Mise à jour du 5 avril 2022 : voir sur la question du doute raisonnable De Leto c. R., 2022 QCCA 413, at para 45.

Legault c. R., 2021 QCCA 1188

MISE EN GARDE

ORDONNANCE LIMITANT LA PUBLICATION – INFRACTIONS D’ORDRE SEXUEL

Il est interdit de publier ou diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime ou d’un témoin (article 486.4(1) C.cr.).

Rien dans l’enseignement de la Cour suprême et des tribunaux en général ne restreint l’utilisation d’une directive inspirée des arrêts R. c. W. (R.) et R. c. B. (G.) aux seuls cas où la déposition de la personne qui témoigne (c.-à-d. un enfant ou encore un adulte rapportant certains faits de son enfance) est entachée à l’interne d’incohérences ou de contradictions au sens strict du terme : la lecture des arrêts R. c. W. (R.) et R. c. B. (G.) montre qu’ils s’appliquent généralement aux failles du témoignage d’un enfant ou d’un adulte témoignant d’événements qui se seraient déroulés pendant son enfance, ce qui inclut la contradiction interne, mais aussi l’imprécision, l’erreur ou l’oubli, particulièrement sur « le moment et l’endroit ».

[15] L’affaire concernant précisément des faits survenus pendant l’enfance de X, âgée de 7 ans à l’époque, faits dont elle témoigne une fois devenue adulte, on voit mal pour quelle raison le juge aurait dû s’abstenir de donner au jury une directive inspirée des arrêts R. c. W. (R.)[6] et R. c. B. (G.)[7]. L’appelant, comme ce fut le cas en première instance, soutient pourtant qu’une telle directive était inappropriée en l’espèce puisque le témoignage de la plaignante ne comportait pas d’incohérences internes : c’est plutôt qu’il était contredit, sur divers points, par le témoignage même d’autres témoins de la poursuite (sans parler du témoignage de l’appelant lui-même). Par exemple, ni le père ni la belle-mère de X (qui ne s’entendent d’ailleurs pas entre eux à ce sujet) n’ont exactement le même souvenir qu’elle des mots prononcés au moment où elle se précipite dans leur chambre pour leur expliquer ce qui se serait passé; leurs souvenirs ne concordent pas non plus sur la présence d’un autre enfant lors de la fête qui s’était tenue dans la journée ou sur le fait que X ait joué « à tag » ou pas avec l’appelant durant cette même journée, et ainsi de suite. La directive du juge, selon l’appelant, aurait laissé aux jurés l’impression que le standard de preuve était moins élevé lorsque X témoignait de ses souvenirs d’enfance, ce qui n’est pas le cas.

[16] L’argument de l’appelant ne saurait convaincre.

[17] D’une part, on notera que le témoignage de X contient bel et bien, sinon des incohérences, du moins quelques imprécisions ou approximations ou même des trous de mémoire, notamment quant à la date ou au moment où se seraient produits les faits litigieux.

[18] D’autre part, rien dans l’enseignement de la Cour suprême et des tribunaux en général ne restreint l’utilisation d’une directive de ce genre aux seuls cas où la déposition de la personne qui témoigne (c.-à-d. un enfant ou encore un adulte rapportant certains faits de son enfance) est entachée à l’interne d’incohérences ou de contradictions au sens strict du terme : la lecture des arrêts R. c. W. (R.)[8] et R. c. B. (G.)[9] montre qu’ils s’appliquent généralement aux failles du témoignage d’un enfant ou d’un adulte témoignant d’événements qui se seraient déroulés pendant son enfance, ce qui inclut la contradiction interne, mais aussi l’imprécision, l’erreur ou l’oubli, particulièrement sur « le moment et l’endroit »[10]. La directive est nécessaire en pareil cas, tout comme lorsqu’il s’agit de contradictions à proprement parler, et la jurisprudence en comporte de nombreux exemples[11].

