Durand c. R., 2019 QCCA 1416

Plus la crédibilité du témoin est douteuse et plus sa déposition est importante, plus grande est la possibilité que la mise en garde de type Vetrovec s’impose.

[121] Cette Cour a récemment rappelé les principes suivants applicables aux directives de type Vetrovec :

[L]a directive de type Vetrovec « vise à informer le jury qu’un témoin à charge n’est pas digne de foi ou encore qu’il présente des problèmes de fiabilité sur un élément essentiel de son témoignage » […] cette directive visant « un témoin qui ne peut être présumé dire la vérité en raison de son honnêteté douteuse » relève d’un pouvoir discrétionnaire du juge du procès.[25]

[Renvois reproduits ci-dessous]

[122] Deux facteurs principaux encadrent l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge du procès quant à la décision d’émettre ou non une directive Vetrovec : « plus la crédibilité du témoin est douteuse et plus sa déposition est importante, plus grande est la possibilité que la mise en garde de type Vetrovec s’impose »[26]. Autrement dit, en présence d’éléments permettant objectivement de douter de la crédibilité d’un témoin dont la déposition joue un rôle central dans la détermination de la culpabilité, une mise en garde s’avère nécessaire[27].

[123] La question de la nécessité d’une directive de type Vetrovec repose sur une approche fonctionnelle, fondée sur le bon sens et l’expérience judiciaire[28]. Au titre des facteurs propres à mettre objectivement en doute la crédibilité d’un témoin, les tribunaux retiennent, entre autres, la complicité du témoin dans le fait ou après le fait[29], les témoins de mauvaise réputation[30], ceux qui ont fait des déclarations mensongères dans le passé[31], les témoins ayant un lourd casier judiciaire ou ayant un mode de vie criminel[32], les consommateurs ou trafiquants de stupéfiants[33], le fait que le témoin croit avoir un intérêt personnel à témoigner contre l’accusé[34], le retard inexpliqué pour présenter sa version des faits aux autorités, le caractère spécifique de la présumée confession (du type : « j’ai tué X ») et la mesure dans laquelle la déclaration renferme des détails que seul l’auteur de l’infraction connaît, ainsi que l’accès à des sources extérieures[35] de renseignements.

[124] Une mise en garde Vetrovec n’est pas réservée à une catégorie spécifiquement prédéfinie de témoins. Plutôt, le juge du procès doit exercer son pouvoir discrétionnaire pour déterminer si un témoin particulier est indigne de foi à la lumière des facteurs énumérés précédemment[36].

[125] Néanmoins, la même prudence est requise autant à l’égard du témoignage d’un complice après le fait qu’à celui d’un complice du fait[37]. Récemment, cette Cour a par ailleurs remarqué qu’une directive est « définitivement plus que nécessaire » dans les cas de témoins complices ou informateurs de prison[38]. Cela fait écho à l’affirmation du juge Fish dans l’arrêt Khela que parfois, pour s’assurer que les jurés pourront être « en mesure d’apprécier la nécessité ou les raisons d’un certain scepticisme et d’un examen particulièrement rigoureux quand il s’agit des dépositions de tels témoins … le juge du procès peut — et dans certains cas doit — inclure dans ses directives « une mise en garde claire et précise pour attirer l’attention du jury sur les dangers de se fier à la déposition d’un témoin sans plus de précautions »[39].

[126] Selon la Cour suprême, bien qu’aucune forme rigide ne soit exigée[40], la mise en garde doit en définitive être conforme au cadre d’analyse suivant :

(1) Attirer l’attention du jury sur le témoignage qui nécessite un examen particulièrement rigoureux;

(2) Expliquer pourquoi ce témoignage doit être examiné de façon particulièrement rigoureuse;

(3) Prévenir le jury du danger de prononcer une condamnation sur la foi d’un témoignage non confirmé de ce genre, le jury étant toutefois en droit de le faire s’il est convaincu de la véracité du témoignage en cause;

(4) Indiquer au jury que, pour déterminer si le récit suspect est véridique, il doit chercher, à partir d’autres sources, des preuves tendant à établir que le témoin douteux dit la vérité quant à la culpabilité de l’accusé.[41]

[Références omises]

(1) drawing the attention of the jury to the testimonial evidence requiring special scrutiny;

(2) explaining why this evidence is subject to special scrutiny;

(3) cautioning the jury that it is dangerous to convict on unconfirmed evidence of this sort, though the jury is entitled to do so if satisfied that the evidence is true; and (

(4) that the jury, in determining the veracity of the suspect evidence, should look for evidence from another source tending to show that the untrustworthy witness is telling the truth as to the guilt of the accused.

