Conseil canadien pour les réfugiés c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 17
Le simple fait que d’autres types d’actes de l’État puissent aussi avoir un lien de causalité avec les préjudices allégués ne signifie pas qu’une contestation visant une disposition législative — comme l’art. 159.3 du RIPR — a été irrégulièrement formée.
[56] Pour faire la preuve d’une violation de l’art. 7 de la Charte, ceux qui contestent des dispositions législatives doivent d’abord démontrer que celles‑ci portent atteinte à leur droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne. Dans le cadre de cette analyse, il faut se demander si les dispositions législatives mettent « en jeu » les droits en question, en ce sens qu’elles entraînent une restriction, un effet préjudiciable ou une atteinte à ceux‑ci (Carter, par. 55; voir aussi Bedford, par. 57‑58, 90 et 111). Le risque d’une telle atteinte suffit (voir, p. ex., Carter, par. 62; R. c. Malmo‑Levine, 2003 CSC 74, [2003] 3 R.C.S. 571, par. 89; Suresh, par. 27). Ensuite, ceux qui font valoir une contestation doivent démontrer que l’atteinte n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale.
…
[59] Les parties s’entendent pour dire que l’art. 159.3 du RIPR pouvait à juste titre faire l’objet d’une contestation fondée sur la Charte. La Cour d’appel fédérale n’était pas de cet avis : elle a conclu que le recours n’avait pas été régulièrement formé parce qu’il aurait dû viser d’autres types d’actes de l’État qui sont la « véritable cause » des violations possibles. La cour a notamment conclu que les appelants auraient dû faire porter leur recours sur les examens administratifs exigés par le par. 102(3)de la LIPR concernant la désignation des États‑Unis, ainsi que sur des actes administratifs connexes. À mon humble avis, la Cour d’appel a commis une erreur dans son application de la jurisprudence pertinente en matière de causalité fondée sur la Charte.
[60] Notre Cour reconnaît depuis longtemps que, pour obtenir gain de cause, l’auteur d’un recours fondé sur la Charte doit démontrer l’existence d’un lien de causalité entre un acte de l’État et une violation du droit ou de la liberté en cause (voir, p. ex., Operation Dismantle Inc. c. La Reine, 1985 CanLII 74 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 441, p. 447, le juge Dickson, plus tard juge en chef). Dans l’arrêt Bedford, notre Cour a jugé qu’il faut démontrer l’existence d’un « lien de causalité suffisant », ce qui n’exige pas que l’acte reproché à l’État « soit l’unique ou la principale cause du préjudice subi par le demandeur » (par. 76). Par conséquent, le simple fait que d’autres types d’actes de l’État puissent aussi avoir un lien de causalité avec les préjudices allégués ne signifie pas qu’une contestation visant une disposition législative — comme l’art. 159.3 du RIPR — a été irrégulièrement formée.
[61] La Cour d’appel a rejeté les contestations fondées sur la Charte au motif qu’elles ne respectaient pas deux principes qu’elle a dégagés de la jurisprudence de notre Cour en matière de causalité. Premièrement, la contestation de dispositions législatives ne peut être faite en les isolant de manière artificielle. Deuxièmement, lorsque les actes administratifs accomplis sous le régime d’une loi sont la cause d’effets inconstitutionnels, la contestation doit viser cette action ou omission, et non pas la loi. Bien que ces deux affirmations traitent de considérations importantes, elles ne justifient pas, à mon avis, la conclusion selon laquelle la contestation des appelants n’a pas été régulièrement formée.
Le succès ou l’échec d’un recours fondé sur la Charte peut dépendre d’arguments ou d’éléments de preuve relatifs à des dispositions préventives ou curatives, mais cela devrait rarement empêcher le tribunal de déterminer si le droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne garanti par l’art. 7 est « en jeu ».
