R. c. Houle, 2023 QCCA 99

MISE EN GARDE : Une ordonnance limitant la publication a été prononcée le 1er novembre 2021 par la Cour du Québec (l’honorable Matthieu Poliquin), district de Trois‑Rivières, en vertu de l’article 486.4 C.cr., afin d’interdire la publication ou la diffusion de quelque façon que ce soit de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime ou d’un témoin.

C’est une erreur de croire que seul l’emprisonnement peut répondre adéquatement aux objectifs de dénonciation et de dissuasion générale, la sévérité n’étant pas l’apanage de l’emprisonnement.

[46] Cela ne résout pas la question de la détermination de la peine, car « c’est une erreur de croire que seul l’emprisonnement peut répondre adéquatement aux objectifs de dénonciation et de dissuasion générale, la sévérité n’étant pas l’apanage de l’emprisonnement »[42]. La jurisprudence démontre également que « l’objectif de dissuasion générale en présence de crimes par nature plus sérieux, ne constitue pas un obstacle dirimant à l’absolution »[43].

[47] De fait, l’absolution n’exclut aucun crime (sauf ceux qui sont passibles d’une peine minimale ou de 14 ans d’emprisonnement) et n’est pas une mesure exceptionnelle[44]. Elle peut être ordonnée si le juge considère « qu’il y va de l’intérêt véritable de l’accusé sans nuire à l’intérêt public »[45].

Il faut aussi considérer l’écart entre l’absolution et les peines infligées dans des cas semblables : plus cet écart sera marqué, et moins l’intérêt public pourra s’accommoder d’une absolution.

[48] En l’espèce, à supposer que le critère de l’intérêt véritable de l’accusé soit démontré – ce qu’il n’est pas nécessaire de décider – celui de l’intérêt public ne l’est pas. Comme l’observent les auteurs Parent et Desrosiers, « plus l’infraction est grave, moins il y a de chances que l’absolution soit accordée et plus il devient nécessaire de démontrer la présence de facteurs favorables à l’accusé »[46].

[49] Il faut aussi considérer l’écart entre l’absolution et les peines infligées dans des cas semblables. Dans R. c. Douab, le juge Jean-François Gosselin de la Cour du Québec écrit à juste titre que « plus cet écart sera marqué, et moins l’intérêt public pourra s’accommoder d’une absolution […]. Autrement dit, la marche est plus haute si le crime à sanctionner mérite, par exemple, une peine d’emprisonnement »[47].

[50] Cette considération rejoint le principe de l’harmonisation des peines. En matière d’agression sexuelle, la fourchette des peines généralement infligées dans des circonstances semblables varie entre 12 et 20 mois d’emprisonnement lorsque l’infraction est poursuivie par acte criminel[48]. L’emprisonnement ferme est la sanction privilégiée, même si cette règle d’application générale a ses exceptions[49].

[51] L’arrêt R. c. Gravel[50] cité par le juge en est une. Dans cette affaire, l’accusé était le colocataire de l’ex-conjoint de la victime. Il s’est livré à des attouchements sexuels sur la victime alors qu’elle était fortement intoxiquée et endormie. Croyant qu’il s’agissait de son ex-conjoint avec qui elle venait d’avoir une relation sexuelle, la victime a consenti à ces attouchements. Au moment de pénétrer la victime, l’accusé lui a demandé si elle savait qui il était, ce qui a mis fin abruptement à l’agression.

[52] La Cour n’est pas intervenue dans l’exercice de la discrétion du juge d’absoudre l’accusé, notant au passage l’absence de déclaration sur les conséquences du crime, « quoique la plaignante ait eu la possibilité de la fournir »[51]. L’arrêt R. c. Gravel se distingue donc du cas de M. Houle sous au moins deux rapports : l’accusé n’était pas coupable de voyeurisme et la preuve était muette quant aux conséquences du crime sur la victime et ses proches.