Les conclusions sur la crédibilité que rend un juge du procès commandent une déférence particulière.
[61] L’appelant ratisse très large et, comme le relève avec justesse la poursuite, plusieurs de ses arguments nous invitent à emprunter un chemin bien normé qui s’oppose à ce que nous substituions notre interprétation à celle du juge d’instance. Le défi de l’appelant est donc considérable et, comme le rappelait récemment la Cour suprême dans l’arrêt G.F., une cour d’appel n’intervient pas à la légère en ces matières.
[62] En effet, « les conclusions sur la crédibilité que rend un juge du procès commandent une déférence particulière »[32]. Cette déférence se justifie en raison de plusieurs facteurs :
1) l’avantage intangible du juge d’avoir présidé le procès[33];
2) les conclusions sur la crédibilité doivent être évaluées en fonction de la présomption d’application correcte du droit, surtout en ce qui concerne le rapport entre fiabilité et crédibilité[34];
3) lorsque des ambiguïtés dans les motifs du juge du procès se prêtent à de multiples interprétations, celles qui sont compatibles avec la présomption d’application correcte doivent être préférées à celles qui laissent entrevoir une erreur[35];
4) le simple fait de souligner les aspects ambigus d’une décision de première instance et de prétendre que le juge du procès a peut‑être commis une erreur ne permet pas d’établir qu’il y a effectivement erreur ou entrave à l’examen en appel[36].
Tous les accusés doivent bénéficier de garanties procédurales suffisantes contre les déclarations de culpabilité injustifiées ou autres erreurs judiciaires
[63] Ainsi, une cour d’appel ne doit pas passer « au peigne fin le texte des motifs de première instance à la recherche d’une erreur »[37], cela va de soi. De plus, « [l]es lacunes dans l’analyse de la crédibilité effectuée par le juge du procès, tel qu’il l’expose dans ses motifs, ne justifieront que rarement l’intervention de la cour d’appel »[38], mais « le défaut d’expliquer adéquatement comment il a résolu les questions de crédibilité peut constituer une erreur justifiant l’annulation de la décision »[39], car « l’accusé est en droit de savoir « pourquoi le juge du procès écarte le doute raisonnable » »[40].
[64] Cela dit, comme le note le juge en chef Wagner dans l’arrêt C.P.rendu une semaine avant l’arrêt G.F., il existe « un principe de justice fondamentale bien établi voulant qu’en matière criminelle, tous les accusés doivent bénéficier de garanties procédurales suffisantes contre les déclarations de culpabilité injustifiées ou autres erreurs judiciaires »[41], principe consacré par la possibilité pour l’accusé de se pourvoir contre un verdict de culpabilité devant une cour d’appel.
[65] La juge Abella souscrit à cet énoncé de principe, même si elle exprime un avis divergent sur la question constitutionnelle faisant l’objet du pourvoi, lorsqu’elle note que la « possibilité de revoir les condamnations au criminel […] « fait partie intégrante de notre système de droit criminel depuis au moins l’adoption du Code criminel » en 1892 […] Les appels […] « font partie intégrante du système de justice pénale canadien », et ils « offrent une protection contre les déclarations de culpabilité erronées et rehaussent le caractère équitable du processus » […] »[42].
[66] Par voie de conséquence, le rôle crucial d’une cour d’appel et son devoir impératif visent à s’assurer que les déclarations de culpabilité ne sont pas erronées ou injustifiées. Il vaut de dire qu’une portion minuscule de dossiers criminels font l’objet d’un pourvoi en appel et que les cours d’appel ordonnent parcimonieusement la tenue de nouveaux procès. Il s’agit néanmoins d’une obligation incontournable lorsqu’une erreur est établie à l’aune de la norme d’intervention applicable.
La présomption d’application correcte du droit : un juge qui connaît le droit peut néanmoins commettre des erreurs dans une affaire donnée.
[67] Quelques précisions au sujet de l’application de la présomption d’application correcte du droit en vertu de laquelle le juge est censé connaître le droit[43].
