Tremblay c. R., 2020 QCCA 1131

Lorsque les représentants de l’État s’approchent d’une maison dans le but de recueillir « des éléments de preuve » contre l’occupant, ils outrepassent l’invitation implicite.

Dans une telle situation, l’intervention policière constitue une « fouille ». Ce commentaire vaut également lorsque la cueillette d’éléments de preuve n’est qu’un but subsidiaire à l’objectif de communiquer avec l’occupant.

[18] Il ne fait aucun doute que toute personne a, dans sa résidence, une attente raisonnable en matière de vie privée[11]. Cependant, dans certaines situations, la protection conférée par l’article 8 de la Charte est absente ou réduite. Dans l’arrêt Evans, la Cour suprême reconnaît que l’occupant d’une résidence invite, implicitement, le public, ainsi que les agents de police, à entrer sur sa propriété afin de communiquer avec lui.[12] Cette invitation implicite, qui peut également être décrite comme un droit de s’approcher et de communiquer, demeure en vigueur jusqu’à ce qu’elle soit retirée ou révoquée par l’occupant de la résidence, ou bien encore, jusqu’à ce que le visiteur quitte les lieux. Les parties ne contestent pas l’existence de ces principes, mais plutôt leur application aux circonstances de l’espèce.

[19] L’invitation implicite de s’approcher et de communiquer est toutefois limitée :

l’invitation implicite à frapper à la porte ne va pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour qu’il y ait communication convenable avec l’occupant de la maison. La «renonciation» aux droits à la vie privée que comporte l’invitation implicite ne va pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ce but. Il s’ensuit que seules les activités qui sont raisonnablement liées au but de communiquer avec l’occupant sont permises en vertu de l’«autorisation implicite de frapper à la porte». Lorsque la conduite des policiers (ou de qui que ce soit) va au‑delà de ce qui est permis en vertu de l’autorisation implicite de frapper à la porte, les «conditions» implicites de cette autorisation sont effectivement violées et l’auteur de l’activité non autorisée qui s’approche de la maison devient un intrus.[13]

[soulignements ajoutés]

[20] C’est donc dire que, pour déterminer si l’activité est autorisée par l’invitation implicite, il faut s’attarder au but poursuivi par la personne qui se prévaut de l’invitation et à ses agissements[14]. Dans l’arrêt Evans, la majorité conclut que, lorsque les représentants de l’État s’approchent d’une maison dans le but de recueillir « des éléments de preuve » contre l’occupant, ils outrepassent l’invitation implicite :

En l’espèce, je suis d’avis que les actions des policiers sont allées au‑delà du type de conduite permis en vertu de l’autorisation implicite de frapper à la porte. Bien que j’admette que l’un des buts poursuivis par les policiers en s’approchant de la maison des Evans était de communiquer avec ses occupants conformément à l’autorisation implicite de frapper à leur porte, la preuve révèle clairement que, ce faisant, ils poursuivaient un but subsidiaire, soit de [TRADUCTION] «sentir» la marijuana. Par conséquent, les policiers se sont approchés de la demeure des Evans non pas simplement dans le but de communiquer avec les occupants, mais également dans l’espoir de recueillir des éléments de preuve contre eux. De toute évidence, on ne peut pas présumer que les occupants d’une maison invitent les policiers (ou qui que ce soit) à s’approcher de leur maison pour établir le bien‑fondé d’une accusation portée contre eux. Toute «renonciation» aux droits à la vie privée dont l’existence peut se déduire de l’«invitation à frapper à la porte» ne va tout simplement pas jusque‑là. Il s’ensuit que, lorsque les représentants de l’État s’approchent d’une maison dans le but de recueillir des éléments de preuve contre l’occupant, ils outrepassent toute autorisation que l’invitation à frapper à la porte comporte implicitement.[15]

[Soulignements ajoutés]

[21] Dans une telle situation, l’intervention policière constitue une « fouille »[16]. Ce commentaire vaut également lorsque la cueillette d’éléments de preuve n’est qu’un but subsidiaire à l’objectif de communiquer avec l’occupant[17].

[22] Ultimement, dans l’arrêt Evans, la majorité de la Cour suprême conclut que l’invitation implicite a été outrepassée. Il faut préciser que, dans cette affaire, les représentants de l’État se sont présentés à la porte d’une résidence et y ont frappé non seulement dans le but de communiquer avec l’occupant, mais également dans celui, subsidiaire, de détecter une odeur suspecte de marijuana. C’est donc dire qu’ils tentaient de recueillir directement des éléments de preuve par leur sens olfactif.

