluer la véracité de cette prétention, les cours peuvent examiner des éléments de preuve concomitants et objectifs. L’analyse est donc subjective vis‑à‑vis de l’accusé, mais permet d’évaluer objectivement la crédibilité de la prétention subjective avancée par l’accusé »[32].

On veut bien ne pas exiger de l’accusé qui souhaite retirer son plaidoyer de culpabilité la démonstration des moyens de défense qu’il souhaiterait faire valoir, mais c’est autre chose pour l’accusé que d’admettre n’en avoir aucun et n’avoir aucune chance d’acquittement

[64] On veut bien, comme l’écrit la Cour suprême dans Wong, ne pas exiger de l’accusé qui souhaite retirer son plaidoyer de culpabilité la démonstration des moyens de défense qu’il souhaiterait faire valoir[40], mais c’est autre chose pour l’accusé que d’admettre n’en avoir aucun et n’avoir aucune chance d’acquittement.

Il est également bien établi au Canada que les avocats de la défense devraient s’enquérir du statut d’immigrant de leur client, informer ce dernier des conséquences d’un plaidoyer de culpabilité en matière d’immigration et le mettre au courant des répercussions sur le plan de l’immigration d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine particulière qui pourrait être imposée à l’audience de détermination de la peine ».

[19] En vertu des al. 36(1)a), (2)a) et (3)a) LIPR, l’individu qui n’est pas un résident permanent (ce qui inclut la personne se trouvant au Canada en vertu d’un permis de travail) est donc interdit de territoire s’il est déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale passible d’un emprisonnement de dix ans ou plus ou s’il est déclaré coupable d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation (ce qui, en vertu de la présomption édictée par l’al. 36(3)a) LIPR, inclut l’infraction mixte, assimilée à l’infraction punissable par mise en accusation).

[20] Un rapport d’interdiction de territoire doit alors être établi en vertu du paragr. 44(1) LIPR, ce qui, sur décision du ministre (paragr. 44(2) LIPR) ou de la Section de l’immigration (al. 45d) LIPR), entraînera une mesure de renvoi. En raison du paragr. 63(3) LIPR, l’étranger interdit de territoire pour grande criminalité ou pour criminalité ne dispose d’aucun droit d’appeler de cette mesure. Un recours en contrôle judiciaire de la mesure de renvoi peut cependant être envisageable (art. 72 LIPR).

[21] En l’espèce, il se trouve que l’agression sexuelle (al. 271a) C.cr.), l’entrave à la justice (paragr. 139(2) C.cr.) et l’omission de se conformer à une condition d’un engagement (al. 145(3)a) C.cr.), infractions mixtes, ont fait l’objet d’une mise en accusation. Les deux premières sont dès lors passibles d’un emprisonnement de dix ans et engendrent toutes les deux une interdiction de territoire pour grande criminalité au sens des al. 36(1)a) et 36(3)a) LIPR, de même qu’une interdiction de territoire pour criminalité au sens des al. 36(2)a) et 36(3)a) LIPR, l’appelant étant un étranger au sens de l’art. 2 LIPR et non un résident permanent. La troisième entraîne une peine maximale de deux ans d’emprisonnement et une interdiction de territoire pour criminalité au sens de l’al. 36(2)a) LIPR. Dans tous les cas, vu le statut d’étranger de l’appelant, la peine effectivement imposée n’importe pas, sous réserve de l’absolution, sur laquelle je reviendrai.

[22] À la suite du jugement de première instance, un rapport d’interdiction de territoire a été dressé, comme on l’a vu, puis une mesure de renvoi prise à l’endroit de l’appelant. Celui-ci, en sa qualité d’étranger[14], était privé de tout droit d’appel et n’a par ailleurs pas demandé le contrôle judiciaire de cette mesure ni son sursis.