[68] Il faut comprendre et soigneusement circonscrire la portée de ce principe formulé initialement dans l’arrêt Burns[44]. La lecture des observations du juge Binnie dans l’arrêt Sheppard, qui répond aux critiques formulées par certains auteurs, permet de bien en saisir l’étendue :
[54] D’autres observateurs critiquent le fondement des présentes règles, notamment la présomption selon laquelle « les juges [. . .] sont censés connaître le droit qu’ils appliquent tous les jours » (Burns, précité, p. 664). Dans « Testing the Presumption That Trial Judges Know the Law : The Case of W.(D.) » (2001), 43 C.R. (5th) 298, D. M. Tanovich fait une recension de certaines décisions publiées. À mon avis, ces critiques ne tiennent pas suffisamment compte des distinctions entre les présomptions de droit (comme en l’espèce) et les présomptions de fait. En l’occurrence, la présomption exprime simplement le fardeau qui incombe à l’appelante de prouver que la décision de première instance comporte des erreurs ou d’établir une entrave à l’examen en appel de la justesse de cette décision. Cette présomption est tout à fait compatible avec le déroulement normal du processus contradictoire en appel. On ne vise rien de plus. L’appelante n’est pas tenue de « réfuter » la présomption de compétence générale. Un juge qui connaît le droit peut néanmoins commettre des erreurs dans une affaire donnée.
[Le soulignement est ajouté]
[69] De plus, « la présomption selon laquelle les juges du procès sont censés connaître le droit qu’ils appliquent tous les jours n’écarte pas la nécessité qu’il ressorte des motifs que le droit a été appliqué correctement dans l’affaire en particulier »[45].
[70] L’arrêt Sheppard circonscrit clairement le critère applicable qu’il s’agisse de l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité des témoins ou de la motivation insuffisante : l’appelant doit démontrer « que la décision de première instance comporte des erreurs ou [établir] une entrave à l’examen en appel de la justesse de cette décision »[46].
[71] L’existence d’une telle erreur justifie l’intervention du tribunal d’appel lorsque l’erreur affecte de manière importante l’évaluation du juge. De plus, même si certaines erreurs s’avèrent insuffisantes en elles-mêmes, elles peuvent le devenir lorsqu’on les considère cumulativement.
La recherche de la vérité constitue le fondement de la justice criminelle bien que cette quête ne soit pas absolue. Ainsi, même si « les tribunaux ne possèdent pas de méthode infaillible pour découvrir la vérité ou encore de boule de cristal leur permettant par magie de recréer les événements », il appartient au juge d’établir les faits et, à cette fin, d’évaluer la crédibilité et la fiabilité de tous les témoignages.
[72] Un bref rappel des principes concernant l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité des témoins me semble opportun pour situer correctement les moyens d’appel que soulève l’appelant.
[73] La recherche de la vérité constitue le fondement de la justice criminelle[47] bien que cette quête ne soit pas absolue[48]. Ainsi, même si « les tribunaux ne possèdent pas de méthode infaillible pour découvrir la vérité ou encore de boule de cristal leur permettant par magie de recréer les événements »[49], il appartient au juge d’établir les faits et, à cette fin, d’évaluer la crédibilité et la fiabilité de tous les témoignages[50]. C’est « la tâche difficile [du juge] de séparer l’ivraie du bon grain, de scruter les reins et les cœurs pour tenter de découvrir la vérité »[51].
Il n’existe à l’égard des témoins (témoin ordinaire, policier, expert, plaignante ou accusé) aucune présomption de crédibilité, de sincérité, d’honnêteté, de fiabilité ou de véracité.
[74] Un juge ou un jury peut « croire une partie ou la totalité des témoignages, notamment celui de l’accusé, ou n’en rien croire »[52]. Il n’existe à l’égard des témoins (témoin ordinaire, policier, expert, plaignante ou accusé) aucune présomption de crédibilité, de sincérité, d’honnêteté, de fiabilité ou de véracité[53].
[75] En raison de la présomption d’innocence, l’accusé doit être acquitté si son témoignage est cru, si celui-ci soulève un doute raisonnable ou s’il existe un doute raisonnable à la lumière de l’ensemble de la preuve.
Plusieurs facteurs pertinents à l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité des témoins peuvent être dégagés de la jurisprudence.
[77] Plusieurs facteurs pertinents à l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité des témoins peuvent être dégagés de la jurisprudence[55] et de la doctrine[56] : 1) l’intégrité générale et l’intelligence du témoin; 2) sa capacité d’observation; 3) sa capacité de communiquer; 4) la fidélité de la mémoire; 4) l’exactitude de sa déposition; 5) sa volonté de dire la vérité de bonne foi; 6) sa sincérité, sa franchise, ses préjugés; 7) l’intérêt du témoin; 8) le caractère évasif ou les réticences de son témoignage; 9)le comportement du témoin avec la prudence requise; 10) la compatibilité du témoignage avec l’ensemble de la preuve, y compris la preuve confirmative; 11) l’existence de contradictions avec les autres témoignages et les éléments de preuve; 12) la plausibilité du témoignage; 13) la cohérence intrinsèque du témoignage.