[19] Cependant, la même règle vaut aussi lorsque, sur ces faits connexes (comme, en l’espèce, la date précise des faits litigieux, pour ne prendre que cet exemple), le témoignage de l’enfant ou celui de l’adulte se remémorant les faits de son enfance sont contredits par celui d’autres témoins[12]. Comme on le sait, la mémoire des enfants ou leur perception des faits peuvent ne pas être celles des adultes qui les entourent, du moins sur certains éléments, de sorte que, devenus eux-mêmes adultes, leurs souvenirs de certains faits connexes seront souvent marqués par leur vision de l’époque. L’évaluation de la crédibilité de l’enfant comme de l’adulte témoignant des faits de son enfance doit tenir compte de cette réalité. La directive donnée en l’espèce par le juge n’excluait aucunement que soient pris en considération les écarts et contradictions entre le témoignage de X et celui des autres témoins, au contraire, mais rappelait simplement l’importance de tenir compte de cette perspective enfantine, sur des points connexes ou périphériques, et ce, aux fins d’apprécier sa fiabilité et sa crédibilité. Le juge a par ailleurs aussitôt rappelé que cette façon de faire ne réduisait en rien le fardeau du ministère public d’établir hors de tout doute raisonnable chacun des éléments constitutifs des infractions.

Une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu’elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités.

La formule suggérée par le juge Iacobucci enrichit utilement les explications qu’un juge doit donner au jury sur le doute raisonnable, concept des plus difficiles à définir.

[38] Le juge a-t-il suffisamment expliqué aux membres du jury que le doute raisonnable s’élève au-dessus de la vraisemblance, de la probabilité ou de la prépondérance? Sa directive risquait‑elle, comme le soutient l’appelant, de laisser le jury dans la confusion à ce sujet ou de l’induire en erreur quant au degré de la preuve hors de tout doute raisonnable? Aurait-elle dû inclure, comme l’appelant l’aurait souhaité, un prononcé semblable à celui que préconisait le juge Iacobucci dans l’arrêt Starr[31]?

[39] Dans Starr, rappelant d’abord les arrêts Lifchus[32] et Bisson[33] (et faisant accessoirement ressortir la difficulté de définir la notion de « doute raisonnable » de façon exacte et fonctionnelle[34]), le juge Iacobucci suggère que :

242      J’estime qu’une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu’elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités. Comme l’arrêt Lifchus l’a précisé, le juge du procès est tenu d’expliquer qu’il faut moins que la certitude absolue et plus que la culpabilité probable pour que le jury prononce une déclaration de culpabilité. Ces deux normes subsidiaires se comprennent assez facilement. Il sera très utile au jury que le juge du procès situe la norme du doute raisonnable de la bonne façon entre ces deux normes. Les directives supplémentaires au jury qui ont été énoncées dans Lifchus, quant au sens du doute raisonnable et à la façon d’en déterminer l’existence, servent à définir ce qui sépare la certitude absolue de la preuve hors de tout doute raisonnable. À cet égard, je suis d’accord avec le juge Twaddle de la Cour d’appel lorsqu’il dit, à la p. 177 :

[traduction] Si les normes de preuve étaient inscrites sur un étalon de mesure, la preuve « hors de tout doute raisonnable » se situerait beaucoup plus près de la « certitude absolue » que de la « prépondérance des probabilités ». De la même manière que le juge est tenu de dire au jury que la certitude absolue n’est pas requise, il lui incombe, à mon avis, de lui dire que la norme en matière criminelle est plus qu’une probabilité. Les mots qu’il utilise pour transmettre cette idée n’ont pas d’importance, mais l’idée elle‑même doit être transmise…

[40] La directive du juge, en l’espèce, ne comporte pas la formule proposée ci-dessus par le juge Iacobucci. Est-ce là une lacune fatale?

[41] À mon avis, ce n’est pas le cas et ce n’est pas parce que les mots de l’arrêt Starr ne se trouvent pas dans l’exposé du juge que le message nécessaire n’y a pas été donné.

[42] La directive du juge de première instance au sujet du doute raisonnable (concept intrinsèquement lié à la présomption d’innocence et au fardeau de preuve reposant sur les épaules du ministère public, ce que le juge mentionne bien) est en effet conforme à l’arrêt Lifchus[35], qui fait autorité en la matière et dont la Cour suprême a réitéré l’enseignement à plusieurs reprises, notamment dans les arrêts Bisson[36], Avetysan[37], Layton[38], Griffin[39] et Villaroman[40] (et autres), ainsi que dans l’arrêt Starr[41] lui-même.