[62] Les dispositions d’un régime législatif complexe dont les composantes sont interreliées ne sauraient être considérées isolément. En général, la constitutionnalité de ces dispositions ne peut être évaluée qu’en tenant compte de l’ensemble du régime, ce qui n’a toutefois pas empêché les appelants de cibler l’art. 159.3 du RIPR.
[63] Lorsqu’une contestation fondée sur la Charte vise une disposition d’un régime législatif aux composantes interreliées, il faut tenir compte des éventuelles répercussions des dispositions connexes, y compris celles qui peuvent servir à« prévenir toute lacune ou à y remédier » (motifs de la C.A., par. 58a) (je souligne)). Le succès ou l’échec d’un recours fondé sur la Charte peut dépendre d’arguments ou d’éléments de preuve relatifs à des dispositions préventives ou curatives, mais cela devrait rarement empêcher le tribunal de déterminer si le droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne garanti par l’art. 7 est « en jeu ».
[64] Il arrive fréquemment que des dispositions législatives fassent intervenir les droits protégés par l’art. 7. Cela découle parfois de dispositions générales qui — prises isolément — auraient des répercussions pertinentes sur le plan constitutionnel en ce qui a trait à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne. Toutefois, le législateur peut inclure dans un régime des dispositions connexes qui atténuent ces effets. Lorsque ces mesures font partie d’un ensemble législatif intégré, elles doivent être prises en compte lors de la détermination de la constitutionnalité des règles d’application générale.
Les dispositions connexes d’un régime législatif peuvent « prévenir » une inconstitutionnalité ou « y remédier ». Les mesures curatives sont donc réparatrices : elles remédient à la violation que causerait l’application d’une règle générale en accordant une exemption sélective après le fait
[65] Dans l’affaire PHS, par exemple, notre Cour a examiné les liens entre une règle générale et les dispositions s’y rattachant. L’affaire portait notamment sur une interdiction légale générale visant la possession de substances désignées, sauf dans les cas autorisés par les règlements. La loi habilitait le ministre « à accorder des exemptions pour des raisons médicales ou scientifiques ou pour toute raison qu’il juge d’intérêt public » quant à l’application de toute disposition de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, c. 19(« LRCDAS ») (PHS, par. 39).
[66] La Cour a conclu que les exemptions servaient « de soupape empêchant l’application de [la loi] dans les cas où son application serait arbitraire, ses effets exagérément disproportionnés ou sa portée excessive » (PHS, par. 113). En d’autres termes, lorsque le ministre exerçait son pouvoir discrétionnaire, ces dispositions remédiaient à l’inconstitutionnalité qu’aurait entraînée l’application de l’interdiction générale à des personnes qui n’auraient pas dû être visées par celle‑ci : le personnel et les clients d’un centre d’injection supervisée (par. 94 et 114).
[67] Dans le cas qui nous occupe, c’est à bon droit que la Cour d’appel fédérale s’est appuyée sur l’arrêt PHS pour affirmer que les dispositions connexes d’un régime législatif peuvent « prévenir » une inconstitutionnalité ou « y remédier » (motifs de la C.A., par. 58a)). Les exemptions examinées dans l’arrêt PHS étaient des mesures « curatives » en ce sens qu’elles permettaient à des personnes qui auraient autrement été indûment assujetties à l’interdiction générale de bénéficier d’un redressement discrétionnaire. Autrement dit, l’exemption remédiait au préjudice précis qui aurait découlé de l’application de la règle générale.
[68] Les mesures curatives sont donc réparatrices : elles remédient à la violation que causerait l’application d’une règle générale en accordant une exemption sélective après le fait (voir PHS, par. 41). Ces mesures sont souvent associées à des mesures préventives afin de limiter la portée d’une disposition d’application générale. Les mesures préventives restreignent une règle générale en empêchant son application en prévision d’une violation, souvent au moyen d’exceptions législatives. Ces catégories ne sont ni étanches ni exhaustives. De plus, si une catégorie de personnes bénéficie habituellement d’exemptions individualisées après le fait, la législature pourrait adopter une exception qui s’applique à l’avance à l’ensemble de la catégorie.