[78] Bien évidemment, ces facteurs ne sont pas exhaustifs.
L’absence d’embellissement ne fortifie pas la crédibilité d’une plaignante.
[92] Finalement, dans l’arrêt Gerrard, la Cour suprême approuve le principe selon lequel l’absence d’embellissement ne fortifie pas la crédibilité d’une plaignante. Je signale que le juge d’instance n’avait pas le bénéfice de cet arrêt rendu plus de deux ans après sa décision.
[93] Voici comment s’exprime le juge Moldaver :
L’absence d’amplification peut elle aussi être pertinente dans l’appréciation de la crédibilité d’un plaignant et elle se soulève souvent par suite de suggestions portant que le plaignant a des raisons de mentir. Cependant, contrairement à l’absence de preuve d’une raison de mentir ou à l’existence de preuve réfutant une raison particulière de mentir, l’absence d’amplification n’est pas un indice qu’un témoin est davantage susceptible de dire la vérité, car tant une déposition véridique qu’une déposition malhonnête peut ne contenir aucune exagération ou amplification. L’absence d’amplification ne peut pas être invoquée pour renforcer la crédibilité du plaignant — elle a tout simplement pour effet de ne pas nuire à la crédibilité. Elle peut toutefois constituer un facteur à prendre en considération dans l’examen de la question de savoir si un témoin avait ou non une raison de mentir.
[Le soulignement est ajouté]
Il est parfois possible d’isoler une erreur et de conclure qu’elle n’a pas d’incidence sur le raisonnement. Néanmoins, ce sera toutefois rarement le cas en matière d’analyse de la crédibilité, surtout en présence de plusieurs erreurs touchant tous les aspects du raisonnement du juge jusqu’à sa conclusion.
[96] Finalement, comme le remarque le juge Vauclair dans l’arrêt Lessard : « il est parfois possible d’isoler une erreur et de conclure qu’elle n’a pas d’incidence sur le raisonnement »[67]. Néanmoins, il ajoute que « [c]e sera toutefois rarement le cas en matière d’analyse de la crédibilité », surtout en « présence de plusieurs erreurs touchant tous les aspects du raisonnement du juge jusqu’à sa conclusion »[68].
[97] Même si le juge d’instance formule d’autres raisons qui fondent le fait qu’il croit les plaignantes et rejette le témoignage de l’appelant, j’estime que la prise en compte de l’absence d’embellissement comme vecteur de crédibilité exige la tenue d’un nouveau procès. Cette conclusion s’avère d’autant plus justifiée à la lumière des autres erreurs comme nous le verrons plus loin.
La dénégation d’un accusé est compatible avec la présomption d’innocence et que le fait de la rejeter en raison de son caractère intéressé sape cette présomption. Le déni de l’accusé ne peut être transformé en un motif de ne pas le croire, car cela reviendrait à lui imposer un fardeau de preuve injustifié.
Cela ne suggère pas qu’un juge ne peut rejeter la dénégation générale d’un accusé, mais le postulat de départ de l’analyse de celle-ci ne peut s’appuyer sur un raisonnement qui la tient d’emblée pour suspicieuse au premier abord.
[101] L’étonnement du juge, ponctué par un point d’exclamation, se comprend difficilement. Certes, il formule sa conclusion à la lumière de tous les témoignages entendus, mais si les gestes qui sont reprochés à l’appelant n’ont pas eu lieu, l’appelant ne pouvait que les nier. Comment pourrait-il en être autrement?
[102] En effet, comme l’observe le juge Beauregard dans l’arrêt Prud’homme : « Que peut faire une personne innocente accusée d’un fait qui n’a pas existé et qui, suivant la victime présumée, aurait eu lieu en l’absence de témoins? »[69].
[103] À cet égard, dans l’arrêt Titong[70], la Cour d’appel de l’Alberta explique que la dénégation d’un accusé est compatible avec la présomption d’innocence et que le fait de la rejeter en raison de son caractère intéressé sape cette présomption. Le déni de l’accusé ne peut être transformé en un motif de ne pas le croire, car cela reviendrait à lui imposer un fardeau de preuve injustifié :
[9] Characterizing an accused’s evidence as “self-serving” does not necessarily disclose an error of law, where, for example, use of the descriptor is contextualized with an articulation of why the accused’s evidence is self-serving or why, overall, the accused is found not to be credible: R v SMC, 2020 ABCA 19. However, a simple denial is consistent with the presumption of innocence and to reject it as self-serving, without more, would undermine that presumption and the concerns underpinning the seminal decision of R v W(D), 1991 CanLII 93 (CSC), [1991] 1 SCR 742. One may rhetorically ask what more could an innocent person say in such circumstances. As noted by this court in R v CEK, 2020 ABCA 2 at para 24, a mere denial cannot be turned into a reason to disbelieve the accused. To do so would also place an unwarranted burden of proof on the appellant: R v Huot, 2016 ABCA 339, at para 12.