(References omitted)

[127] L’omission des éléments listés ci-dessus n’est pas fatal pourvu que les directives dans leur ensemble servent aux fins visées par une mise en garde Vetrovec, soit (1) « éveiller l’attention du jury sur le danger de se fonder sur les dépositions de témoins douteux en l’absence de toute confirmation et expliquer pourquoi elles doivent être examinées de façon particulièrement rigoureuse » et (2) « si les circonstances le justifient, fournir aux jurés les outils nécessaires pour déterminer les éléments de preuve pouvant renforcer la crédibilité de ces témoins »[42].

[128] Ainsi, lorsqu’un témoin est d’une fiabilité douteuse, le jury ou le juge des faits doit être en mesure de déterminer s’il existe des éléments de preuve permettant de confirmer tout ou partie de son témoignage de manière à restaurer la confiance en la véracité de sa déposition.

[129] Par conséquent, en présence de facteurs objectifs permettant de douter de la fiabilité d’un témoin, les éléments de preuve indépendants confirmant une partie de son témoignage peuvent rétablir la confiance du juge des faits ou du jury dans les aspects pertinents de sa version[43]. La présence de tels éléments de preuve n’enlève rien à l’obligation de la juge du procès d’informer le jury qu’il doit approcher le témoignage du témoin douteux avec circonspection lorsqu’une directive s’impose[44].

[130] Bien qu’une mise en garde de type Vetrovec soit habituellement assortie d’une mention des éléments de preuve susceptibles de corroborer la déposition du témoin, cet examen n’est pas exigé dans tous les cas. Dans les situations où la revue de ces éléments de preuve peut s’avérer disproportionnellement préjudiciable à l’accusé, le juge du procès peut s’abstenir de procéder à cet exercice s’il conclut que l’attention du jury serait injustement attirée sur des éléments de preuve défavorables à l’accusé[45].

[131] Le fait que « l’accusé n’ait pas demandé de mise en garde sera un élément fort pertinent »[46] pouvant indiquer un choix stratégique visant à éviter d’attirer l’attention du jury sur les éléments de preuve tendant à confirmer la déposition du témoin douteux[47]. Toutefois, l’omission de la défense à cet égard n’enlève pas au juge de procès l’obligation de faire une telle directive lorsque le cas l’exige clairement[48].

[132] Les plaidoiries des avocats et le fait de souligner les problèmes de crédibilité du témoin de manière générale dans le même langage que celui utilisé dans la revue de l’ensemble de la preuve ne remplacent pas une mise en garde spécifique du juge quant au danger de se fier au témoignage douteux lorsque les circonstances l’imposent[49]. Fondamentalement, il importe d’« attirer l’attention du jury sur les dangers de se fier à la déposition d’un témoin [douteux] sans plus de précautions »[50].

[133] Les tribunaux d’appel devraient interpréter de façon libérale le pouvoir discrétionnaire du juge du procès de faire une mise en garde de type Vetrovec[51]. En outre, « [l]’intervention en appel ne sera justifiée que si le juge du procès n’a pas adressé la mise en garde qui s’imposait ou si la mise en garde effectuée n’a pas atteint l’objectif visé »[52].

[134] En conséquence, l’omission du juge du procès de faire une mise en garde Vetrovec qui s’impose ou de faire autrement des directives répondant aux objectifs d’une telle mise en garde Vetrovec lorsque jugé nécessaire est une erreur de droit.

[154] Une directive de type Vetrovec était en principe nécessaire considérant que M. Plouffe est accusé de complicité après le fait[54], qu’il s’agit d’un témoin de mauvaise réputation[55], qu’il admet avoir fait des déclarations mensongères dans le passé[56], qu’il a des antécédents judiciaires et un mode de vie criminel, qu’il consomme et fait le trafic de stupéfiants[57], qu’il admet avoir un intérêt personnel à témoigner contre M. Durand[58], qu’il décide de faire sa déclaration aux autorités plus de six mois après les faits, qu’il donne peu de détails sur le présumé aveu de M. Durand qu’il résume à « j’ai tué ma crisse de folle » sans donner de détails précis que seul l’auteur de l’infraction connaît, et qu’il admet avoir reçu des informations sur l’enquête par des rumeurs[59].

