R. c. Tim, 2022 CSC 12

Notre Cour a adopté une interprétation généreuse et téléologique de l’art. 9, une interprétation qui vise à mettre en équilibre l’intérêt de la société dans le maintien efficace de l’ordre et une robuste protection des garanties constitutionnelles.

[21] L’article 9 de la Charte précise que « [c]hacun a droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires. » Notre Cour a adopté une interprétation généreuse et téléologique de l’art. 9, une interprétation qui vise à mettre en équilibre l’intérêt de la société dans le maintien efficace de l’ordre et une robuste protection des garanties constitutionnelles (voir R. c. Suberu, 2009 CSC 33, [2009] 2 R.C.S. 460, par. 24; R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 15‑18 et 23). Exprimé en termes larges, l’objet de l’art. 9 « vise à protéger la liberté individuelle contre l’ingérence injustifiée de l’État » (Grant, par. 20; voir aussi R. c. Le, 2019 CSC 34, [2019] 2 R.C.S. 692, par. 25).

[22] Conformément à cet objet, une arrestation ou une détention qui est légale n’est pas arbitraire et ne viole pas l’art. 9 de la Charte, à moins que la loi autorisant l’arrestation ou la détention ne soit elle‑même arbitraire (voir Grant, par. 54; R. c. Mann, 2004 CSC 52, [2004] 3 R.C.S. 59, par. 20). À l’inverse, une arrestation ou une détention qui est illégale est nécessairement arbitraire et elle viole l’art. 9 de la Charte (voir Grant, par. 54; R. c. Loewen, 2011 CSC 21, [2011] 2 R.C.S. 167, par. 3).

Le pouvoir d’un agent de la paix d’arrêter sans mandat : Cette appréciation objective tient compte de l’ensemble des circonstances connues du policier au moment de l’arrestation — y compris le caractère dynamique de la situation — considérées du point de vue d’une personne raisonnable possédant des connaissances, une formation et une expérience comparables à celles du policier ayant procédé à l’arrestation. Les policiers ne sont pas tenus, avant de procéder à une arrestation, de disposer d’une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité.

[24] Le cadre d’analyse applicable à l’égard des arrestations sans mandat été énoncé dans l’arrêt R. c. Storrey, 1990 CanLII 125 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 241, p. 250‑251. Une arrestation sans mandat requiert l’existence tant de motifs subjectifs que de motifs objectifs. Le policier qui procède à l’arrestation doit posséder subjectivement des motifs raisonnables et probables pour agir, et ces motifs doivent être justifiables d’un point de vue objectif. Cette appréciation objective tient compte de l’ensemble des circonstances connues du policier au moment de l’arrestation — y compris le caractère dynamique de la situation — considérées du point de vue d’une personne raisonnable possédant des connaissances, une formation et une expérience comparables à celles du policier ayant procédé à l’arrestation. Les policiers ne sont pas tenus, avant de procéder à une arrestation, de disposer d’une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité (voir aussi R. c. Feeney, 1997 CanLII 342 (CSC), [1997] 2 R.C.S. 13, par. 24; R. c. Stillman, 1997 CanLII 384 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 607, par. 28; R. c. Chehil, 2013 CSC 49, [2013] 3 R.C.S. 220, par. 45‑47; R. c. MacKenzie, 2013 CSC 50, [2013] 3 R.C.S. 250, par. 73).

[25] L’existence de motifs raisonnables et probables est fondée sur les conclusions factuelles du juge du procès. Bien que de telles conclusions factuelles commandent la déférence en appel et qu’elles soient révisables uniquement en cas d’erreur manifeste et déterminante, la question de savoir si les faits tels qu’ils ont été constatés par le juge du procès constituent des motifs raisonnables et probables est une question de droit susceptible de contrôle au regard de la norme de la décision correcte (voir R. c. Shepherd, 2009 CSC 35, [2009] 2 R.C.S. 527, par. 20).

Les précédents, les principes et les politiques juridiques s’opposent à ce qu’une arrestation basée sur une erreur de droit puisse être légale.

Permettre aux policiers de procéder à des arrestations sur la base de ce qu’ils croient être la loi — plutôt que sur la base de ce qu’est réellement la loi — élargirait de façon radicale les pouvoirs des policiers au détriment des libertés civiles.