Les contestations fondées sur la Charte ne doivent pas nécessairement viser des dispositions préventives et curatives lorsque la disposition d’application générale à laquelle elles se rapportent est une cause du préjudice allégué.
[69] Les contestations fondées sur la Charte ne doivent pas nécessairement viser des dispositions préventives et curatives lorsque la disposition d’application générale à laquelle elles se rapportent est une cause du préjudice allégué. Conformément à l’arrêt PHS, les tribunaux doivent examiner les dispositions législatives en fonction de leur contexte législatif global, indépendamment de la façon dont les parties formulent leur contestation du régime législatif. D’ailleurs, l’omission de tenir compte d’une disposition connexe pertinente peut [traduction] « miner la légitimité » de l’analyse constitutionnelle (R. c. Parker (2000), 2000 CanLII 5762 (ON CA), 49 O.R. (3d) 481 (C.A.), par. 171, le juge Rosenberg).
[70] Dans le régime législatif en cause en l’espèce, les mesures préventives incluent par exemple l’exception relative à la peine de mort, prévue à l’art. 159.6 du RIPR, et les diverses exceptions relatives à la réunification des familles, prévues aux al. 159.5a) à d). Parmi les mesures curatives, mentionnons la possibilité d’obtenir un permis de séjour temporaire conformément à l’art. 24, les exemptions accordées pour motifs d’ordre humanitaire prévues au par. 25.1(1) et les exceptions relatives à l’intérêt public énoncées au par. 25.2(1).
Les dispositions curatives empêchent rarement, voire jamais, la mise en jeu de l’art. 7.
La possibilité d’obtenir une exemption est donc un moyen permettant dans certains cas d’éviter les risques que la règle générale fait peser sur la vie, la liberté ou la sécurité de la personne. En pareil cas, la menace aux droits garantis par l’art. 7 persiste, mais elle ne se concrétise pas toujours.
[71] À l’étape de la mise en jeu de l’art. 7, les dispositions préventives peuvent moduler la disposition générale si soigneusement qu’elle ne menacera jamais les droits garantis à l’art. 7. Par exemple, l’art. 159.6 du RIPR écarte la menace à la vie pouvant survenir pour les personnes renvoyées aux États‑Unis qui sont passibles de la peine de mort. Ce faisant, les dispositions préventives comme l’art. 159.6 excluent certaines situations où l’art. 7 pourrait être en jeu. En revanche, les dispositions curatives empêchent rarement, voire jamais, la mise en jeu de l’art. 7. L’arrêt PHS appuie directement cette affirmation, puisque notre Cour y a jugé que l’interdiction générale de possession de drogues faisait intervenir l’art. 7,malgré l’existence de soupapes de sécurité. Les dispositions curatives créent des dérogations exceptionnelles à une règle générale; on ne peut généralement y avoir recours qu’après qu’il a été déterminé que la règle générale s’applique. La possibilité d’obtenir une exemption est donc un moyen permettant dans certains cas d’éviter les risques que la règle générale fait peser sur la vie, la liberté ou la sécurité de la personne. En pareil cas, la menace aux droits garantis par l’art. 7 persiste, mais elle ne se concrétise pas toujours.
L’arrêt Febles ne devrait pas être interprété comme regroupant en une seule les étapes de l’analyse relative à l’art. 7 qui portent sur la mise en jeu de cet article et sur les principes de justice fondamentale.