[55] Tant les notes sténographiques de l’audience tenue devant la juge de première instance, le 8 avril 2016, que la preuve nouvelle établissent clairement ceci, que concède l’intimée[33] : au moment de plaider coupable, l’appelant ignorait bel et bien les conséquences (interdiction de territoire et expulsion) que la LIPR attache à la condamnation aux infractions dont il était accusé. Personne n’avait en effet porté la chose à son attention. Son avocat d’alors, qui en fait l’aveu devant la juge de première instance, n’en savait rien et ne lui en a donc rien dit. Cette ignorance des conséquences découlant de la LIPR « touch[e] des intérêts juridiques suffisamment sérieux pour constituer des conséquences juridiquement pertinentes »[34]. Peu importe par ailleurs qu’elle résulte de l’assistance inadéquate de son avocat : le fait de la méconnaissance demeure et permet de conclure que le plaidoyer de l’appelant n’était pas éclairé.

[56] Je me permets d’ouvrir ici une parenthèse : l’ignorance de l’ancien avocat de l’appelant est difficilement compréhensible alors que la question des répercussions d’une condamnation sur le statut d’une personne en vertu de la LIPR est l’objet d’une jurisprudence de longue date, fort abondante et bien antérieure à l’arrêt Wong, jurisprudence que tout criminaliste doit connaître et qui aurait dû éveiller son attention. Dans Wong, le juge Wagner (tel qu’alors), dissident par ailleurs, écrit ainsi que : « En pratique, il est également bien établi au Canada que les avocats de la défense devraient s’enquérir du statut d’immigrant de leur client, informer ce dernier des conséquences d’un plaidoyer de culpabilité en matière d’immigration et le mettre au courant des répercussions sur le plan de l’immigration d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine particulière qui pourrait être imposée à l’audience de détermination de la peine »[35].

[57] Ajoutons que l’avocate qui représentait le ministère public à la même époque était, elle, bien au fait de ces répercussions et l’on doit certainement déplorer qu’elle n’ait pas mentionné la chose à son confrère dans le cours des négociations sur le plaidoyer de culpabilité ou, à tout le moins, avant la comparution de l’appelant devant la juge de première instance, le 8 avril 2016. C’est une transparence – une franchise, pour reprendre le terme du juge Iacobucci dans R. c. Burlingham[36] – qui aurait été de mise[37].

[58] Finalement, on peut regretter aussi que la juge de première instance, au moment où elle constate l’ignorance de l’appelant et de son avocat, n’ait pas suspendu l’audience de son propre chef afin de leur laisser le temps de réagir à ce qu’ils venaient d’apprendre ou n’ait pas estimé utile d’interroger l’appelant sur sa volonté de maintenir son plaidoyer dans les circonstances. Comme le souligne la Cour d’appel de l’Ontario dans R. v. Davis[38] :

[26] […] However, it is now beyond dispute that awareness of collateral immigration consequences forms part of an informed guilty plea: Wong, at para. 4; Girn, at para. 51. Although there is no standard format for conducting a plea inquiry, in our view, it is good practice for trial judges to canvass with the accused during a plea inquiry if there are any potential immigration issues. By doing that, trial judges can direct the accused and counsel to turn their minds to the issue, and it will likely assist the judge in determining whether the plea of guilty is informed.[39]

[59] Il ne s’agit pas d’imposer aux juges le fardeau qui revient aux avocats. Cependant, dans une situation comme celle de l’espèce, alors qu’il devient parfaitement clair, en cours d’audience, que l’appelant et son avocat ne savent rien des conséquences du plaidoyer de culpabilité au regard de la LIPR (ce qui entache de surcroît les négociations ayant mené à la recommandation commune), la juge de première instance ne pouvait se contenter de prendre acte des conséquences en question et elle aurait dû intervenir. Le fait qu’elle soit restée passive ne porte pas lui-même atteinte à la validité du plaidoyer de culpabilité de l’appelant, vu le paragr. 606(1.2) C.cr., certes, mais a contribué à faire naître le présent débat, qui aurait pu être prévenu efficacement à ce stade.

