R. c. Lussier Speck, 2023 QCCA 129

C’est la demande du détenu qui déclenche l’obligation des policiers de lui donner une occasion raisonnable de ce faire.

[8] Le juge invoque notamment les arrêts Freddi c. R., 2021 QCCA 249 et R. c. Tremblay, 2021 QCCA 24, pour soutenir sa conclusion. Là où le bât blesse, c’est que, dans ces deux arrêts, le détenu avait demandé à communiquer avec un avocat dès son arrestation. Ce n’est pas le cas dans le présent dossier. Au contraire, selon la preuve, l’intimé a attendu l’arrivée au poste pour formuler sa demande. On ne peut donc pas reprocher aux policiers de ne pas avoir facilité l’accès à un avocat avant ce moment, de sorte que le droit à l’avocat n’a pas été enfreint.

[9] Comme l’explique la juge Abella dans R. c. Taylor, 2014 CSC 50, [2014] 2 R.C.S. 495, au paragr. 24, si l’obligation d’informer le détenu de son droit à l’avocat prend naissance dès l’arrestation, « celle de faciliter l’accès à un avocat prend pour sa part naissance immédiatement après que le détenu a demandé à parler à un avocat ». C’est donc la demande du détenu qui déclenche l’obligation des policiers de lui donner une occasion raisonnable de ce faire. Dans le même sens, la juge Hogue écrit, dans R. c. Brunelle, 2021 QCCA 1317, paragr. 76, que le policier n’a pas à prendre de mesures particulières avant que le détenu « ne manifeste le désir » de se prévaloir de son droit.

Le policier n’a pas l’obligation de vérifier si le détenu entend se prévaloir de ce droit.

[10] Le policier n’a pas l’obligation de vérifier si le détenu entend se prévaloir de ce droit : R. c. Baig, 1987 CanLII 40 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 537; R. v. Knoblauch, 2018 SKCA 15, paragr. 40.

[11] Dans R. c. Hennie, 2019 QCCS 5169, paragr. 89, le juge Pennou écrit, à juste titre :

[89] Police officers have no duty, under s. 10(b), to ascertain whether or not a detainee wishes to invoke his right to counsel.

[Référence omise]

[12] Le juge a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte des circonstances de l’affaire, soit que l’intimé n’avait pas demandé de communiquer avec un avocat. Or, il devait considérer toutes les circonstances du dossier, comme le rappelle le juge Hamilton dans Drolet c. R., 2021 QCCA 1421 :

[39] L’appréciation de la possibilité raisonnable donnée par les policiers à l’appelant d’exercer son droit à l’assistance d’un avocat et de sa diligence raisonnable dépend du contexte propre à l’affaire. Elle nécessite du juge qu’il tienne compte de l’ensemble des circonstances et qu’il les apprécie globalement. Ces circonstances comprennent non seulement le comportement des policiers, mais aussi celui de l’appelant. Dans cette analyse qui lui revient, le juge des faits se doit d’appliquer ce principe directeur, à défaut de commettre une erreur de droit.

[Références omises]

C’était à l’accusé de démontrer qu’il avait fait sa demande et que les policiers avaient omis d’y répondre adéquatement.

[13] C’était à l’accusé de démontrer qu’il avait fait sa demande et que les policiers avaient omis d’y répondre adéquatement : R. c. Baig, 1987 CanLII 40 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 537, p. 540. Or, l’intimé ne l’a pas établi.

[14] C’est donc sur une base purement théorique que le juge rend sa décision.

[15] Bref, le juge a rendu une décision sans se fonder sur l’ensemble de la preuve, ce qui constitue une erreur de droit, et a en conséquence erronément exclu la preuve et acquitté l’intimé. Vu ses conclusions de fait et de droit, notamment aux paragr. 47 à 61 de son jugement, il y a lieu d’accueillir l’appel et de déclarer l’intimé coupable, sauf en ce qui a trait au chef de possession de cocaïne en vue d’en faire le trafic, aucune preuve n’ayant été déposée sur la nature de la substance.