Par Me Félix-Antoine T. Doyon

Tel que nous l’avons mentionné dans un billet antérieur, le statut d’un non-canadien doit être considérée au moment de l’imposition d’une peine. La Cour d’appel vient de le rappeler dans Abdurazak c. R., 2013 QCCA 762.

Voici les passages pertinents :

[6]         La question de la précarité de statut de l’appelant n’a jamais été portée à l’attention de la juge de première instance qui n’en a pas tenu compte.

[7]          Dans l’arrêt Guzman c. R.[2], notre Cour a reconnu que la question du statut d’un non-canadien constituait une circonstance qui, sans être déterminante, doit être considérée au moment de l’imposition d’une peine.

[8]         La Cour suprême vient d’exprimer le même point de vue dans R. c. Pham[3], le juge Wagner y écrit :

[8]                  Outre la proportionnalité, le principe de la parité et l’impératif correctionnel de l’individualisation de la peine jouent aussi un rôle dans le processus de détermination de la peine.  Notre Cour a maintes fois souligné la valeur accordée à l’individualisation de la peine : Ipeelee, au par. 39; R. c. Wust, 2000 CSC 18 (CanLII), 2000 CSC 18 , [2000] 1 R.C.S. 455 , au par. 21; R. c. M. (C.A.), 1996 CanLII 230 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 500 , au par. 92.  En conséquence, lorsqu’il détermine quelle est la peine juste dans l’espèce dont il est saisi, le juge doit tenir compte des circonstances aggravantes ou atténuantes (al. 718.2a) du Code criminel), ainsi que des facteurs objectifs et subjectifs liés à la situation personnelle du délinquant. 

[9]                  Corollairement à l’individualisation de la peine, le principe de la parité requiert l’harmonisation des peines, c’est-à-dire l’infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables (al. 718.2b) du Code criminel).  En d’autre mots, [traduction] « si la situation personnelle du délinquant est différente, l’infliction d’une peine différente sera justifiée » (C. C. Ruby, G. J. Chan et N. R. Hasan, Sentencing, (8e éd. 2012) §2.41). 

[10]                 En définitive, la peine infligée doit être compatible avec l’objectif essentiel du prononcé des peines, à savoir contribuer au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre.  La peine doit tendre à la réalisation d’un ou de plusieurs des objectifs suivants : la dénonciation, la dissuasion générale et individuelle, au besoin l’isolement des délinquants du reste de la société, leur réinsertion sociale, la réparation des torts causés aux victimes, la prise de conscience par les délinquants de leurs responsabilités, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité (art. 718 du Code criminel).

[…]

[13]                 Pour ces raisons, les conséquences indirectes en matière d’immigration peuvent être pertinentes pour fixer adéquatement la peine, mais leur importance dépend des faits particuliers de chaque affaire et doit être déterminée en fonction de ceux-ci. 

[9]         Le juge Wagner émet par contre une mise en garde. Pour lui, il ne faut pas permettre que ces conséquences soient dominantes dans le processus d’établissement des peines et ainsi créer une sous-catégorie de délinquants éligibles à des peines moins lourdes du fait de la précarité de leur statut d’immigrant.

[10]      Il précise aussi que la peine rajustée, pour tenir compte de ce facteur d’individualisation de la peine, ne doit pas pour autant s’écarter de la fourchette appropriée, au risque de ne plus être proportionnelle avec la gravité de l’infraction et le degré de responsabilité du délinquant.

[11]      L’arrêt Pham reconnaît que si le facteur n’a pas été soumis au juge de première instance, une Cour d’appel, à qui on a soumis une preuve nouvelle sur les effets de la condamnation du délinquant, quant à son statut de résident, peut modifier la peine si elle estime qu’en tenant compte de l’ensemble des facteurs la peine prononcée n’est plus proportionnelle.