L’absolution n’est pas une sentence d’exception; elle peut être ordonnée même pour un crime grave, dès lors que les conditions inhérentes à son ouverture sont réunies.
Comme le veut l’adage, on ne punit pas un crime, mais un individu.
Ainsi, la gravité objective de l’infraction ne constitue pas un obstacle de principe au prononcé d’une absolution.
[28] La mise en balance de l’intérêt véritable de l’accusé et de l’intérêt public est un exercice délicat[23]. Le juge d’instance jouit d’une discrétion importante[24]. À cet égard, l’absolution n’est pas une sentence d’exception; elle peut être ordonnée même pour un crime grave, dès lors que les conditions inhérentes à son ouverture sont réunies[25]. Ainsi, la gravité objective de l’infraction ne constitue pas un obstacle de principe au prononcé d’une absolution. C’est ce que rappelle notre Cour, sous la plume du juge Vauclair, dans Harbour c. R.[26] :
[92] [L’absolution] est même possible lorsque le crime peut être qualifié de « fléau ». Je reprends volontiers les propos du juge Rothman dans l’arrêt R. c. Moreau, c’est-à-dire que même en présence d’un crime à forte prévalence dans la communauté, la dissuasion générale n’est qu’un facteur et chaque cas doit être évalué à son mérite : R. c. Moreau, 1992 CanLII 3313; contra R. c. Foianesi, 2011 MBCS 33.
[93] Autrement, les tribunaux créeraient des exclusions là où le législateur n’en prévoit pas tout en créant un danger réel que la peine devienne une réponse au crime uniquement plutôt qu’une peine juste et proportionnelle au crime et au délinquant.
[Renvoi omis; soulignements ajoutés]
[29] Le critère de l’intérêt public commande par ailleurs une prise en compte de la gravité de l’infraction à la lumière des circonstances de l’affaire et, ultimement, un questionnement portant sur la confiance du public dans le système judiciaire si l’accusé devait être absous[27].
Aucune base légale n’exige quelque accord que ce soit entre les parties pour que le tribunal ordonne au contrevenant de faire une donation.
[33] L’appelant rappelle que le juge a erré en qualifiant de « marchandage avec la justice » sa proposition de faire un don de 3 000 $, cette proposition visant l’un des objectifs pénologiques prévus par le législateur, soit la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité en vertu de l’art. 718(e) C.cr. Il a raison.
[34] Contrairement à ce que laisse entendre le juge, aucune base légale n’exige quelque accord que ce soit entre les parties pour que le tribunal ordonne au contrevenant de faire une donation. Certes, le juge possède une large discrétion et on peut très bien imaginer dans un cas donné, impliquant un accusé fortuné, que l’offre de ce dernier puisse constituer une façon de monnayer sa peine, sans véritable lien avec l’objectif de réparer les torts causés aux victimes, mais, ce n’était pas du tout la situation que le juge avait devant lui. Le contexte qu’expose l’avocat de l’appelant au juge est plutôt le suivant :
Il a mis de l’argent de côté aussi durant cette pandémie et il est prêt à faire un don de trois mille dollars (3000 $), là, (inaudible). Mais, évidemment, ça pourrait être fait aussi lorsque vous serez prêt à rendre votre décision, si vous l’accordez, puisqu’il faut aller en bas au greffe avec une autorisation de la Cour pour pouvoir déposer l’argent. Évidemment, on ne présume aucunement de la décision qui sera rendue. Mais dans le contexte… ça s’inscrit, ceci, dans le contexte de la réparation du tort causé aux victimes, qui est prévue d’ailleurs à l’article 718.1.
[35] Le juge a donc erré en droit en excluant d’emblée l’option d’ordonner à l’appelant d’effectuer une donation au motif que cette offre n’était pas le fruit d’une entente avec la poursuite. Cette décision va à l’encontre du droit applicable, lequel ne requiert pas qu’une telle offre résulte d’une recommandation commune.
[36] Cette erreur de droit constitue-t-elle une erreur de principe ayant eu une incidence sur la détermination de la peine? Conformément au paragraphe 718.2d) C.cr., le juge aurait dû considérer la possibilité d’accepter l’offre de l’appelant avant d’ordonner l’emprisonnement de celui-ci puisque l’absolution assortie d’une ordonnance comportant une donation constitue une peine moins privative de liberté que l’emprisonnement. Cette erreur de droit commise par le premier juge l’a empêché de considérer adéquatement la situation de l’appelant. En outre, le fait d’ordonner à un contrevenant d’effectuer une donation s’accorde avec les objectifs de dissuasion et de dénonciation. Dans la mesure où le juge d’instance a accordé une grande importance à ces objectifs, la possibilité d’imposer une donation aurait dû, à tout le moins, retenir son attention.
Le profil du candidat à l’absolution est habituellement celui d’une personne bien intégrée dans sa communauté, qui n’a pas besoin de services de réhabilitation particuliers et dont la punition pourrait nuire à l’objectif de réinsertion sociale tel qu’affirmé par le législateur à l’article 718 d) C.cr.
[46] De l’avis de la Cour, l’absolution inconditionnelle de l’appelant n’est pas contraire à l’intérêt public. Elle satisfait les objectifs pénologiques pertinents et constitue une peine juste compte tenu du profil de ce dernier.
[47] Il y a lieu tout d’abord de retenir sa bonne moralité et son absence d’antécédents judiciaires, ses remords sincères[38], son faible risque de récidive et l’effet dissuasif que le processus judiciaire a eu sur lui[39].
[48] En outre, la participation active de l’appelant à la vie en société et son encadrement familial doivent également être considérés. Tel que l’affirment les auteurs Parent et Desrosiers, « [l]e profil du candidat à l’absolution est […] habituellement celui d’une personne bien intégrée dans sa communauté, qui n’a pas besoin de services de réhabilitation particuliers et dont la punition pourrait nuire à l’objectif de réinsertion sociale tel qu’affirmé par le législateur à l’article 718 d) C.cr. »[40]. Cette description correspond en tout point au profil de l’appelant. Tant celui-ci que la société ont avantage à ce qu’il demeure en liberté. Il ne s’agit pas d’un individu dangereux, il a respecté toutes les conditions qui lui ont été imposées depuis les événements qui ont eu lieu en 2015.
[49] Bien que les actes aient été perpétrés à l’aide d’une arme blanche, il s’agit d’actes isolés. Les victimes n’ont vécu de plus aucune complication et elles ont pu continuer à travailler après les événements. Le rapport présentenciel, très favorable à l’appelant, établit de façon convaincante qu’il a été et continue d’être un atout pour la société. Depuis la perpétration des infractions, sa situation s’est même améliorée. Il occupe présentement un emploi stabledont le salaire lui permet de faire vivre sa mère.
[50] De plus, à la suite de son plaidoyer de culpabilité, il a effectué des travaux communautaires. Combinés à son offre de donation, à son expression de remords sincères et à son jeune âge au moment de la perpétration des infractions, ces éléments suggèrent qu’une peine d’emprisonnement aurait un effet dévastateur sur sa personne et son avenir, un effet disproportionné contraire au principe établi à l’article 718.1 C.cr.
[51] Comme le veut l’adage, on ne punit pas un crime, mais un individu. Or, à y regarder de près, le juge a malheureusement fait le contraire.