R. c. Collin, 2019 QCCA 887

Jugement confirmé : R. c. Collin, 2019 CSC 64 

La norme du lien de causalité exige que la conduite de l’intimé ait contribué de façon appréciable aux lésions corporelles de la victime, rien de plus, ce qui n’est pas un critère très élevé

[8] La détermination du lien de causalité est une question de fait : R. c. Nette, 2001 CSC 78 (CanLII), [2001] 3 R.C.S. 488, par. 72. Cependant, le juge se méprend, à deux reprises, sur principe juridique qui doit guider la détermination du lien causal, ce qui constitue une question de droit : R. c. J.M.H., 2011 CSC 45 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 197, par. 29-30. Par ailleurs, il est également possible d’affirmer ici que l’effet juridique des faits prouvés et acceptés par le juge soulève une question de droit : R. c. J.M.H., [2011] 3 R.C.S. 197, par. 28.

[9] Dans l’arrêt Sarazin, le juge Healy rappelle que la norme du lien de causalité exige que la conduite de l’intimé ait contribué de façon appréciable aux lésions corporelles de la victime, rien de plus, ce qui n’est pas un critère très élevé : R. c. Sarazin, 2018 QCCA 1065 (CanLII), par. 21; R. c. Maybin, 2012 CSC 24 (CanLII), [2012] 2 R.C.S. 30; R. c. Nette, 2001 CSC 78 (CanLII), [2001] 3 R.C.S. 488. La cause qui « contribue de façon appréciable » est l’équivalent, selon la Cour suprême, de celle « ayant contribué de façon plus que mineure » : R. c. Nette, [2001] 3 R.C.S. 488, par. 72.

[10] Le lien causal recherché n’est pas physique ou mécanique, mais lié à la culpabilité morale du délinquant, ce qui n’est pas un exercice machinal ou mathématique. Il faut se demander si un accusé doit être tenu responsable en droit des conséquences de son geste, ici des lésions corporelles, afin de ne pas punir des personnes moralement innocentes : R. c. Nette, 2001 CSC 78 (CanLII), [2001] 3 R.C.S. 488, par. 83; R. c. Maybin, 2012 CSC 24 (CanLII), [2012] 2 R.C.S. 30, par. 16; R. c. K.L., 2009 ONCA 141 (CanLII); R. c. Romano, 2017 ONCA 837 (CanLII).

[11] La question n’était donc pas de savoir si la conduite dangereuse de l’intimé était la cause, comme l’écrit le juge. Il devait déterminer si cette dernière avait contribué de façon appréciable aux lésions corporelles.

[12] Plus particulièrement, dans les circonstances, la responsabilité criminelle n’est pas niée parce que l’intimé a eu l’impression que le « gaz a collé », un phénomène inexpliqué qui survient, comme en témoigne l’intimé, alors qu’il circule à une vitesse se situant entre 85 et 100 km/h au moment où il entre dans la courbe où la vitesse prescrite est de 35 km/h (E.A. pp. 484-516). Un fait qui survient et complique une conduite déjà criminelle ne peut manifestement pas réussir, dans les circonstances, à nier la contribution appréciable (ou « plus que mineure ») de cette même conduite aux lésions corporelles causées à la victime.

[13] Selon la norme stricte connue, l’appelante a raison de dire qu’il est raisonnable de penser, compte tenu des faits retenus par le premier juge, que ses erreurs ont eu une incidence significative sur le verdict d’acquittement : R. c. George, 2017 CSC 38 (CanLII), [2017] 1 R.C.S. 1021, par. 27; R. c. Graveline, 2006 CSC 16 (CanLII), [2006] 1 R.C.S. 609, par. 14; R. c. Barros, 2011 CSC 51 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 368, par. 79, 106.

[14] Cela dit, en application du sous-alinéa 686(4)b)ii) C.cr., il faut maintenant décider s’il est préférable d’inscrire un verdict de culpabilité ou d’ordonner un nouveau procès. Pour inscrire un verdict de culpabilité, comme le rappelle la Cour dans l’arrêt Veillette, il faut déterminer que « les conclusions de fait actuellement retenues par le juge de procès, hors de tout doute raisonnable, sont elles-mêmes suffisantes pour déclarer l’intimé coupable. » : R. c. Veillette, 2018 QCCA 419 (CanLII), par. 16-17.

[15] Tenant compte de toutes les circonstances, l’effet juridique des faits prouvés et acceptés par le juge est d’établir inéluctablement le lien causal juridique et moral entre la conduite dangereuse et les lésions corporelles.

[16] Il y a donc lieu d’accueillir l’appel, de substituer un verdict de culpabilité au second chef d’accusation tel qu’initialement porté et de renvoyer le dossier à la Cour du Québec pour la détermination de la peine.