[Les soulignements sont ajoutés]
[104] Bien évidemment, je tiens à le préciser, cela ne suggère pas qu’un juge ne peut rejeter la dénégation générale d’un accusé, mais le postulat de départ de l’analyse de celle-ci ne peut s’appuyer, comme en l’espèce, sur un raisonnement qui la tient d’emblée pour suspicieuse au premier abord[71]. Ainsi, la dénégation générale par un accusé des faits relatifs à une accusation peut certes être rejetée en tout ou en partie, mais son évaluation ne peut s’amorcer à l’aune de l’incrédulité.
[105] Le fait de rejeter une dénégation générale ou de qualifier le témoignage d’un accusé comme étant intéressé ne révèle pas nécessairement une erreur de droit si la qualification est mise en contexte en énonçant les raisons pour lesquelles le témoignage de l’accusé est intéressé ou encore les raisons pour lesquelles, dans l’ensemble, l’accusé est jugé non crédible[72]. Le juge doit donc expliquer le rejet de la dénégation dans le contexte du dossier, car il ne suffit pas de formuler sa conclusion sans en fournir les motifs[73].
[106] Bien que je convienne que les observations du juge ne s’avèrent que l’amorce de sa réflexion sur la crédibilité et la fiabilité du témoignage de l’appelant, celles-ci enclenchent l’analyse sur des prémisses manifestement erronées qui la faussent et minent, en conséquence, le verdict rendu[74]. Cette erreur a eu une incidence importante sur la déclaration de culpabilité de l’appelant. En effet, comme on le sait, « les raisons invoquées par le juge du procès au soutien de sa décision sont présumées refléter le raisonnement l’ayant conduit à cette décision »[75].
L’accent de vérité d’un témoignage ne constitue pas un gage de crédibilité ou de fiabilité en raison de la portée limitée d’une telle conclusion.
[122] La prudence doit toujours entourer l’analyse du comportement d’un témoin[84]. La culpabilité d’un accusé ne peut être déterminée en se fondant d’une manière indue sur l’impression que laisse l’apparente sincérité d’un témoin[85]. Comme le précise le juge Doyon dans l’arrêt L.L., « c’est plutôt comme point de départ à un examen plus approfondi en cours d’interrogatoire que le comportement du témoin devrait être pris en compte par le juge »[86]. La crédibilité d’un témoin ne peut se réduire à celui ou celle qui fait la meilleure impression[87].
[123] À cela s’ajoute le commentaire du juge selon lequel les témoignages des plaignantes sonnent vrais. Or, comme l’explique la juge van Rensburg de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Primmer[88], l’accent de vérité d’un témoignage ne constitue pas un gage de crédibilité ou de fiabilité en raison de la portée limitée d’une telle conclusion :
[56] The term “ring of truth” is not itself objectionable; the problem is that it adds nothing to the analysis. Saying that a witness’s evidence has the “ring of truth” is never sufficient to justify an assessment of credibility. It is simply a conclusion that the testimony sounds truthful. The important question is why this is so – which involves an examination of the various factors specific to the case that bear on the witness’s credibility and reliability.
[124] Dans la présente affaire, comme je l’ai expliqué précédemment, il appartenait au juge de démêler des éléments de preuve embrouillés et contradictoires, notamment quant à l’opportunité de commettre l’infraction, une situation où non seulement les motifs revêtent une importance particulière[89], mais qui exige que le raisonnement ne soit pas vicié par des considérations inappropriées ou erronées.
[125] Certes, l’accent de vérité d’un témoignage puise sa source dans « l’enchevêtrement complexe des impressions qui se dégagent de l’observation et de l’audition des témoins »[90], mais la perception qui découle d’un témoignage ne peut suffire[91].
[126] Ce facteur ne justifierait sans doute pas à lui seul la tenue d’un nouveau procès, mais l’appelant ne fait pas fausse route en soulignant que le juge s’appuie trop fortement sur la seule observation du comportement des plaignantes.