[43] C’est ce que confirme la Cour suprême, sous la plume du juge Major, dans l’arrêt Avetysan[42], prononcé peu de temps après Starr :

11        Le contrôle de la conformité de l’exposé avec ces principes [ceux de Lifchus] n’est pas un exercice machinal mais un examen au fond. Le fait que l’exposé ne contient pas un des éléments mentionnés dans le premier groupe, ou qu’il inclut un des éléments du second groupe, n’est pas généralement déterminant quant à la validité de l’ensemble de l’exposé.

12        Selon l’arrêt Starr, précité, le critère de contrôle applicable à un exposé au jury antérieur à l’arrêt Lifchus est sa conformité pour l’essentiel avec les principes énoncés dans cet arrêt. Il est utile de souligner que les principes développés dans l’arrêt Lifchus doivent être appliqués d’une façon visant à améliorer la formulation des exposés au jury, mais ne rendent pas invalides des exposés antérieurs qui, même s’ils utilisent des expressions qui ne devraient plus avoir cours, satisfont pour l’essentiel au critère applicable. Un exposé au jury antérieur ou postérieur à l’arrêt Lifchus ne devrait pas être jugé défectueux pour la seule raison que sa formulation est imprécise. Il s’agit plutôt, comme le dit l’arrêt Starr de déterminer s’il est essentiellement conforme aux principes de Lifchus. Comme dans les affaires Russell et Beauchamp, précitées, la question de base demeure celle de savoir si l’exposé, pris dans son ensemble, donne lieu à une probabilité raisonnable que le jury ait mal compris la norme de preuve applicable. Si la réponse est négative, l’exposé est adéquat.

13        Il est établi que la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable est une norme spéciale. Elle exige davantage qu’une preuve selon la prépondérance des probabilités, ou la probabilité de culpabilité, mais moins que la certitude absolue de la part des jurés. Dans Lifchus, le juge Cory conclut que les jurés « doivent savoir que même si la norme de preuve est plus exigeante que celle appliquée dans les litiges civils […] elle n’exige toutefois pas une preuve correspondant à la certitude absolue » (par. 14). Au même paragraphe, il souligne l’importance de ce principe en disant: « Peu importe que les directives aient été données de façon exemplaire à tous autres égards, si elles sont défectueuses sur ce point, le procès ne peut que manquer d’équité ». Voir également Starr, aux par. 241 et 242. (Pour situer la norme de preuve criminelle, « elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités » : Starr, au par. 242, le juge Iacobucci.).

[Soulignements ajoutés]

[44] Je note enfin que, dans l’arrêt Layton[43], le juge Rothstein rappelle sans équivoque qu’un exposé conforme à l’arrêt Lifchus est en principe inattaquable[44]. C’est ce que reconnaît d’ailleurs, à vrai dire, le juge Iacobucci lui-même, dans Starr, en souscrivant aux propos du juge Twaddle lorsque celui-ci écrit que les mots utilisés « pour transmettre cette idée n’ont pas d’importance, mais l’idée elle‑même doit être transmise »[45].

[45] De son côté, le juge Watt, dans ses modèles de directives, estime que la formulation suggérée par le juge Iacobucci dans Starr risque de semer la confusion dans l’esprit des jurés et qu’il vaut mieux s’en tenir à Lifchus :

Some judges may wish to add to paragraph [4] the suggestion made by Iacobucci J. in R. v. Starr, 2002 CSC 6 (CanLII), [2002] 1 S.C.R. 144, that proof beyond a reasonable doubt falls much closer to absolute certainty than to proof on a balance of probabilities. In Ontario at least, this suggestion is not a mandatory requirement of a jury instruction on standard of proof.