[23] La Cour suprême reconnaît également que les représentants de l’État outrepassent l’invitation implicite lorsqu’ils entreprennent une enquête criminelle qui équivaut à une « expédition de pêche »[18], c’est-à-dire en l’absence de soupçons entre les occupants d’une résidence et une présumée activité criminelle. Dans l’arrêt Le, les juges Brown et Martin écrivent ce qui suit :

Plus fondamentalement, en entrant dans la cour arrière, les policiers poursuivaient également un « but subsidiaire », pour reprendre l’expression du juge Sopinka dans l’arrêt Evans, et ont ainsi excédé les limites de l’autorisation implicite (par. 16). Dans l’arrêt Evans, le but subsidiaire ayant vicié l’« autorisation implicite » était l’espoir de recueillir des éléments de preuve contre les occupants de la maison (en recherchant une odeur de marijuana). En l’espèce, nous sommes d’avis que le juge Lauwers a bien cerné le but subsidiaire des policiers (au par. 107) : [traduction] « l’entrée des policiers ne valait guère mieux qu’une enquête criminelle hypothétique, ou une “expédition de pêche” ». Il faut rappeler ici que les policiers ne disposaient pas d’information permettant de faire un lien entre les occupants de la cour arrière — et dont ils ignoraient l’identité — et une quelconque conduite criminelle réelle ou soupçonnée. La théorie de l’autorisation implicite n’a jamais eu pour objectif de protéger ce type de conduite intrusive par les policiers.[19]

[soulignements ajoutés]

[24] Cette interprétation répond d’ailleurs aux préoccupations exprimées par le juge Sopinka dans l’arrêt Evans:

20 À mon avis, il existe, sur le plan des principes, de bonnes raisons de statuer que l’intention des policiers, lorsqu’ils s’approchent de la maison d’un particulier, est pertinente pour déterminer si l’activité en question est une «fouille ou perquisition» au sens de l’art. 8. Si la position de mon collègue était acceptée et que l’intention n’était pas un facteur pertinent, les policiers pourraient alors s’appuyer sur l’«autorisation implicite de frapper à la porte» pour effectuer des inspections au hasard de maisons afin d’obtenir des éléments de preuve d’activités criminelles. Ils pourraient se rendre dans un quartier ayant un haut taux de criminalité et procéder à des «contrôles‑surprises» dans les demeures de particuliers qui ne se douteraient de rien, feignant s’appuyer sur l’autorisation implicite de s’approcher de la porte et d’y frapper. Il est évident que cette vision orwellienne des pouvoirs de la police dépasse les bornes de quelque «invitation implicite» que ce soit. Par conséquent, je statuerais que, dans des cas comme la présente affaire, où la preuve établit clairement que les policiers ont expressément envisagé la possibilité de recueillir des éléments de preuve contre les accusés «en frappant à la porte», ceux‑ci ont outrepassé la permission accordée par l’autorisation implicite de frapper à la porte.[20]

Le questionnement à des fins d’enquête :

Il faut retenir de la jurisprudence que les agents de l’État sont autorisés à se présenter à la porte d’un domicile dans l’intention de questionner l’occupant afin de faire progresser une enquête légitime. Pour que l’enquête puisse être qualifiée de « légitime », ces mêmes agents doivent être en possession d’information permettant de faire un lien entre les occupants de la résidence et une conduite criminelle réelle ou soupçonnée. En l’absence d’une telle information, il s’adonne à une partie de pêche et, ce faisant, outrepasse l’invitation implicite.

En aucun cas, ils ne sont autorisés à se présenter à la porte d’une résidence dans le but exprès de recueillir des éléments de preuve.

La prise d’information par voie « d’une communication convenable » avec l’occupant doit être l’unique but de leur visite. Il est donc crucial de distinguer la prise d’information par voie de communication et l’obtention « d’éléments de preuve » par d’autres moyens.