L’examen inégal de la crédibilité : il importe de mettre l’accent sur la question de savoir si les conclusions relatives à la crédibilité tirées par le juge du procès sont entachées d’une erreur susceptible de révision
[130] Je sais bien que la juge Karakatsanis exprime dans l’arrêt G.F. de « sérieuses réserves quant à savoir si un ‘’ examen inégal’’ est un outil d’analyse utile pour démontrer que les conclusions relatives à la crédibilité sont erronées »[92]. Je ne crois pas « que le témoignage de différents témoins mérite nécessairement une analyse parallèle ou symétrique »[93], car cet exercice est tributaire des faits de l’affaire.
[131] Il importe sans doute surtout, comme le suggère la juge Karakatsanis, de « mettre l’accent sur la question de savoir si les conclusions relatives à la crédibilité tirées par le juge du procès sont entachées d’une erreur susceptible de révision »[94].
[132] Je crois que c’est le cas dans ce dossier.
[133] Dans l’arrêt F.(J.), la juge Feldman de la Cour d’appel de l’Ontario traite de ce type d’asymétrie analytique au sujet de la mémoire des témoins de la poursuite et celle de l’accusé :
[98] The trial judge also specifically applied a much more stringent level of scrutiny to the evidence of the appellant than to that of the complainants. He gave B. H. credit for doing his best to remember specifics of the events that took place 10 to 101/2 years before. In fact, B. H. was very specific in his description of the shower incident. Yet the trial judge criticized the appellant for remembering the same incident with detail and attributed the memory to guilt or to lying. In particular, he found it hard to accept that the appellant recalled bringing shampoo to B. H. in the women’s shower room, yet this was the same evidence that B. H. gave. The trial judge did not advert to the appellant’s cross-examination where he said that he did not remember certain details, such as commenting about B. H.’s tan in April, but agreed that he might have, as B. H. recalled. In other words, it was B. H. who recalled many details, while the appellant did not, but the trial judge perceived the opposite and found it a reason to reject the appellant’s evidence.
[99] In R. v. Norman (1993), 1993 CanLII 3387 (ON CA), 87 C.C.C. (3d) 153 at 172-3, this court was faced with a similar approach by the trial judge, who discounted defence evidence or held the accused to a different standard of recall than the Crown witnesses. The court held that by so doing, the trial judge had effectively shifted the onus to the accused[95].
[134] Dans l’affaire F.(J.), les faits avaient eu lieu plusieurs années auparavant, mais le principe est applicable même si le délai est plus court. Le juge oppose la qualité de la mémoire des plaignantes et celle de l’appelant alors que le dossier ne démontre aucun facteur qui atteste la nécessité d’une pondération différente.
[135] Il ne s’agit pas uniquement d’une démonstration « qu’un autre juge du procès aurait pu faire une appréciation différente de la crédibilité »[96]. En effet, le dossier indique clairement que le juge « a appliqué différentes normes lors de l’appréciation des témoignages »[97].
Lorsque l’accusé témoigne en fondant sa défense sur la période alléguée dans la dénonciation, le moment de l’infraction pourra être jugé décisif et exiger une preuve hors de tout doute raisonnable.
[137] Un dernier moyen doit être considéré, car il se trouve au point central de la défense de l’appelant : l’impossibilité de commettre l’infraction au moment où celle-ci est alléguée avoir été commise.
[138] Le moment de la commission de l’infraction est rarement un élément essentiel que la poursuite doit établir hors de tout doute raisonnable[98].
[139] En revanche, comme l’illustre l’analyse du juge Healy dans l’arrêt Pomerleau, le moment de l’infraction est susceptible de devenir crucial, notamment en matière d’alibi, mais pas uniquement. L’analyse est particularisée à chaque cas d’espèce. Ainsi, lorsque l’accusé témoigne en fondant sa défense sur la période alléguée dans la dénonciation, le moment de l’infraction pourra être jugé décisif et exiger une preuve hors de tout doute raisonnable[99].
[140] Le dossier de l’appelant se rapproche d’une semblable situation, car la preuve administrée exigeait que le juge démêle une preuve contradictoire à ce titre.
…
[146] Bien entendu, l’opportunité exclusive de l’appelant de commettre les infractions durant la période où il était seul n’est pas un élément de preuve que la poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable, car c’est la culpabilité d’un accusé qui doit satisfaire à ce fardeau et non un élément individuel de preuve[101].
[147] Pourtant, en raison de la défense avancée par l’appelant, le juge ne pouvait rejeter le doute raisonnable en fonction de possibilités conjecturales sans démêler la preuve d’une manière précise à l’égard de la présence d’employés ou la durée des infractions.