Il est depuis longtemps établi en droit canadien qu’une arrestation basée sur une erreur de droit est illégale, même si cette erreur est commise de bonne foi. La notion de « motifs raisonnables et probables » justifiant une arrestation porte sur les faits, et non sur l’existence d’une infraction en droit. Un policier commet une erreur de droit lorsqu’il connaît les faits et conclut erronément qu’ils constituent une infraction, alors qu’en droit ce n’est pas le cas.

[29] Bien que les arrêts Frey et Kosoian aient porté sur des affaires civiles, la conclusion de notre Cour selon laquelle une arrestation légale ne saurait reposer sur une erreur de droit s’applique tout autant en contexte criminel. Dans les deux affaires, la Cour a analysé le caractère légal d’une arrestation sans mandat basée sur une erreur de droit dans le cadre d’un raisonnement visant à statuer sur l’existence de la responsabilité civile. Ce raisonnement concerne la portée des pouvoirs des policiers et s’applique tout autant en contexte criminel. Voir Hill c. Commission des services policiers de la municipalité régionale de Hamilton‑Wentworth, 2007 CSC 41, [2007] 3 R.C.S. 129, par. 68, la juge en chef McLachlin (La norme du policier raisonnable dans les affaires civiles « n’a pas pour effet de rendre les normes criminelles contradictoires entre elles », mais au contraire elle « les intègre ».); G. Cournoyer, Code criminel annoté 2021 (2020), art. 129 (« Si l’infraction que le policier croit avoir été commise n’existe tout simplement pas, celui‑ci n’a pas le pouvoir d’exiger qu’une personne s’identifie ni le pouvoir de procéder à son arrestation, en cas de refus de celle‑ci d’obtempérer. »).

[30] Des considérations impérieuses en matière de principes et de politiques juridiques confirment qu’une arrestation légale ne saurait être basée sur une erreur de droit — c’est‑à‑dire lorsqu’un policier connaît les faits et conclut erronément qu’ils constituent une infraction, alors qu’en droit ce n’est pas le cas. Permettre aux policiers de procéder à des arrestations sur la base de ce qu’ils croient être la loi — plutôt que sur la base de ce qu’est réellement la loi — élargirait de façon radicale les pouvoirs des policiers au détriment des libertés civiles. Cela ferait en sorte que les gens seraient à la merci de la compréhension de la loi qu’auraient des policiers donnés, et que les policiers seraient moins enclins à vouloir connaître la loi. La population canadienne s’attend à juste titre à ce que les policiers respectent la loi, ce qui exige qu’ils la connaissent. Notre Cour a affirmé que, « [s]i la police n’est pas tenue d’entreprendre une réflexion juridique au sujet de précédents contradictoires, elle doit cependant connaître l’état du droit » (Grant, par. 133; Le, par. 149). La juge Côté a résumé de manière fort utile les considérations pertinentes en matière de principes et de politiques juridiques dans l’arrêt Kosoian, au par. 6 :

Dans une société libre et démocratique, le policier ne peut entraver l’exercice des libertés individuelles que dans la mesure prévue par la loi. Toute personne peut donc légitimement s’attendre à ce que le policier qui intervient auprès d’elle se conforme au droit en vigueur, ce qui requiert nécessairement qu’il connaisse les lois et règlements qu’il est appelé à faire respecter. Le policier a donc l’obligation d’avoir une connaissance et une compréhension adéquates des lois et règlements qu’il doit faire respecter.

[31] Il est en conséquence illégal pour des policiers de procéder à une arrestation sur la base d’une erreur de droit.

Notre Cour a souligné qu’il faut faire montre d’énormément de prudence avant de transplanter des décisions américaines relatives au Quatrième amendement dans le contexte canadien de l’art. 8 de la Charte. C’est le cas en partie parce que « le régime de la Charte exige que l’admissibilité de la preuve soit abordée de façon plus souple et plus fondée sur le contexte que la Constitution américaine; ainsi, il n’existe pas aux États‑Unis de disposition équivalente au par. 24(2) de la Charte ».

[35] Soit dit en tout respect, je ne considère pas que l’arrêt Heien soit utile pour statuer sur la légalité d’une arrestation basée sur une erreur de droit en droit canadien. Notre Cour a souligné qu’il faut faire montre d’énormément de prudence avant de transplanter des décisions américaines relatives au Quatrième amendement dans le contexte canadien de l’art. 8 de la Charte (voir Hunter c. Southam Inc., 1984 CanLII 33 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 145, p. 161). C’est le cas en partie parce que « le régime de la Charte exige que l’admissibilité de la preuve soit abordée de façon plus souple et plus fondée sur le contexte que la Constitution américaine; ainsi, il n’existe pas aux États‑Unis de disposition équivalente au par. 24(2) de la Charte » (Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), 1990 CanLII 135 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 425, p. 546‑547, le juge La Forest). Cet appel à la prudence, conjuguée aux précédents de notre Cour sur ce point, fournit de bonnes raisons de ne pas importer un précédent américain dans la présente cause.