[25] L’appelant prétend que les policiers outrepassent l’invitation implicite lorsqu’il se présente à la porte d’une résidence dans le but d’en questionner l’occupant à des fins d’enquête. Même si cette proposition trouve appuie dans une certaine jurisprudence[21], celle majoritaire retient plutôt que le droit de s’approcher et de communiquer n’exclut pas un questionnement qui vise à faire avancer une enquête policière légitime[22]. C’est plutôt l’intention de recueillir des informations ou des éléments incriminants par un moyen autre que la communication avec l’occupant qui outrepasse les limites de cette invitation implicite.

[26] Dans l’arrêt Le, une majorité de la Cour suprême souscrit à la conclusion du juge Lauwers de la Cour d’appel de l’Ontario, lequel affirmait ceci:

103 The respondent contends, rightly in my view, that the expansive language used in Evans should not be read as a general prohibition against police approaching a dwelling in order to question its occupants for the purposes of furthering a lawful investigation. In support of this proposition, the respondent points to R. v. Bushman, 1968 CanLII 802 (BC CA), [1968] 4 C.C.C. 17 (B.C. C.A.), and Tricker. Both were cases where the police approached a residence to seek to question its occupants. Both were cited by Sopinka J. in Evans.[23]

[27] De même, dans l’arrêt Van Wyk[24], une décision de la Cour supérieure de l’Ontario confirmée par la Cour d’appel de l’Ontario[25] et citée par plusieurs tribunaux au pays, des témoins ont rapporté l’implication et la fuite d’un conducteur de camion lors d’un accident automobile. Le numéro de plaque d’immatriculation du véhicule a été transmis aux policiers. Cette information leur a permis de retracer le domicile du conducteur et de s’y présenter afin de l’identifier. Statuant sur la validité de l’opération policière, le juge Hill affirmait ce qui suit :

30 Mr. Van Wyk submitted that if the police intend to secure evidence through speaking to the occupant such an objective constitutes an impermissible warrantless search. While a literal reading of the text of Sopinka J.’s statements might admit of such an interpretation, I am unable to accept that such an approach was intended.

[…]

33 Where the sole purpose of the police officer is to ask questions of the homeowner, nothing can be gathered by the government, in the sense of unwitting disclosure by the occupant, until he or she chooses to speak. The police intent of facilitating communication, even investigative questioning, does not exceed the bounds of the implied right to approach and knock and is, accordingly, not trespassory or in breach of s.8 of the Charter.[26]

[28] En résumé, il faut retenir de la jurisprudence que les agents de l’État sont autorisés à se présenter à la porte d’un domicile dans l’intention de questionner l’occupant afin de faire progresser une enquête légitime. Pour que l’enquête puisse être qualifiée de « légitime », ces mêmes agents doivent être en possession d’information permettant de faire un lien entre les occupants de la résidence et une conduite criminelle réelle ou soupçonnée. En l’absence d’une telle information, il s’adonne à une partie de pêche et, ce faisant, outrepasse l’invitation implicite. En aucun cas, ils ne sont autorisés à se présenter à la porte d’une résidence dans le but exprès de recueillir des éléments de preuve. La prise d’information par voie « d’une communication convenable » avec l’occupant doit être l’unique but de leur visite. Il est donc crucial de distinguer la prise d’information par voie de communication et l’obtention « d’éléments de preuve » par d’autres moyens.

Lors d’une discussion engagée entre un agent d’infiltration et l’occupant d’une résidence, l’information ne peut être obtenue que si l’occupant consent à parler. De ce fait, l’agent qui frappe à la porte d’une résidence avec l’intention d’interroger l’occupant à des fins d’enquête légitime n’outrepasse pas les balises de l’invitation implicite; l’obtention des informations est alors tributaire de la coopération de l’occupant. Le facteur du « consentement » est clé dans cette interprétation : l’information incriminante ne peut être recueillie que si l’occupant consent à la révéler.

29] Une question demeure : ces mêmes principes tiennent-ils lorsque l’opération en question est menée par un agent d’infiltration? Il faut répondre à cette question par l’affirmative.