Lorsque l’omission d’une directive de type Vetrovec qui était nécessaire constitue l’erreur de droit identifiée, la question se pose alors de savoir s’il « existe une possibilité raisonnable que le verdict eût été différent en l’absence de l’erreur en question ».

[157] Lorsque l’omission d’une directive de type Vetrovec qui était nécessaire constitue l’erreur de droit identifiée, la question se pose alors de savoir s’il « existe une possibilité raisonnable que le verdict eût été différent en l’absence de l’erreur en question »[60].

[158] Dans l’arrêt Brooks[61], le juge Binnie suggère que l’applicabilité de la disposition réparatrice est décidée en fonction de « [l]a question […] de savoir s’il existe une possibilité raisonnable que le verdict prononcé en fin de compte eût été différent si leur témoignage avait été assorti d’une mise en garde »[62]. Il considère que :

La question de savoir si un nouveau procès est nécessaire dépend en grande partie de la mesure dans laquelle la déclaration de culpabilité repose sur la déposition du témoin douteux. Dans la plupart des cas, le rôle du témoin dont la déposition est suffisamment importante au départ pour requérir la mise en garde de type Vetrovec sera vraisemblablement assez central pour empêcher l’application du sous‑al. 686(1) b)(iii)[63].

Whether or not a new trial is necessary will largely depend on the degree of centrality of the evidence of the unsavoury witness to the conviction. In most cases, a witness whose testimony is sufficiently important to require the Vetrovec warning in the first place will likely be sufficiently central to preclude application of s. 686(1)(b)(iii), (…)
[159] Dans l’arrêt Brooks, l’énoncé du juge Binnie prévoit le rétablissement du verdict de culpabilité. Il considère que le ministère public s’est déchargé du « lourd fardeau » de démontrer que le verdict ne pouvait raisonnablement être différent en raison d’autres éléments de preuve non viciés par l’erreur de droit dans la directive[64].


Le verdict déraisonnable, lorsque l’appel porte sur l’insuffisance de la preuve : la Cour d’appel doit s’assurer que le poids de cette preuve n’est pas si faible qu’un verdict de culpabilité soit déraisonnable. Le processus est le même, peu importe que la preuve soit de nature directe ou circonstancielle.

[76] Le sous-alinéa 686(1)a)(i) C.cr. permet à une Cour d’appel d’accueillir un appel portant sur un verdict de culpabilité lorsque ce dernier est déraisonnable ou qu’il ne peut s’appuyer sur la preuve[2]. En appel d’un verdict au motif que celui-ci est déraisonnable, la Cour doit se demander si « le verdict est l’un de ceux qu’un jury qui a reçu les directives appropriées et qui agit de manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre »[3].

[77] Cet exercice requiert une évaluation mixte de la preuve qui implique :

[…] à la fois une évaluation objective et, dans une certaine mesure, une évaluation subjective. Elle oblige la cour d’appel à déterminer quel verdict un jury raisonnable, ayant reçu des directives appropriées et agissant de manière judiciaire, aurait pu rendre, et ce faisant, à examiner, à analyser et, dans la mesure où il est possible de le faire compte tenu de la situation désavantageuse dans laquelle se trouve un tribunal d’appel, à évaluer la preuve. Ce dernier processus est généralement considéré comme un exercice subjectif qui oblige la cour d’appel à examiner l’importance de la preuve, et non seulement à vérifier si elle est suffisante. Le critère est donc mixte, et il est plus utile de décrire les conséquences de son application que de le qualifier d’objectif ou de subjectif.[4]

(…) both an objective assessment and, to some extent, a subjective one. It requires the appeal court to determine what verdict a reasonable jury, properly instructed, could judicially have arrived at, and, in doing so, to review, analyse and, within the limits of appellate disadvantage, weigh the evidence. This latter process is usually understood as referring to a subjective exercise, requiring the appeal court to examine the weight of the evidence, rather than its bare sufficiency. The test is therefore mixed, and it is more helpful to articulate what the application of that test entails, than to characterize it as either an objective or a subjective test.