Despite its accuracy, the amplification that Iacobucci J. suggests, but does not require in Starr is problematic, even if the plainer terms “probable guilty” are substituted for “proof on a balance of probabilities”. The problem is that this addition invites a jury question or series of questions such as:

  •       What do you mean by “much closer”?
  •       How much closer”
  •       Can you give us a percentage”

No judge can answer any of these questions correctly. Sometimes the desire to clarify confuses more that enlightens. The more words spilled, the less education provided.[46]

[46] C’est un point de vue que je ne partage pas : dire que le doute raisonnable se situe entre la probabilité et la certitude absolue peut tout aussi bien engendrer les questions ci-dessus dans l’esprit des jurés et il me paraît plutôt que la suggestion du juge Iacobucci est de nature à clarifier davantage – ne serait-ce qu’un peu – les concepts en jeu. C’est sans doute la raison pour laquelle elle est intégrée aux modèles de directives publiés par le Conseil canadien de la magistrature[47].

[47] Il demeure néanmoins que, de façon générale, la jurisprudence des autres provinces canadiennes, tout en reconnaissant que la formule proposée par le juge Iacobucci peut effectivement être utile, n’en fait pas une obligation : des directives conformes à Lifchus suffisent[48].

[48] De même, la jurisprudence de notre cour laisse entendre, quand elle ne le dit pas explicitement, que des directives conformes à Lifchus, sans l’ajout des mots proposés par le juge Iacobucci dans Starr, sont suffisantes. Dans Ranwez c. R.[49], le juge Dufresne, pour la Cour, écrit ainsi que :

[23]      D’ailleurs, le juge du procès n’est pas nécessairement tenu de situer explicitement le doute raisonnable plus près de la certitude absolue que de la probabilité.

[24]      Dans R. c. Starr, 2000 CSC 40 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 144, 267-268, le juge Iacobucci s’exprime ainsi :

[reproduction du paragr. 242 de cet arrêt[50]]

[25]      La Cour d’appel d’Ontario dans l’arrêt R. c. Archer, [2005] O.J. N° 4348, paragr. [37] (Ont. C.A.), appliquant l’arrêt Starr, écarte l’argument que le premier juge a commis une erreur en omettant de donner la directive selon laquelle le doute raisonnable se rapproche davantage de la certitude absolue que de la prépondérance des probabilités. Le juge Doherty écrit :

[37]   Starr does not suggest that it is mandatory that the jury be told that the reasonable doubt standard falls much closer to absolute certainty than to proof on a balance of probabilities. Iacobucci J. instead described that approach as “an effective way” of defining the reasonable doubt standard. […]

[49] Dans Gaudette c. R.[51], le juge Hilton, aux motifs duquel souscrivent ses deux collègues, rejette pareillement l’idée qu’une directive ne comportant pas la formule préconisée par le paragraphe 242 de l’arrêt Starr serait déficiente pour cette raison, si par ailleurs elle distingue bien le doute raisonnable de la probabilité ou de la prépondérance.

[50] L’arrêt Boulachanis c. R.[52] se contente de renvoyer aux passages de l’arrêt Starr qui reproduisent certains extraits de Lifchus, sans exiger la mention suggérée par le juge Iacobucci, qui n’est pas même mentionnée.

[51] On pourrait peut-être penser que la Cour, dans Sorella c. R.[53], sous la plume du juge Vauclair, suggère implicitement que la précision de type Starr est utile (si elle est donnée correctement), notant par exemple que « le droit exige du jury que sa conclusion soit fondée sur un plus haut degré de certitude, en lui [le jury] faisant comprendre que cette norme signifie davantage que la simple certitude qui anime nos décisions de la vie courante »[54]. Or, justement, la juge, dans cette affaire, avait voulu s’inspirer de Starr, ainsi que le rapporte le juge Vauclair, mais l’avait fait d’une manière inadéquate :

[17] La juge, d’abord en anglais, explique correctement que la norme de preuve hors de tout doute raisonnable s’approche davantage de la certitude absolue (much closer to absolute certainty), comme l’enseigne la Cour suprême : R. c. Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, par. 14, 31, 36. Ensuite, en français le lendemain, la juge explique que l’obligation du ministère public n’est pas de « prouver quelque chose avec une certitude. Alors, c’est plus proche à la certitude qu’à la balance des probabilités qu’on voit souvent avec la balance de la justice, c’est beaucoup plus proche de la certitude, mais la certitude n’est pas requise » : M.A. p. 91-92.