[30] Certains tribunaux d’appels ont statué sur la légalité d’opérations d’infiltration se déroulant au domicile d’un accusé. Les arrêts Contant[27] et Joseph[28], rendus la même journée par une formation de cette Cour, portent tous deux sur des opérations d’infiltration ayant comme cible des trafiquants de drogue. Le contexte factuel des deux affaires est similaire : les policiers sont informés de l’existence d’un point de vente et de consommation de stupéfiants et y envoient un agent d’infiltration à plusieurs reprises pour se procurer des stupéfiants auprès de l’accusé. Dans ces arrêts, la Cour affirme que l’opération policière ne constituait pas une fouille au sens de l’article 8 de la Charte[29] et que les circonstances des deux dossiers se distinguent de l’arrêt Evans. L’analyse porte notamment sur le consentement de l’appelant à la remise des stupéfiants :

34 Les faits de cet arrêt sont, toutefois, différents de ceux en l’espèce. Dans Evans, les policiers s’approchent de la maison de ce dernier et profitent de l’invitation à frapper à la porte pour rechercher une odeur de marijuana. Comme les policiers veulent vérifier la présence de cette odeur, comme élément de preuve, tout ce qui importe c’est que quelqu’un ouvre la porte de la demeure. Point n’est besoin de poser quelque question que ce soit ou échanger quelque parole que ce soit pour recueillir l’élément de preuve recherché. Dans cette affaire, le juge Sopinka estime qu’il s’agit d’une fouille ou perquisition abusive puisqu’elle n’était pas autorisée par la loi, ajoutant que la conduite des policiers ne pouvait être qualifiée de raisonnable au sens de l’article 8, puisqu’elle n’avait pas fait l’objet d’une autorisation préalable. J’ajoute que rien n’indique que Evans avait renoncé à la protection de sa vie privée.

35 Ici, sur la foi d’une source enregistrée, réputée fiable, et d’autres renseignements recueillis au cours de l’enquête, les services policiers savent ou, du moins, ont des motifs raisonnables de croire que le domicile de l’appelant sert de point de vente de stupéfiants. L’agent double se rend chez l’appelant essentiellement dans le but de conclure une transaction, c’est-à-dire d’acheter les produits qu’on y vend. Dans les faits, il est en mesure d’acheter de l’appelant, à quatre reprises, des stupéfiants. J’estime qu’il ne peut s’agir, dans les circonstances, d’une fouille, puisque l’appartement de l’appelant était accessible à quiconque voulait se procurer de la drogue et que l’appelant avait, au moins implicitement, renoncé à une attente raisonnable en matière de protection de vie privée. Comme l’objet de la visite de l’agent double visait strictement l’achat de stupéfiants avec le consentement de l’appelant, on ne peut pas dire qu’elle équivalait à une fouille ou perquisition, et encore moins à une fouille ou perquisition abusive allant à l’encontre de l’article 8 de la Charte.[30]

[soulignements ajoutés]

[31] En résumé, lors d’une discussion engagée entre un agent d’infiltration et l’occupant d’une résidence, l’information ne peut être obtenue que si l’occupant consent à parler. De ce fait, l’agent qui frappe à la porte d’une résidence avec l’intention d’interroger l’occupant à des fins d’enquête légitime n’outrepasse pas les balises de l’invitation implicite; l’obtention des informations est alors tributaire de la coopération de l’occupant. Le facteur du « consentement » est clé dans cette interprétation : l’information incriminante ne peut être recueillie que si l’occupant consent à la révéler.

[32] Cette revue de la jurisprudence suffit pour démontrer que le juge n’a commis aucune erreur. C’est à bon droit qu’il a affirmé que « [l]es motifs obtenus […] par le biais d’une simple conversation, même suite à ce qui est appelé “investigative questioning”, ne constituent pas pour autant une fouille ».

[33] L’opération cadrait avec l’invitation implicite décrite dans l’arrêt Evans. Elle a été mise en branle pour poursuivre une enquête légitime. Comme le reconnaît le juge d’instance, « l’agent d’infiltration espérait que l’accusé, suite à la conversation, donne des informations ou adopte un comportement qui lui permette d’obtenir des éléments qui puissent transformer les soupçons en motifs raisonnables de croire qu’il se trouvait dans cette résidence des stupéfiants ». Il ne s’agit pas ici d’une enquête criminelle hypothétique ou d’une « partie de pêche » : les policiers étaient en possession d’informations permettant de faire un lien entre les occupants de la résidence et une conduite criminelle soupçonnée. En frappant à la porte de la résidence, l’agent d’infiltration a respecté la renonciation implicite au droit à la vie privée de l’occupant. Il n’a jamais agi comme intrus sur la propriété privée de ce dernier. Dans ces circonstances, la méthode d’enquête utilisée par le corps policier ne peut être assimilée à une fouille du domicile.