[93] L’appelant, répétons-le, ignorait tout des conséquences prévues par la LIPR, puisque son avocat ne s’était manifestement pas renseigné sur le sujet et n’a donc pas pu en informer son client. Sans aucun doute l’avocat a-t-il manqué ici à son devoir d’assistance.

[94] Comme je l’ai signalé plus haut[67], l’avocate de la poursuite n’a apparemment pas soulevé la question lors des négociations avec la défense. Peut-être – et c’est l’hypothèse la plus favorable, qui ne peut être exclue – pensait-elle que son confrère était au courant, mais le sujet était suffisamment important pour qu’elle l’aborde avec lui dans la mesure où elle avait l’information en main, ne serait-ce que pour empêcher tout malentendu. En définitive, peu importe les motifs de son silence, le fait demeure qu’elle n’en a rien dit.

[95] Quant à la juge de première instance, ayant constaté que l’appelant et son avocat ne connaissaient pas les effets que la LIPR attacherait aux déclarations de culpabilité, elle aurait dû agir, comme on l’a vu précédemment[68], surtout quand on sait que l’appelant lui a indiqué sa volonté de rester au pays et de revoir ses enfants[69].

[96] C’est d’ailleurs la même volonté qui paraît dicter toute sa démarche en appel, sachant en outre que, depuis sa condamnation, il a maintenant un quatrième enfant, issu de sa relation avec sa nouvelle conjointe, cet enfant et sa mère demeurant eux aussi au Québec.

[97] Ces faux pas de l’avocat de la défense, de l’avocate de la poursuite et de la juge seraient-ils pertinents à l’évaluation de la crédibilité de l’appelant, lorsqu’il affirme qu’il n’aurait pas plaidé coupable aux accusations (et tout particulièrement à l’accusation d’agression sexuelle), s’il avait su ce que la LIPR lui réservait?

[98] Je ne le crois pas. Dans les circonstances, ces impairs, s’ils sont pertinents au chapitre de la première partie du test établi par Wong, ne sont pas déterminants en ce qui concerne la seconde. L’analyse qu’expose la section précédente montre en effet qu’il n’y avait pas de « realistic likelihood that he would have run the risk of a trial »[70] sur l’accusation d’agression sexuelle. La situation de l’appelant se distingue donc sous ce rapport de celle dont il était question dans le récent arrêt R. v. Davis[71]. Dans cette affaire, l’appelant Davis avait plaidé coupable, au cours de l’enquête préliminaire, aux accusations portées contre lui et la Cour d’appel de l’Ontario, qui lui permettra de retirer son plaidoyer au motif qu’on l’a trompé au sujet des conséquences imposées par la LIPR, prend bien soin de noter qu’elle n’avait aucune indication « as to the strength of the Crown’s case against the appellant »[72]. Or, c’est tout le contraire en l’espèce. Il ne paraît pas non plus que la preuve nouvelle dont était saisie la Cour d’appel de l’Ontario dans Davis ait donné quelque indice de la nature de la défense de l’appelant, question que l’arrêt n’aborde pas.

[99] Bref, le présent appel ne peut réussir en ce qui concerne le plaidoyer de culpabilité à l’accusation d’agression sexuelle. Peu importe le sort des plaidoyers aux deux autres accusations, cela règle l’issue du pourvoi.

[104] En conclusion, s’il est vrai que l’appelant ignorait les conséquences de son plaidoyer de culpabilité aux trois accusations portées contre lui, conséquences indirectes juridiquement pertinentes, et qu’il remplissait ainsi la première condition du test établi par les juges majoritaires dans Wong, il n’a cependant pas fait la démonstration du préjudice subjectif que requiert également ce test. Considérant l’ensemble de la preuve, y compris la solidité du dossier de la poursuite, l’absence de tout moyen de défense aux accusations d’entrave et d’omission et l’invraisemblance de la défense d’automatisme par somnambulisme soulevée par l’appelant à l’encontre de l’accusation d’agression sexuelle, l’affirmation selon laquelle celui-ci, dans les circonstances, n’aurait pas plaidé coupable ou aurait négocié d’autres termes n’est pas crédible.