[78] Les principes développés par la Cour suprême quant à l’application de ce critère d’évaluation mixte peuvent se résumer ainsi :

1. Le tribunal d’appel doit d’abord déterminer si le verdict est un de ceux qu’un jury ayant reçu les directives appropriées et agissant de manière judiciaire aurait rendus au vu de l’ensemble de la preuve;

2. Le verdict est déraisonnable si le juge des faits a tiré une inférence essentielle au verdict qui est clairement contredite par la preuve invoquée à l’appui de l’inférence;

3. Le verdict est déraisonnable si le raisonnement qui le soutient est à ce point irrationnel ou incompatible avec la preuve qu’il a pour effet de vicier le verdict;

4. Il faut faire preuve d’une grande déférence dans l’appréciation de la crédibilité faite en première instance lorsqu’il s’agit de déterminer si le verdict est déraisonnable;

5. La cour d’appel qui se prononce sur un verdict de culpabilité doit dûment prendre en compte la position privilégiée des juges des faits qui ont assisté au procès et entendu les témoignages et ne doit pas conclure au verdict déraisonnable pour le seul motif qu’elle entretient un doute raisonnable après l’examen du dossier. Il doit plutôt examiner et analyser la preuve et se demander, à la lumière de son expérience, si l’appréciation judiciaire des faits exclut la déclaration de culpabilité[5].

[79] Sur l’appréciation de la crédibilité des témoins, la Cour suprême énonce dans R. c. R.P. :

[10] Si le caractère raisonnable d’un verdict est une question de droit, l’appréciation de la crédibilité des témoins constitue elle une question de faits. L’appréciation de la crédibilité faite en première instance, lorsqu’elle est revue par une cour d’appel afin notamment de déterminer si le verdict est raisonnable, ne peut être écartée que s’il est établi que celle-ci « ne peut pas s’appuyer sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve » (R. c. Burke, 1996 CanLII 229 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 474, par. 7).[6]
[Soulignements ajoutés]

[10] Whereas the question whether a verdict is reasonable is one of law, whether a witness is credible is a question of fact. A court of appeal that reviews a trial court’s assessments of credibility in order to determine, for example, whether the verdict is reasonable cannot interfere with those assessments unless it is established that they “cannot be supported on any reasonable view of the evidence” (R. v. Burke, 1996 CanLII 229 (CSC), [1996] 1 S.C.R. 474, at para. 7).
(Emphasis added)

[80] Lorsque l’appel porte sur l’insuffisance de la preuve : « la Cour d’appel doit s’assurer […] que le poids de cette preuve n’est pas si faible qu’un verdict de culpabilité soit déraisonnable »[7]. Le processus est le même, peu importe que la preuve soit de nature directe ou circonstancielle[8].


Une directive relative au mobile (Lewis) est donc nécessaire lorsque la preuve est entièrement indirecte ou lorsqu’il y a une preuve d’absence de mobile.

[102] Les directives au jury servent, entre autres, à instruire celui-ci quant au droit sur lequel il doit fonder son verdict. Il est entendu que des directives erronées constituent une erreur de droit. Pour déterminer si les directives sont erronées, il faut suivre une approche fonctionnelle, se demander ce que le jury a pu en retenir et si cela l’instruit suffisamment sur le droit applicable pour qu’il puisse exercer son rôle de juge des faits[9].

[103] L’accusé a droit à ce que le jury reçoive des directives appropriées, mais celles-ci n’ont pas à être parfaites[10]. L’exposé sera adéquat s’il « présente la preuve d’une façon qui permette au jury de bien comprendre les questions à trancher et la défense soumise »[11]. Les directives doivent être analysées dans leur ensemble[12] et ne peuvent être dissociées du « contexte plus général du procès »[13]; les plaidoiries des avocats sont donc aussi pertinentes[14].

[104] Bien qu’elle ne soit pas déterminante, « l’omission de l’avocat de la défense de s’opposer à l’exposé est révélatrice quant à la justesse générale des directives au jury et à la gravité de la directive qui serait erronée »[15]. Par contre, « l’inaction de l’avocat de la défense ne constitue pas, dans tous les cas, une fin de non-recevoir, particulièrement lorsqu’un préjudice en résulte et qu’il ne s’agit pas d’une décision stratégique »[16].

[105] Dans l’arrêt Lewis, la Cour suprême émet six propositions générales concernant les directives relatives au mobile[17] :

(1) La preuve du mobile est toujours pertinente: il s’ensuit qu’elle est recevable […];

(2) Le mobile ne fait aucunement partie du crime et n’est pas juridiquement pertinent à la responsabilité criminelle. Il ne constitue pas un élément juridiquement essentiel de l’accusation portée par le ministère public […];

(3) La preuve de l’absence de mobile est toujours un fait important en faveur de l’accusé et devrait ordinairement faire l’objet de commentaires dans une adresse du juge au jury […];

(4) A l’inverse, la présence d’un mobile peut être un élément important dans la preuve du ministère public, notamment en ce qui regarde l’identité et l’intention lorsque la preuve est entièrement indirecte […];

(5) Le mobile est donc toujours une question de fait et de preuve et la nécessité de s’y référer dans son adresse au jury est régie par le devoir général du juge de première instance de [TRADUCTION] «ne pas seulement récapituler les thèses de la poursuite et de la défense mais de présenter au jury les éléments de preuve indispensables pour parvenir à une juste conclusion.» […];

(6) Chaque affaire dépend des circonstances uniques qui l’entourent. La question du mobile est toujours une question de mesure.