[36] Il est depuis longtemps établi en droit canadien qu’une arrestation basée sur une erreur de droit est illégale, même si cette erreur est commise de bonne foi. La notion de « motifs raisonnables et probables » justifiant une arrestation porte sur les faits, et non sur l’existence d’une infraction en droit. Un policier commet une erreur de droit lorsqu’il connaît les faits et conclut erronément qu’ils constituent une infraction, alors qu’en droit ce n’est pas le cas.

Je tiens à préciser que je ne suggère pas que, avant de pouvoir arrêter légalement une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction liée aux drogues, les policiers doivent observer la présence d’une drogue précise et l’identifier correctement parmi les centaines de substances désignées figurant dans la LRCDAS.

[42] Je tiens à préciser que je ne suggère pas que, avant de pouvoir arrêter légalement une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction liée aux drogues, les policiers doivent observer la présence d’une drogue précise et l’identifier correctement parmi les centaines de substances désignées figurant dans la LRCDAS. Les policiers arrêtent de façon routinière des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions liées aux drogues pour de possibles infractions à la LRCDAS, même quand ils n’observent pas ou n’identifient pas de drogues précises. Les tribunaux confirment régulièrement la légalité de telles arrestations, s’ils concluent qu’il existait des motifs raisonnables et probables de procéder à l’arrestation (voir, p. ex., Loewen, par. 7‑8; R. c. Orr, 2021 BCCA 42, 399 C.C.C. (3d) 441, par. 78; R. c. Griffith, 2021 ONCA 302, 71 C.R. (7th) 239, par. 29‑33; R. c. Todd, 2019 SKCA 36, [2019] 9 W.W.R. 207, par. 6‑11 et 44; R. c. Canary, 2018 ONCA 304, 361 C.C.C. (3d) 63, par. 25‑31; R. c. Messina, 2013 BCCA 499, 346 B.C.A.C. 179, par. 26‑29; R. c. Wilson, 2012 BCCA 517, 331 B.C.A.C. 195, par. 14 et 52, autorisation d’appel refusée, [2013] 3 R.C.S. xii).

Détention aux fins d’enquête :

Un policier « peut soumettre la personne qu’il détient à une fouille par palpation préventive », lorsque le policier « possède des motifs raisonnables de croire que sa sécurité ou celle d’autrui est menacée ».

Tout comme une arrestation sans mandat basée sur une erreur de droit viole l’art. 9 de la Charte, une détention aux fins d’enquête basée sur une erreur de droit a le même effet.

[53] Dans l’arrêt Mann, la Cour a reconnu que les policiers possèdent, en vertu de la common law, le pouvoir d’effectuer une fouille accessoire à une détention aux fins d’enquête dans certaines circonstances. S’exprimant pour la majorité, le juge Iacobucci a déclaré que « les policiers peuvent détenir une personne aux fins d’enquête s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner, à la lumière de toutes les circonstances, que cette personne est impliquée dans un crime donné et qu’il est nécessaire de la détenir » (par. 45). Il a ajouté qu’un policier « peut soumettre la personne qu’il détient à une fouille par palpation préventive », lorsque le policier « possède des motifs raisonnables de croire que sa sécurité ou celle d’autrui est menacée » (par. 45). De plus, tant la détention aux fins d’enquête que la fouille par palpation « doivent être effectuées de manière non abusive » (par. 45; voir aussi R. c. Clayton, 2007 CSC 32, [2007] 2 R.C.S. 725, par. 20 et 29‑31).

[54] En l’espèce, la juge dissidente de la Cour d’appel a semblé accepter qu’il y avait eu détention légale aux fins d’enquête, tant dans le cas de l’enquête liée aux drogues que dans celui de l’enquête liée à l’accident de la route. Elle a déclaré être [traduction] « d’accord avec la Couronne pour dire que le contexte factuel objectif satisfaisait au critère relatif à une détention aux fins d’enquête concernant des substances désignées » (par. 77). Elle a en outre souligné que, [traduction] « [a]u procès, l’appelant a concédé qu’il était détenu aux fins de l’enquête liée à l’accident de la route de toute façon » (par. 77).