Lorsqu’un agent de l’État se présente au domicile d’un justiciable vêtu en civil et qu’il omet de révéler son statut de policier, l’occupant de la résidence peut difficilement prétendre que les éléments incriminants qu’il révèle de son plein gré lors d’une discussion consentante ont été obtenus par une fouille ou encore, qu’il s’est senti « obligé » de répondre à son interlocuteur.

[34] Dans un même ordre d’idée, l’appelant a tort de prétendre que la communication en elle-même doit être assimilée à une fouille. Une question n’est pas une fouille et une réponse n’est pas une saisie. À l’appui de sa prétention, l’appelant cite les arrêts Mellenthin[31], Young[32] Simpson[33] et Bennett[34]. Les propos tenus dans ces arrêts doivent être mis en contexte. Dans les quatre cas, l’accusé était détenu par les agents de l’État. C’est donc dans ces circonstances bien particulières que les tribunaux ont conclu que certaines questions constituaient une fouille. À cet effet, les propos du juge Cory dans l’arrêt Mellethin sont particulièrement clairs :

L’appelant a incontestablement été détenu et on pouvait donc raisonnablement s’attendre à ce qu’il se sente obligé de répondre aux questions de la police.

[…]

On a vu que le contrôle routier a entraîné la détention de l’appelant. La détention arbitraire a été imposée dès qu’il a rangé son véhicule sur le côté de la route. En raison de cette détention, on peut raisonnablement déduire que l’appelant s’est senti obligé de répondre aux questions de l’agent de police. Dans ces circonstances, il appartient au ministère public de prouver que la personne détenue a effectivement donné un consentement éclairé à la fouille tout en connaissant son droit de refuser de répondre aux questions ou de consentir à la fouille. En l’espèce, il n’y a aucune preuve en ce sens. À mon avis, le juge du procès a eu raison de conclure que l’appelant s’est senti obligé de répondre aux questions de la police. Dans les circonstances, on ne saurait dire que la fouille était consensuelle.

Les questions de la police sur le sac de sport de l’appelant et la fouille de son sac et de son véhicule étaient tous des éléments d’une fouille. De plus, cette fouille a été effectuée sans la justification requise des motifs raisonnables et probables. Elle était donc abusive et contraire à l’art. 8 de la Charte.[35].

[soulignements ajoutés]

[35] Vu le caractère contraignant de la détention, la discussion entre un justiciable et un agent de l’État doit nécessairement être analysée différemment dans un tel contexte. La conversation téléphonique qui a eu lieu entre l’appelant et l’agent d’infiltration ne peut, en elle-même, être qualifiée de fouille. Lorsqu’un agent de l’État se présente au domicile d’un justiciable vêtu en civil et qu’il omet de révéler son statut de policier, l’occupant de la résidence peut difficilement prétendre que les éléments incriminants qu’il révèle de son plein gré lors d’une discussion consentante ont été obtenus par une fouille ou encore, qu’il s’est senti « obligé » de répondre à son interlocuteur. Dans ces circonstances bien particulières, les déclarations faites par l’occupant ne risquent pas d’être obtenues sous contrainte. Leur caractère libre et volontaire est nécessairement moins préoccupant. La Cour suprême souligne d’ailleurs qu’il n’existe aucune expectative raisonnable de vie privée lors d’un entretien en personne avec un agent d’infiltration.[36]

[36] Il est vrai que le présent dossier se trouve à la limite des principes énoncés dans l’arrêt Evans. Même si l’agent d’infiltration n’avait pas l’intention expresse de recueillir des éléments de preuve concrets, il est d’une évidence qu’il s’est présenté à la résidence dans le but, ou du moins l’espoir, d’obtenir par voie de communication orale des motifs raisonnables de croire que le trafic de stupéfiants se faisait à partir de la résidence. Cela dit, l’expectative de vie privée de l’interlocuteur n’est pas accrue du simple fait que la conversation, et plus particulièrement les paroles « je suis venu chercher le stock », sont prononcées à la porte d’une résidence privée. L’interaction entre l’agent d’infiltration et l’occupant aurait très bien pu se dérouler dans un autre lieu, comme une rue ou un commerce, sans que cela ait d’incidence sur le résultat de l’opération d’infiltration. En définitive, la cueillette d’information dépendait uniquement du bon vouloir de l’occupant. Il était libre de la révéler ou non.