[52] Comme le souligne le juge Vauclair, parler de « certitude », dans ce contexte, ne suffit pas : c’est de « certitude absolue » dont il est question et il y a une différence importante entre la simple certitude et la certitude absolue. Même si la directive initiale sur le sujet parlait de « certitude absolue », l’ajout fait subséquemment ne pouvait que semer la confusion dans l’esprit des jurés en réduisant l’importance du fardeau de preuve de la poursuite[55]. Autrement dit, la juge avait ici, par un ajout indu et inexact, saboté ses propos initiaux sur le doute raisonnable et le fardeau de preuve incombant en conséquence au ministère public. Il n’y a rien de tel en l’espèce, alors que le juge n’a pas commis l’erreur identifiée dans Sorella. Certes, il n’a pas fait la précision Starr dans ses directives, mais, comme l’écrit aussi le juge Vauclair, « il n’existe pas de formule sacramentelle en la matière »[56].

[53] Évidemment, dire tout cela n’est pas exclure ou rejeter la formule suggérée par le juge Iacobucci, laquelle me paraît en effet enrichir utilement les explications qu’un juge doit donner au jury sur le doute raisonnable, concept des plus difficiles à définir[57]. Néanmoins, comme on vient de le voir, elle n’est pas indispensable dans la mesure où les directives expriment clairement l’idée que le doute raisonnable, notion capitale au droit criminel et propre à celui-ci, va au-delà de la probabilité sans qu’il s’agisse pour le ministère public de faire une preuve atteignant la certitude absolue.

[54] Or, en l’espèce, les directives préliminaires et finales[58] du juge de première instance sur la présomption d’innocence, le fardeau de preuve et le doute raisonnable sont strictement conformes à l’arrêt Lifchus. Certes, on ne leur reprochera pas un excès de mots. Elles collent néanmoins de près – sans aucune fioriture – au canevas proposé par le juge Cory dans cet arrêt et, de même, elles suivent pas à pas les modèles du Conseil canadien de la magistrature (à l’exception de la précision Starr et du résumé final) et du Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions (qui ne recommande pas cette précision), modèles qui sont eux-mêmes conformes à Lifchus. Elles font ressortir le caractère particulier de la notion de doute raisonnable dans le contexte du processus judiciaire criminel et la nécessité de la distinguer de la probabilité ou de la vraisemblance. Là où il parle de certitude, en rapport avec le fardeau de preuve de la poursuite, le juge la qualifie d’absolue, ne commettant pas l’erreur relevée par le juge Vauclair dans Sorella[59]. Et lorsqu’il explique que les jurés peuvent acquitter l’appelant s’ils ne sont pas « sûrs » de sa culpabilité ou, au contraire, s’ils le sont, prononcer un verdict en conséquence, il ne commet pas l’erreur, soulignée dans Lifchus[60], de dire cela avant d’avoir expliqué le fardeau de preuve hors de tout doute raisonnable.

[55] Dans l’ensemble (et c’est là la norme de révision applicable[61]), le juge a donné des explications appropriées et intelligibles à cet égard (et ce, tant dans ses directives préliminaires que finales). Qu’il n’ait pas employé la formule du juge Iacobucci dans Starr et qu’il n’ait pas voulu rectifier ses directives initiales en l’ajoutant (comme le lui demandait l’avocat de l’appelant) n’est donc pas une erreur, la substance desdites explications y étant conforme. Le jury, soulignons-le, n’a pas demandé d’éclaircissement supplémentaire sur la notion de doute raisonnable, contrairement à ce qui s’était produit dans l’affaire Layton, par exemple. Au final, il n’existe pas de probabilité raisonnable que « le jury ait été induit en erreur par ces directives au point d’avoir appliqué une norme de preuve inférieure à celle de la preuve hors de tout doute raisonnable ou d’avoir appliqué incorrectement la norme du fardeau de preuve ou du doute raisonnable pour aboutir au verdict »[62]. S’il en était une, l’appelant n’en pas fait la démonstration.