[72] Certains ont suggéré qu’en raison de la disponibilité de mesures curatives, les droits que l’art. 7 garantit aux demandeurs d’asile ne sont pas en jeu à l’étape de la détermination de l’exclusion ou de l’irrecevabilité. Cette affirmation repose sur une déclaration faite dans l’arrêt B010 c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 58, [2015] 3 R.C.S. 704, suivant laquelle c’est à cette « étape subséquente, l’examen des risques avant renvoi, du processus d’asile établi par la LIPR que l’art. 7 entre habituellement en jeu » et non aux étapes antérieures (par. 75). Cette observation formulée dans l’arrêt B010 était fondée sur un passage de l’arrêt Febles, qui portait sur la conformité à la Charte d’une disposition d’exclusion dans la LIPR. Certains auteurs ont critiqué cette vision du rôle des mécanismes curatifs dans la mise en jeu de l’art. 7, affirmant que les remarques incidentes formulées dans ces arrêts ne devraient pas faire dévier l’analyse de l’approche suivie par notre Cour en ce qui concerne la mise en jeu de l’art. 7établie dans d’autres contextes (voir Heckman, p. 313; C. Grey, « Thinkable : The Charter and Refugee Law after Appulonappaand B010 » (2016), 76 S.C.L.R. (2d) 111, p. 131‑135 et 139; voir aussi H. Stewart, Fundamental Justice : Section 7 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms (2e éd. 2019), p. 77‑81 et 342).
[73] Dans l’arrêt Febles, notre Cour a déclaré qu’une disposition d’exclusion était « compatible » avec l’art. 7 de la Charte (par. 67). À l’instar des arrêts Bedford et PHS, l’arrêt Febles ne devrait pas être interprété comme regroupant en une seule les étapes de l’analyse relative à l’art. 7 qui portent sur la mise en jeu de cet article et sur les principes de justice fondamentale. En ce qui concerne l’arrêt B010, je constate que notre Cour a ordonné la tenue d’une nouvelle audience dans cet appel selon les règles d’interprétation législative et a jugé inutile d’examiner la contestation des appelants fondée sur l’art. 7 (par. 74). Le bref commentaire suivant lequel ce n’est qu’à l’étape de l’examen des risques avant renvoi que « l’art. 7 entre habituellement en jeu » n’était ni un énoncé formel du droit ni une remarque nécessaire pour trancher l’affaire (par. 75). Ces propos ne doivent pas être considérés comme ayant modifié le droit établi en ce qui concerne la mise en jeu de l’art. 7. Il est utile de rappeler que dans d’autres contextes, comme celui de l’extradition, l’art. 7 « influe » sur l’ensemble du processus et il « entre en jeu, bien que pour des fins distinctes », à chaque étape des procédures (États‑Unis d’Amérique c. Cobb, 2001 CSC 19, [2001] 1 R.C.S. 587, par. 34, la juge Arbour). Dans le contexte de l’irrecevabilité prévue à l’al. 101(1)e) de la LIPR, où les mesures curatives sont indispensables à l’analyse relative à l’art. 7, il est donc préférable de considérer que ces mesures se rapportent aux principes de justice fondamentale plutôt qu’à la question préliminaire de la mise en jeu de l’art. 7, conformément à la démarche suivie par notre Cour dans l’arrêt Bedford (voir, p. ex., Heckman, p. 347‑356).
[74] En ce qui concerne l’analyse relative aux principes de justice fondamentale, le rôle des dispositions préventives variera selon les principes en cause. Par exemple, la façon dont la loi est formulée détermine l’étendue de l’application du régime général et joue sans aucun doute un rôle lorsqu’il s’agit de déterminer si le régime a une portée excessive.
On peut dûment tenir compte des mécanismes curatifs pour déterminer si une atteinte est conforme aux principes de justice fondamentale. Il n’a pas été conclu autrement dans l’arrêt Bedford.
[75] Les parties ne s’entendent pas sur l’incidence des mesures curatives en l’espèce. Conformément au raisonnement suivi par notre Cour dans l’arrêt PHS, les intimés semblent considérer les mesures curatives — comme les exemptions pour des motifs d’ordre humanitaire — comme étant pertinentes pour déterminer si les principes de justice fondamentale sont respectés. À l’inverse, les appelants soutiennent que l’accent très individualiste que l’arrêt Bedford met sur la question de savoir si la disposition contestée « prive qui que ce soit du droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne » a supplanté l’arrêt PHSsur ce point (par. 123 (en italique dans l’original)). Ils affirment que les exemptions discrétionnaires ne sont désormais prises en compte qu’à l’étape de l’analyse relative à l’article premier.