[55] Toutefois, l’appelant plaide que la juge dissidente a fait erreur en concluant qu’il existait des motifs justifiant de le détenir aux fins de l’enquête liée aux drogues. Il soutient que, si [traduction] « l’erreur de droit [du policier] concernant la gabapentine ne permettait pas de justifier une arrestation sans mandat basée sur des motifs raisonnables et probables, elle ne devrait pas non plus permettre de justifier une détention aux fins d’enquête basée sur des soupçons raisonnables que [l’appelant] était lié à “un crime donné” » (m.a., par. 94).

[56] Je retiens cet argument de l’appelant. Tout comme une arrestation sans mandat basée sur une erreur de droit viole l’art. 9 de la Charte, une détention aux fins d’enquête basée sur une erreur de droit a le même effet.

Une fouille à nu peut être justifiée en common law en tant que mesure accessoire à une arrestation légale quand il existe « des motifs raisonnables et probables justifiant cette fouille, en plus des motifs raisonnables et probables justifiant l’arrestation ».

[66] Une fouille à nu peut être justifiée en common law en tant que mesure accessoire à une arrestation légale quand il existe « des motifs raisonnables et probables justifiant cette fouille, en plus des motifs raisonnables et probables justifiant l’arrestation » (R. c. Ali, 2022 CSC 1, par. 2; R. c. Golden, 2001 CSC 83, [2001] 3 R.C.S. 679, par. 99). Il y a des motifs raisonnables et probables justifiant une fouille à nu « lorsqu’il existe certains éléments de preuve suggérant la possibilité que des armes ou d’autres preuves liées au motif de l’arrestation soient dissimulées » (Ali, par. 2; voir aussi Golden, par. 94 et 111). La fouille à nu doit aussi être effectuée raisonnablement, d’une manière qui « porte le moins possible atteinte au droit à la vie privée et à la dignité de la personne qui y est soumise » (Golden, par. 104).

Notre Cour a donné des indications permettant de déterminer dans quels cas des éléments de preuve ont été « obtenus dans des conditions » qui ont violé les droits garantis à la personne accusée par la Charte, circonstance qui fait entrer en jeu le par. 24(2).

[72] Étant donné que le juge du procès a commis une erreur de droit dans l’évaluation de la nature et de l’étendue des violations de la Charte, sa conclusion « subsidiaire » en faveur de l’utilisation des éléments de preuve ne commande aucune déférence. Notre Cour doit donc procéder à un nouvel examen de cette question (voir Grant, par. 129; Le, par. 138; R. c. Paterson, 2017 CSC 15, [2017] 1 R.C.S. 202, par. 42).

[77] Le principal point contesté concerne la question de savoir si l’arme de poing chargée et les munitions qui ont été trouvées au cours de la troisième fouille ont été « obtenu[es] dans des conditions » qui ont violé les droits garantis à l’appelant par la Charte. La Couronne soutient que, comme l’appelant était détenu légalement aux fins de l’enquête liée à l’accident de la route quand les policiers ont vu des balles tomber de son pantalon, le lien entre l’arrestation illégale liée aux drogues et la découverte de l’arme à feu et des munitions est ténu. La Couronne affirme aussi que la chute des balles du pantalon de l’appelant a été [traduction] « un facteur intermédiaire significatif », qui a effectivement rompu le lien de causalité entre l’arrestation illégale et les deux premières fouilles d’une part, et les éléments de preuve obtenus pendant la troisième fouille d’autre part (m.i., par. 81). En conséquence, la Couronne avance que les éléments de preuve découverts pendant la troisième fouille n’ont pas été « obtenus dans des conditions » qui ont violé les droits garantis à l’appelant par la Charte. À l’inverse, l’appelant prétend que c’est son arrestation illégale pour possession d’une substance désignée qui a entraîné les quatre fouilles, établissant ainsi un lien temporel, causal ou contextuel entre les violations de la Charte et la découverte de l’arme à feu et des munitions sur sa personne. Selon l’appelant, tous les éléments de preuve ont été « obtenus dans des conditions » qui ont violé les droits que lui garantit la Charte. Comme je vais l’expliquer, je suis d’accord avec l’appelant.