[Soulignements ajoutés]

(1) As evidence, motive is always relevant and hence evidence of motive is admissible (…);

(2) Motive is no part of the crime and is legally irrelevant to criminal responsi­bility. It is not an essential element of the prosecution’s case as a matter of law (…);

(3) Proved absence of motive is always an important fact in favour of the accused and ordinarily worthy of note in a charge to the jury (…);

(4) Conversely, proved presence of motive may be an impor­tant factual ingredient in the Crown’s case, notably on the issues of identity and intention, when the evidence is purely circumstantial (…);

(5) Motive is therefore always a question of fact and evidence and the necessity of referring to motive in the charge to the jury falls within the general duty of the trial judge « to not only outline the theories of the prosecution and defence but to give the jury matters of evidence essential in arriving at a just conclusion. » (…)

(6) Each case will turn on its own unique set of circumstances. The issue of motive is always a matter of degree.

(Emphasis added)

[106] La Cour suprême délimite ainsi le cadre d’analyse concernant la question de la nécessité d’une directive relative au mobile :

La nécessité de donner des directives au jury sur la question du mobile peut se situer entre deux pôles. À l’un d’entre eux l’on trouve les affaires où la preuve de l’identité du meurtrier est entièrement indirecte et la preuve du mobile par le ministère public tellement essentielle qu’on doit parler du mobile dans l’adresse au jury. […] À l’autre pôle […], on retrouve l’affaire où il y a preuve d’une absence de mobile—un élément qui peut être très important en faveur de l’accusé. Entre ces deux pôles tombent les affaires où la nécessité de donner une directive sur la question du mobile dépend du cours du procès et de la nature et de la valeur probante de la preuve. Dans ces derniers cas, le juge de première instance doit pouvoir exercer une large discrétion.[18]

[Soulignements ajoutés]

The necessity of charging a jury on motive may be looked upon as a continuum, at one end of which are cases where the evidence as to identity of the murderer is purely circumstantial and proof of motive on the part of the Crown so essential that reference must be made to motive in charging the jury. At the other end (…) is the case where there is proved absence of motive and this may become of great significance as a matter in favour of the accused. Between these two end points in the continuum there are cases where the necessity to charge on motive depends upon the course of the trial and the nature and probative value of the evidence adduced. In these cases, a substantial discretion must be left to the trial judge.

(Emphasis added)

[107] Une directive spécifique est donc nécessaire lorsque la preuve est entièrement indirecte ou lorsqu’il y a une preuve d’absence de mobile. Sur ce dernier point, les tribunaux font une distinction entre une absence de preuve de mobile et une preuve d’absence de mobile[19]. Donc, à moins d’une preuve exclusivement indirecte, ce n’est que dans les cas où il y a une preuve d’absence de mobile qu’une directive spécifique est nécessaire[20]. À cet effet, une preuve renforçant simplement l’absence de preuve de mobile n’est pas en soi une preuve d’absence de mobile[21].

[108] La preuve relative à l’état de la relation entre la victime et l’accusé d’un meurtre dans la période ayant précédé la commission de l’infraction peut être un élément probant quant à la question du mobile et, conséquemment, aux éléments essentiels de l’identité et de l’intention de l’auteur du meurtre. Toutefois, une preuve établissant que la victime et l’accusé n’apparaissaient pas avoir une relation difficile ou conflictuelle ne constitue pas une preuve d’ « absence de mobile » où un élément qui doit nécessairement faire l’objet d’une directive spécifique[22].

[119] Certes, la preuve sur la relation du couple était contradictoire. Les témoins émettent des constats divergents sur la qualité de la relation entre M. Durand et la victime. Cependant, une preuve établissant que la victime et l’accusé n’apparaissaient pas avoir une relation difficile ou conflictuelle ne constitue pas une preuve d’ « absence de mobile » et une directive spécifique sur cet aspect n’est pas nécessaire[24].