[76] Je ne partage pas l’avis des appelants. On peut dûment tenir compte des mécanismes curatifs pour déterminer si une atteinte est conforme aux principes de justice fondamentale. Il n’a pas été conclu autrement dans l’arrêt Bedford. D’ailleurs, les mécanismes curatifs n’étaient pas en cause dans l’affaire Bedford, de sorte qu’il n’était pas nécessaire que notre Cour explique comment son approche interagissait avec son raisonnement dans l’arrêt PHS. À mon avis, les arrêts Bedford et PHS sont compatibles. Les dispositions curatives ont pris une plus grande importance depuis que notre Cour a reconnu, dans l’arrêt Bedford, qu’un régime qui est rationnel et non arbitraire dans presque toutes les situations peut néanmoins violer l’art. 7 s’il est arbitraire, excessif ou totalement disproportionné pour une personne (par. 123). Le cas échéant, l’élaboration par le législateur d’un régime qui remédie à d’éventuelles violations en prévoyant des exemptions qui peuvent cibler les atteintes précises est susceptible de rendre le régime législatif conforme à la Charte (voir D. Moore, « Engagement with Human Rights by Administrative Decision‑Makers : A Transformative Opportunity to Build a More Grassroots Human Rights Culture » (2017), 49 R.D. Ottawa 131, p. 150‑151; voir aussi PHS, par. 114). En ce sens, l’objet de l’analyse relative à l’art. 7 n’est tout au plus [traduction] « très individualiste » que lorsque la législature n’a pas prévu de mécanismes permettant d’individualiser les effets de la loi (Stewart (2019), p. 150; voir aussi C. Fehr, « Rethinking the Instrumental Rationality Principles of Fundamental Justice » (2020), 58 Alta. L. Rev. 133). Toutefois, comme dans l’arrêt PHS, le mécanisme d’exemption doit tenir compte de l’atteinte particulière qui fait l’objet de la contestation fondée sur la Charte.
La possibilité générale de recourir au contrôle judiciaire ne peut donc sauvegarder des dispositions législatives par ailleurs inconstitutionnelles. Pour cette raison, j’estime inutile de considérer le contrôle judiciaire comme une sorte de « soupape de sécurité » ou de mesure de protection d’origine législative.
[77] Je souligne que la Cour d’appel a considéré la possibilité de saisir les tribunaux fédéraux d’une demande de contrôle judiciaire comme une soupape de sécurité pertinente. Il est vrai que, selon le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653, et la jurisprudence plus générale de notre Cour en matière de droit administratif, le contrôle judiciaire contribue à faire en sorte que les autorités publiques respectent les paramètres « légalement circonscrit[s] par la loi habilitante, la common law, le droit civil ou la Constitution » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, par. 28). Le contrôle judiciaire offre toutefois une réparation différente de celle que prévoit un mécanisme législatif qui prévient les lacunes pouvant découler de l’application isolée d’une règle générale ou y remédie. Il en est ainsi parce que le législateur ne peut jamais « soustraire le processus décisionnel administratif à tout examen judiciaire » (Vavilov, par. 24). La possibilité générale de recourir au contrôle judiciaire ne peut donc sauvegarder des dispositions législatives par ailleurs inconstitutionnelles. Pour cette raison, j’estime inutile de considérer le contrôle judiciaire comme une sorte de « soupape de sécurité » ou de mesure de protection d’origine législative.
[78] En somme, les dispositions préventives et les dispositions curatives sont toutes deux pertinentes de façons différentes en ce qui concerne le recours des appelants fondé sur la Charte. Pour déterminer s’il y a une violation de l’art. 7, il faut tenir compte de l’existence de tels mécanismes. Toutefois, les appelants n’avaient pas à viser ces dispositions pour former leur contestation.