[78] Notre Cour a donné des indications permettant de déterminer dans quels cas des éléments de preuve ont été « obtenus dans des conditions » qui ont violé les droits garantis à la personne accusée par la Charte, circonstance qui fait entrer en jeu le par. 24(2) :

1.         Les tribunaux appliquent « une approche généreuse et fondée sur l’objet visé » afin de décider si des éléments de preuve ont été « obtenus dans des conditions » qui ont violé les droits garantis à l’accusé par la Charte (R. c. Wittwer, 2008 CSC 33, [2008] 2 R.C.S. 235, par. 21; R. c. Mack, 2014 SCC 58 (CanLII), 2014 CSC 58, [2014] 3 R.C.S. 3, par. 38).

2.         Il faut examiner « toute la suite des événements » liés à la violation de la Charte et aux éléments de preuve contestés (R. c. Strachan, 1988 CanLII 25 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 980, p. 1005‑1006).

3.         « La preuve est viciée lorsque l’atteinte et la découverte de la preuve dont l’admissibilité est contestée s’inscrivent dans le cadre de la même opération ou conduite » (Mack, par. 38; voir aussi Wittwer, par. 21).

4.         Le lien entre la violation de la Charte et les éléments de preuve contestés peut être [traduction] « temporel, contextuel, causal ou un mélange des trois » (Wittwer, par. 21, citant R. c. Plaha (2004), 2004 CanLII 21043 (ON CA), 189 O.A.C. 376, par. 45). Il n’est pas nécessaire d’établir un lien de causalité (Wittwer, par. 21; R. c. Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689, par. 83; Strachan, p. 1000‑1002).

5.         Un lien éloigné ou ténu entre la violation de la Charte et les éléments de preuve contestés ne sera pas suffisant pour faire entrer en jeu le par. 24(2) (Mack, par. 38; Wittwer, par. 21; R. c. Goldhart, 1996 CanLII 214 (CSC), [1996] 2 R.C.S. 463, par. 40; Strachan, p. 1005‑1006). De telles situations doivent être considérées au cas par cas. Il n’existe pas « de règle stricte pour déterminer le moment où les éléments de preuve obtenus par suite de la violation d’un droit garanti par la Chartedeviennent trop éloignés » (Strachan, p. 1006).

Voir aussi R. c. Pino, 2016 ONCA 389, 130 O.R. (3d) 561, par. 72; R. c. Lichtenwald, 2020 SKCA 70, 388 C.C.C. (3d) 377, par. 57; R. c. Reilly, 2020 BCCA 369, 397 C.C.C. (3d) 219, par. 75‑76, conf. par 2021 CSC 38; et Hill, Tanovich et Strezos, § 19:22.

[79] En l’espèce, il n’est pas nécessaire que je décide si, comme le réclame la Couronne, les balles tombées du pantalon de l’appelant ont rompu le lien de causalité entre l’arrestation illégale de l’appelant et les deux premières fouilles illégales, d’une part, et la troisième fouille, légale celle‑là, d’autre part. Même s’il était possible d’affirmer qu’il n’existait aucun lien de causalité entre les violations de la Charte et la découverte des éléments de preuve durant la troisième fouille, il y avait indubitablement des liens de nature temporelle et contextuelle qui n’étaient ni ténus ni éloignés. Le lien entre les violations de la Charte et les éléments de preuve contestés découlant de la troisième fouille était de nature temporelle, parce que la découverte de ces éléments de preuve était très rapprochée dans le temps des violations de la Charte. Le lien était également de nature contextuelle, puisque la découverte de ces éléments de preuve découlait directement de la même interaction avec les policiers : la troisième fouille a eu lieu parce que le policier s’inquiétait du fait qu’il avait peut‑être « omis de repérer certains objets » pendant la première fouille. La troisième fouille faisait aussi partie de la même opération ou série d’actes que les première et deuxième fouilles : l’interaction a commencé dans le cours d’une enquête liée à l’accident de la route qui a rapidement mené à une arrestation illégale pour possession de ce que l’on croyait être une substance désignée, arrestation qui a ensuite immédiatement fait naître des préoccupations en matière de sécurité justifiant la troisième fouille.

[80] Conformément à l’approche généreuse appliquée par la Cour à l’égard de la condition de base requérant que les éléments de preuve aient été « obtenus dans des conditions » attentatoires, ces liens de nature temporelle et contextuelle sont suffisants pour exiger l’examen de la question de savoir si les éléments de preuve obtenus dans la troisième fouille doivent être écartés en application du par. 24(2) de la Charte, en plus des éléments de preuve découlant des deux premières fouilles.